Chronique de Concert
Prophets Of Rage, Nine Inch Nails, Beth Ditto... (Les Eurockéennes de Belfort 2018)
Les Eurockéennes célébraient leur 30ème édition du 5 au 8 juillet derniers. Un événement incontournable en France où s'est produite la très grande majorité des artistes en activité au cours des trois dernières décennies. Il était donc indispensable de s'y rendre au moins une fois pour comprendre le phénomène. Un peu partout dans Belfort, des affiches 4 par 3 souhaitent la bienvenue aux festivaliers. Il est suggéré de prendre les transports en commun (train ou bus) mis à disposition gratuitement pour se rendre sur place sur présentation de son ticket (qui ne sera finalement pas demandé).
La signalétique et le dispositif pour en bénéficier sont toutefois très discrets. 10 minutes plus tard, le site naturel et protégé s'offre à plus de 130 000 spectateurs, comptabilisés sur 4 jours. Vigipirate oblige, les spectateurs sont détournés en file indienne par un petit sentier étriqué jouxtant le lac afin d'accéder à l'entrée. La route habituelle qui y mène est déserte et laissée libre pour les rares cyclistes qui s'y aventurent et étroitement surveillée par les forces de l'ordre.
Fort d'une affluence record, le lieu est saturé. Les pluies de la veille ont laissé un sol humide voire boueux par endroits. On comprend mieux les visiteurs expérimentés munis de bottes et de sacs poubelles pour s'asseoir. On aperçoit aussi de nombreux propriétaires de sacs à dos de randonneurs avec poche à liquide intégrée... On pensait aussi pouvoir siroter un verre les pieds dans l'eau, mais pour des raisons de sécurité sans doute on n'aperçoit uniquement le lac du Malsaucy à proximité de la scène de la Plage (derrière des grilles), le cadre exceptionnel des Eurocks gagnerait certainement à être valorisé : la grande roue qui permet d'apprécier les alentours est une avancée. On affectionne en revanche de ne pas avoir à supporter des files d'attente interminables et pouvoir régler ses consommations selon son choix et à des tarifs respectueux.
Prophets Of Rage
Côté musique, il y avait une affiche de rêve ce vendredi 6 juillet. En particulier avec la présence de Prophets Of Rage, un morceau de Public Enemy à la base, qui ouvrira d'ailleurs le show. Ce supergroupe est composé de l'historique Chuck D de Public Enemy et du cultissime B-Real de Cypress Hill qui ont rejoint 3 des membres fondateurs de Rage Against The Machine il y a 2 ans environ pour enregistrer un album, tourner et dire tout le bien qu'ils pensent du président actuel des États-Unis.
L'alchimie a pris à 100 %. Les 2 chanteurs, l'un partisan d'un hip-hop politisé, le second un peu plus aérien, alternent le chant et les hymnes : ceux de Prophets Of Rage, de RATM entrecoupés d'interludes hip-hop avec les classiques "Fight the power" de PE, "How I could just kill a man" de CH ou encore des mix incluant entre autres "Jump around" de House Of Pain. Les manifestes de RATM font toujours leur effet 25 ans après. Il faut dire qu'on est en grande disette musicale niveau riffs ravageurs ou novateurs... Il semblerait que certains étaient surtout venus pour l'apothéose "Killin' in the name", après avoir entonné "on est en demi", voire "la Marseillaise" une bonne partie la soirée. Peu de t-shirts de RATM, CH ou PE sont aperçus, hormis les tenues officielles Eurocks, ce sont les vêtements siglés NIN, l'autre tête d'affiche millésimée, que l'on apercevra le plus.
Prophets Of Rage revisitera les 3 albums de RATM avec ses brûlots les plus dansants et fulgurants, rendra un hommage sobre à Chris Cornell avec l'intro de "Cochise" et déclenchera durant 1h30 soit la plénitude chez le fan de toujours, soit la surprise chez le novice. On apprenait ensuite que le pansement aperçu sur la main gauche de Tom Morello, prince de la 6 cordes, était dû à une opération récente : son jeu et sa présence n'en seront pas affectés. Tim C et Brad Wilk font le superjob, à la basse et à la batterie. Chuck D dont on se rappelle la passerelle créée avec les métalleux d'Anthrax avec "Bring the noise" (joué ce soir) durant l'âge d'or de Public Enemy maîtrise le répertoire RATM et le discours qui va avec. Tout comme B-Real en survêtement rouge, keffieh et lunettes noires qu'il ne quittera pas. Un très grand moment de live, le poing régulièrement levé.
Nine Inch Nails
Nine Inch Nails foulait ensuite la grande scène de Belfort pour la troisième fois (après les éditions de 2000 et 2005). Trent Reznor, cheveux courts et barbe de 3 jours, instille un climat tout particulier : tendu mais irrésistible. Filmée en noir & blanc, la représentation apparaît d'autant plus pure et marquante. Toutefois, cette musique est moins accessible que celle de Prophets Of Rage, mais le public (encore lucide) semble apprécier ce show sons et lumières où classiques, dont une reprise de David Bowie "I'm afraid of americans", alternent avec des titres assez méconnus.
Michelle David & The Gospel Sessions
En fin d'après-midi, Michelle David & The Gospel Sessions mettaient le feu à la Plage avec une soul rock dans la lignée des très regrettés Sharon Jones et Charles Bradley.
Beth Ditto
Beth Ditto, dans une robe rouge seyante, nous disait dans un français qui s'améliore jour après jour qu'elle avait chaud et était heureuse de jouer devant autant de monde. Elle revisitera son précieux premier LP et aussi quelques classiques de Gossip et on se faisait alors la réflexion qu'on avait hâte de la revoir en salle cet hiver par exemple.
On pourra désormais ajouter les Eurockéennes à notre liste de festivals sans avoir été pleinement enthousiasmé par leur organisation.
Photos : Sophie Hébert (www.facebook.com/SophieHebertPhotographies), Samuel Charon (photos d'ambiance)
Critique écrite le 10 juillet 2018 par Samuel C
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