Chronique de Concert
Protomartyr & Heimat
La Coopérative de mai, Clermont-Ferrand 18 septembre 2022
Critique écrite le 23 septembre 2022 par Pierre Andrieu
Heimat
Faire jouer un duo électronique à 20h un dimanche, c'est un peu bizarre, on est contre. Mais comme on est fan d'Heimat, on s'exécute docilement et on arrive, à peu près, à l'heure. Pour trouver un club bien rempli, sombre et enfumé comme il faut (le mec aux lights a fait du bon boulot) pour la grand messe ourdie par la prêtresse maléfique du micro, Armelle, et le pape des sons tordus, Olivier. Comme on a déjà pu le constater les fois précédentes où on a croisé la route d'Heimat, les titres du groupe sont mystérieux, presque dansants (pour bien faire, il faudrait être plus défoncé, mais on ne l'est pas un dimanche à 20h, hein), surprenants (mélange de techno, hip hop et pop synthétique, plus une pincée de reggae dub sur un titre) et boostés par le chant grave et martial de la chanteuse, qui évoque une sorte de Nico bien vivante et attirée par le côté électronico obscur de la force. Le set, trop court, se termine avec "Ita", un hit technoïde bien malsain, et "Unterwegs", un reggae dub, qui donnerait presque envie de fumer... du crack, aïe aïe aïe. Finalement, ce n'était pas une si mauvaise idée que ça de mettre Heimat à cet horaire : les sons glaçants et perturbants des auteurs de l'album "Zwei" (sorti chez Teenage Menopause / Crybaby records) nous ont mis dans le bon mood pour la suite, le post punk bien sombre de Protomartyr.
Protomartyr
Quel bonheur de revoir les excellents Protomartyr à domicile, quelques années après avoir trippé sur leur passage très marquant à La Route du Rock de Saint-Malo ! Ce soir, pas mal de fans de post punk bien agressif et noir se sont donné rendez-vous à La Coopé pour adouber le groupe du très rugueux Joe Casey. Qui est toujours aussi torturé et plus que jamais entouré par un gang de jeunes loups décidés à tout dézinguer et à ne pas faire de prisonniers. En special guest sur cette tournée, une éminente membre des Breeders, Kelley Deal (la sur jumelle de Kim), qui apporte un plus aux churs, aux synthés et à la guitare. Malheureusement, elle est souvent sous mixée par le sondier, ce qui est bien dommage. Mais cela n'entame pas notre "joie" de prendre une série de baffes monumentales administrées par le groupe du Michigan, sorte de synthèse parfaite entre les Pixies, The Fall et le post punk (Casey & Co sont les parrains cachés de la vague actuelle du genre : Shame, Idles etc.).
Outre la violence du truc (un son très frontal balancé par des musiciens qui ne sont pas là pour rigoler), ce qui frappe de prime abord c'est la ressemblance physique du leader du combo avec Black Francis des Pixies : le mec n'est pas destiné à faire des couvertures de magazine, et ça nous va très bien ! Sans atteindre la puissance vocale de Frank Black, Joe Casey aboie un peu à la manière de son aîné plus connu que lui, et Protomartyr a parfois quelque chose dans le son qui évoque les auteurs de "Monkey gone to heaven", "Rock music" et "Tame". Et puis cette volonté de se présenter sur scène comme si on allait au bar du coin ou faire ses courses, sans oublier cette habitude d'enchaîner les titres en parlant un minimum, peuvent également évoquer les célèbres lutins de Boston.
Voilà, à part ça Protomartyr fait du Protomartyr : une sorte de post punk ultra désespéré chanté par un mec qui a l'air de se foutre de tout, mais en fait non. Les titres joués ce soir pour le bonheur d'un public de fans motivés et enthousiastes sont à la fois électrisants et intrigants, à l'image de "Day Without End", "Cowards Starve" ou encore de "Michigan Hammers". C'est sans fioritures, souvent gueulé comme un forcené au micro et truffé d'aspérités, ce qui permet de se laisser aller à plonger dans un océan de noirceur (cette musique irait bien comme bande son pour un docu sur la fin du monde), quitte à remonter à la surface en fin de concert pour respirer. Il n'y a aucun titre faible dans la set list mais ceux qui nous ont le plus fait péter les plombs se nomment "A Private Understanding" (et son break presque pop au milieu) et les tubes du dernier album, "June 21" et "Processed by the Boys", des morceaux à rebondissements, à la fois inextricables, punks et ultra riches. Des chefs d'uvre, tout simplement. Comme le rappel d'ailleurs, un modèle de violence musicale bien gérée. Presque hilare et à l'aise, suite au triomphe que lui fait la salle toute entière, Casey, qui s'est enquillé des bières pendant tout le set (comme nous, quoi), revient avant les musiciens et glisse au micro qu'ils sont en train de profiter de "crazy drugs" backstage. Ah bon ? Puis, on prend une dernière salve de post punk bien dense et menaçant (par l'intermédiaire des titres "The Chuckler" et "Half Sister") et on termine totalement rincé... Dimanche, quoi.
Photos : Yann Cabello www.yanncabello.com, www.facebook.com/yann.cabello.7, twitter.com/YannCabello, instagram.com/yanncabello...
Critique écrite le 23 septembre 2022 par Pierre Andrieu
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