Chronique de Concert
Le Quatuor
La scène a pris volontairement des allures de coulisses et nos quatre compères arrivent en rang d'oignons, manteaux, chapeaux mous et nuds papillons. Et déjà la pantomime pointe le bout de son nez, pour le plus grand plaisir des petits et des grands : Après avoir accroché leurs pardessus sur les cintres du portant prévus à cet effet, ils tentent tant bien que mal d'enfiler leurs vestes à queue de pie. Mais bien sûr, ayant des physiques bien différents (ce n'est pas pour rien qu'ils ont interprété Les Frères Jacques dans le film Gainsbourg,vie héroïque de Joann Sfar), cela se transforme en casse tête chinois ... Ils se disputent les vestes et l'un d'entre eux préfère même aller piquer la tenue du pompier de service. Bref, le décor est planté dès le départ, le mot d'ordre ce soir sera : Doux bazar !!
Ils commencent par une interprétation des Frères Jacques, justement, mais re-visitée à leur sauce et ce sera bien sûr le cas de tous les morceaux abordées ce soir. Les interprétations "sérieuses" se mettant à chaque fois à déraper en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Ils font les andouilles avec leurs instruments qu'ils tiennent n'importe comment (du moins en apparence) et semble entrer dans la musique l'air de rien, comme si leurs digressions coulaient de source. Le "Pompier" a remplacé son archet par un cintre. Les airs se mélangent et les paroles (ah oui, parce qu'ils chantent aussi !!) sont des plus farfelues.
Après l'explosion, ni plus ni moins, d'un des violons, on entend la sonnette qui annonce le début du spectacle retentir et tous repartent dans les coulisses, pour ensuite revenir sur scène tout bien comme il faut ... Pierre Ganem (Violon Alto) regagnant même sa place avec une cape-traîne rouge du plus bel effet, qui fait pâlir de jalousie ses acolytes et qu'il va très vite transformer en cape de Zorro !! C'est du savoureux n'importe quoi, qui va même déraper sur une danse du foulard. Chacun rivalisant de drôlerie dans leur cabotinage. Ils nous font ainsi traverser les pays et les époques. Commencent un délire par la musique de La Strada (de Nino Rota) pour raconter l'Italie de la misère, qui dévie sur l'enfance malheureuse de Farinelli et qui tourne bien sûr à la pantalonnade. On ne sait plus si on est au théâtre, au music hall ou bien à un concert. Jean-Yves Lacombe, qui incarne le castra, arpente la scène avec un casque (toujours de pompier ... Décidément) orné d'un magnifique plumeau blancs au bout de son manche. On est à la fois morts de rire et saisi par sa voix, qui est quand même faramineuse (sans jeu de mot !)
Tous les morceaux interprétés sont ainsi bidouillés et mixés à leur façon. La Tarentelle dérape sur O Sole Mio et la mort de Farinelli permet à Paganini de voir le jour ... On donne dans l'amusement culturel et ces supers papys (ils ont tous aux alentour de 60 ans) jouent magnifiquement tout en faisant les clowns. C'est ainsi qu'avec dextérité et la rapidité d'exécution qui les caractérisent, Paganini en vient à se mêler aux Frères Jacques pour finir, on ne sait comment, en French Cancan ... Et comme le dit Jean-Claude Camors (transformé en chef d'orchestre) : "Il faut jouer plus pour gagner plus !". Fort à propos en ses périodes électorales !!
Après une courte pause qui laisse place aux applaudissements d'un public absolument ravi, ils repartent de plus belle avec du Mozart, Jean-Yves Lacombe nous jouant La Flûte Enchantée en tenant son violoncelle à bras le corps et défiant ses trois amis dans une joute musicale et chantée.
Les trouvailles de leur mise en scène sont réellement savoureuses. On part en voyage en Inde, avec une "nymphette" qui danse, puis qui joue les automates cassés ou au magicien avec une boule de lumière rouge. Tout s'enchaîne quasiment sans temps de pause, avec une fluidité incroyable aux vues de la diversité des morceaux et des genres. Ils n'arrêtent pas un seul instant de jouer avec tout ce qui est à leur disposition : les étuis de leurs instruments équipés de petites roulettes leur donnent l'occasion de faire une course de petites voitures, ils jouent à ciseaux/papier à coup d'archet. Ils partent dans des comptines pour enfants ... Bref, leur imagination est plus que débordante et laisse place à toutes leurs fantaisies ... Et le tout en queues de pie, s'il vous plait !!
La 5ème Symphonie de Beethoven (à laquelle on est passé sans trop savoir comment) va encore leur donner l'occasion de nous faire rire. Laurent Vercambre n'a plus envie de jouer du violon et il préfère le transformer en guitare (les deux instruments étant collés dos à dos et lui pouvant en changer par le jeu d'une simple rotation). Il se fait gronder par les autres, mais continue son petit manège, alors que Jean-Yves Lacombe, lui, tape son violoncelle comme on le fait d'une contrebasse de jazz. Ces doux-dingues sont juste fabuleux et ils nous font mourir de rire, avec leurs cris de loup et leurs jeux de scène, allant même jusqu'à faire semblant de faire pipi dans les fougères et à faire tourner à la broche un violoncelle !!
