Chronique de Concert
Peter Doherty
En attendant, la foule s'est déplacée en cette soirée du 9 mars pour acclamer ce cher Peter Doherty, précédé de Plus Guest, groupe originaire de Strasbourg qui officie dans du pop-rock gentiment garagisé. Nos jeunes français se rapprochent ainsi malgré eux du son - et de l'apparence - des B.B. Brunes, à la seule différence que leurs textes sont en anglais. La seule chanson chantée en français est en fait une reprise de Jacques Dutronc, un brin plus énervée. Vous l'aurez compris, les influences du groupe sont des plus nobles (parfois on jugerait reconnaître les Doors), mais sont aussi souvent mal digérées (on est à la limite du plagiat du Passenger d'Iggy Pop sur le dernier morceau).
En résumé, il s'agit là d'un groupe très, très jeune, qui mêle au son le plus détestable du rock alternatif français les influences les plus légitimes. Le tout se révèle carré et efficace, le groupe joue sobre, juste, et prend un plaisir évident. Voilà un groupe attachant à qui il ne manque qu'une identité, et qui a le temps de gommer ses défauts à l'avenir, on en est sûr !
Pete Doherty : la goutte de vin qui fait déborder le vase
La soirée commence véritablement lorsqu'un membre de l'équipe chargé de préparer la scène emmène le breuvage de sieur Doherty : il s'agit de bouteilles de tailles et de formes diverses, dont on reconnaît une de vin, sans doute d'un cru intéressant. Notez que c'est le moment où la foule fera le plus de bruit de tout le concert. Ai-je besoin d'en dire d'avantage ?
Armé de sa guitare acoustique qu'il enfile avec indifférence, Pete, qui ne nous a apparemment pas attendu pour l'apéro, attaque sans préliminaire par Can't Stand Me Now, un des plus gros tubes des Libertines, interprété fidèlement mais sans éclat particulier. Après une demi-phrase de salut en demi-français, qu'il n'aura même pas pris soin d'apprendre à prononcer de manière compréhensible pour l'occasion, "Nikki" sa violoniste le rejoint et le show se poursuit, non sans que le verre à pied ait été rempli de rouge.
Première constatation : le violon et la guitare de s'entendent pas. Souvent, Pete aime à finir ses morceaux sèchement, ou sans doute d'une manière plus ou moins inventée selon son humeur du moment, sans un regard vers Nikki, qui se voit forcée de couper sa note dans un decrescendo désabusé, avec un sourire gêné très peu complice. Qu'importe, le nombre de fois où Pete aura regardé sa partenaire dans la soirée se compte sur les doigts d'une main. Ce qui nous emmène vers un autre détail non moins accablant : la guitare et le violon ensemble sont faux, même lorsque Pete semble jouer juste. Il faudrait enquêter sur l'accordeur qui intervient quasiment entre chaque morceau, et le traitement mystérieux qu'il inflige à la guitare...
Mais rassurez-vous : Pete n'oublie pas de jouer réellement faux de temps à autre ; d'ailleurs, de plus en plus à mesure que la bouteille de vin se vide. On a eu peur ! et dire qu'on a failli payer nos places pour entendre Pete jouer convenablement. Pas déconner non plus. Trêve de plaisanterie : le métier de Pete prend le dessus lorsqu'il s'agit des parties vocales accompagnées (si sa bouche imbibée d'alcool parvient à chanter en face du micro), mais lorsque l'on attaque les parties mélodiques un peu plus précises à la guitare, on est gratifié de grands moments de rigolade ; j'ai même le souvenir d'un passage où il n'ait pas joué une seule fois la bonne note. Et Pete semble tout faire pour maintenir ce niveau de jeu approximatif de "fin de soirée entre potes" tout au long de concert, il emprunte même le violon de sa partenaire entre deux morceaux, pour s'en servir maladroitement, ce qui n'amusa finalement personne, et lui-même non plus.
Vous, qui venez de lire ce déluge d'aspects négatifs, vous vous demandez sans doute : "qu'est-ce qui justifie alors les 3 étoiles Concertandco ?" Eh bien, c'est parce qu'il y a aussi des points positifs ! Un peu de patience, j'y viens. Notons par exemple que Pete a fait des efforts de représentation scénique, avec l'intervention sur quelques morceaux de deux magnifiques danseuses, qui apportent grâce et poésie aux chansons déjà poignantes de Peter Doherty. Car ce monsieur est avant-tout un compositeur hors-pair, ce serait bêtise et erreur de l'omettre. Et malgré ses faussetés récurentes, le compositeur est couplé à un musicien d'une sensibilité extraordinaire, avec une identité propre, et un sens naturel de la musicalité (son jeu est fait de nombreuses nuances fort à propos), tout cela pour servir des chansons qui n'ont pas pris une ride et qui ont un charme inexpliqué et inexplicable, comme seul Peter Doherty peut en pondre.
Pour en finir avec cet article de toute façon trop long (un peu zèle ne tue pas. "Patron, une augmentation" !), Pete, sur ce live, fut... totalement égal à lui-même. Si la soirée était en demi-teinte, on sait à quoi s'en tenir lorsque l'on vient voir Peter Doherty sur scène et on sait ce que l'on attend de sa représentation ; d'ailleurs le public ne s'y est pas trompé et si l'on en eu interrogé quelques-uns à la sortie du concert, rare auraient été les insatisfactions. Cette conclusion aussi parfaite qu'attendue m'offre une transition inespérée vers un (plusieurs) ultime coup de gueule ("alors, cette augmentation ?") : le public était incroyablement mou et passif. Celui-ci fut d'ailleurs puni par le rappel non-moins honteux de Pete, qui s'est permis de n'interpréter qu'une seule et unique chanson : Fuck Forever, soit la moins bonne de tout son répertoire, toutes formations confondues ; avant de partir sans un mot (mais en ayant distribué son restant de bouteilles aux affamés du premier rang). Enfin, avec Boby nous tenions à dresser un gros doigt pointé vers le ciel au son exécrable de la salle (c'est si difficile de programmer une guitare acoustique, sérieux ?), mais une fois n'est pas coutume puisque Pete est censé se déplacer avec ses propres ingénieurs du son.
"Patron, une double augmentation !..."
NotaBoby : Sans parler des performances de l'ami Peter, le réel problème de la soirée ne fut pas que Doherty soit ivre, ou même sous influence de stupéfiants, lui à l'habitude ce n'est pas un problème. En revanche, son ingé son a tout intérêt à arrêter sans condition toutes substances. Le son, vraiment trop fort rendait le spectacle simplement insupportable, un comble dans une salle neuve ou le matériel et l'acoustique sont pourtant de qualité !
Critique écrite le 13 mars 2013 par Pouille-pouille
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> Réponse le 18 mars 2013, par Teobaldo
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