Autre tableau, autre univers. On est de retour de vacances, avec une superbe chanson canadienne sur le Quebec et le Saint Laurent qui dérive sur du Vivaldi ... Avec lunettes de soleil et machouillage de chewing-gum. Les mauvais élèves punis vont devoir refaire leurs gammes, mais ils préfèrent nous faire danser avec le Bolchoï. Et oui, ils parviennent à continuer de jouer tout en levant la jambe presque aussi haut qu'une danseuse du Moulin Rouge ! Le chef d'orchestre se prend de la folie des grandeurs et lance le grand air du Lac Des Cygnes, qui va bien sûr partir en vrille sous l'assaut d'une polyphonie bigoudenne, armées de leurs cornemuses et de leurs flûtes. On est pris les suivre dans leur voyage imaginaire, qui va se terminer avec Napoléon (ni plus, ni moins !), qui se revendique être Ludwig Van Beethoven finalement et qui s'écrie "Mais où est mein piano ?!! ... Parce que le piano c'est bien, mais dans le violon, tout est bon !!" Ils partent alors dans un espèce de buf classique. On se croirait en train d'écouter la compil Je N'aime Pas Le Classique, Mais Ça J'aime Bien ! Avec la Marche Funèbre qui se transforme en une sorte de Marche Nuptiale/Chaises Musicales, chaque chaise apportant sa musique lorsqu'ils en approchent ... Ce qui nous conduit l'air de rien vers la Pop anglaise version lyrique avec Imagine, Led Zep ou Police. Autant vous dire que la clappe finale du public est on ne peut plus enthousiaste !
Comme ils sont repartis en coulisse, ils en profitent pour revenir un par un, nous offrant cette fois des chansons réalistes sur nos petits métiers disparus : On attaque par le boucher, suivi du moucheur de chandelles, du fossoyeur et même de la dame pipi !! Mais ces airs du siècle dernier se mêlent bien vite à la chanson française plus connue de nous, dont entre autre un Poinçonneur Des Lilas suivi d'un fabuleux solo de contrebasse du "Pauvre Musicien Raté". Les autres, qui en avaient profité pour s'éclipser, reviennent transformés en crooners (Sinatra n'a qu'à bien se tenir !) et nous envoient un superbe scat de jazz.
Avant de nous quitter, car toute bonne chose à une fin, ils commencent sur la musique de La Belle Au Bois Dormant ... Mais pour réveiller le prince-chef d'orchestre endormi, il faut bien sûr une princesse. Une belle blonde est choisie dans le public et comme ça marche (il a droit à son petit bisou), les autres veulent tous en avoir une aussi. Bref, quatre jeunes personnes sont invitées sur scène et ont droit à la sérénade pour obtenir d'elles un baiser ... Encore une excuse pour nous servir un medley de tout et n'importe quoi : On démarre sur un Tu Me Fais Tourner La Tête, qui tourne au Love Me Tender et qui fini sur Viens Poupoule, aimons nous Sous Les Palétuviers, Que Je T'aime et ... Le Zizi !! Les jeunes filles reçoivent même un cours de musique et ils terminent en leur chantant "Oh belle, si tu voulais ..." Vraiment une belle fin toute en finesse pour ces merveilleux clowns poètes.
Ils nous font quand même la grâce de revenir après un véritable rappel de stars. Ils ont revêtu leurs lunettes noires et nous chante du Ray Charles ... Enfin, ils essaient. Parce qu'ils réussissent quand même à envoyer valdinguer 3 micros à grands coups d'archet. Pas grave, cela donne de beau maracas pour accompagner le final des Spice Girls (avec mise en avant leurs postérieur, si je puis dire ;) !!)
Après qu'ils aient quitté la scène, leurs instruments restés bien sagement rangés sur leurs chaises, le public quasi debout salue cette prestation vraiment unique et incroyablement divertissante. Un succès bien mérité pour cette parfaite alliance du talent et de l'humour. Et c'est une belle farce qu'ils nous ont gardé pour le rappel : Catastrophe, il n'y a plus de partition, parce qu'à force de vouloir faire tenir des feuilles récalcitrantes, il ne reste que des torchons chiffonnés. Mais le challenge ne leur fait pas peur et ils font semblant de lire les papiers froissés, ce qui nous donne un espèce de Boulez ... Morceau de bravoure s'il en est. On rit encore une fois mais le problème c'est que, à ce rythme, on risque bien de ne jamais vouloir partir !!
Jean-Claude Camors : Violon
Laurent Vercambre : Violon
Pierre Ganem : Alto
Jean-Yves Lacombe : Violoncelle & Contrebasse
Mise en scène : Alain Sachs
Setlist (Ni précise, ni exhaustive ... Mais à peu près dans l'ordre !!)
Les Frères Jacques
BO de La Strada (Nino Rota)
BO de Farinelli
La Tarentelle
La Flûte Enchantée (Wolfgang Amadeus Mozart)
5ème Symphonie (Ludwig Van Beethoven)
Les Quatre Saisons (Antonio Vivaldi)
Le Lac Des Cygnes (Piotr Ilitch Tchaïkovsky)
La Lettre À Elise (Ludwig Van Beethoven)
Marche Funèbre (Frédéric Chopin)
Marche Nuptiale (Felix Mendelssohn)
Imagine (John Lennon)
Stairway To Heaven (Led Zeppling)
Hotel California (Eagles)
Walking On The Moon (The Police)
Le Poinçonneur Des Lilas (Serge Gainsbourg)
J'en Ai Rêvé (La Belle Au Bois Dormant)
Tu Me Fais Tourner La Tête (Edith Piaf)
Love Me Tender (Elvis Presley)
Viens Poupoule (Félix Mayol)
Sous Les Palétuviers (Pauline Carton)
Que Je T'aime (Johnny Hallyday)
Le Zizi (Pierre Perret)
Baby What I'd Say ( Ray Charles)
Wannabe (Spice Girls)
Chronique réalisée par l'équipe de Concerts en Boîte
Critique écrite le 20 mai 2012 par Ysabel
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