Chronique de Concert
Qúetzal Snåkes + Black Lips
Je ne prenais pourtant pas spécialement de risques avec ce concert à 168 petits kilomètres de chez moi. Le billet de train n'était pas de contrebande et l'intercités me faisait logiquement arriver entre le goûter et l'apéro. Mais c'était sans compter divers concours de circonstances qui ont tendance à m'arriver plutôt régulièrement.
C'est donc non pas à Montpellier mais à Vergèzes Codognan que ma soirée-concert démarre. Un encas SNCF assistance, une demi-heure de route et quelques shots de schnaps estonien plus tard, nous débarquons en plein milieu du set de Qúetzal Snåkes .
En même temps, il fait plus que jour, notre synchronisation des montres affiche un petit 20 heures, alors ce n'est pas entièrement de notre faute. Surtout que Qúetzal , c'est sale et sonique à faire cramer les réverbères et macérer les nuits blanches sur une plage brutale ; et comme le groupe revient tout juste d'une tournée de quinze jours américano-canadienne (ou canado-américaine), ils sont encore plus rodés et endurants que la fois précédente à domicile, sur les terres de la Machine à Coudre .
Ici, à un mètre de hauteur et avec un son dévastateur, les trois guitares de front se répondent en mélopées atmosphériques, la basse en avant est autant heavy que mélodique et le batteur se défoule en roue libre, déversant des passages carrément hard-rock. Le chant, lui, est clairement en seconde zone, comme un fil tenu vaguement chamanique. Le charisme est là, chacun dans son univers mais se télescopant avec brio. Malgré l'heure, le Rockstore se blinde et s'anime, les yeux sont scotchés et conquis. Six mois après la sortie de leur second LP II , les Quetzàl nous prouvent qu'ils ne sont qu'au début de leur chemin. À suivre la semaine prochaine à la Paloma de Nîmes pour le This Is Not A Love Song Festival.
Au tour des Black Lips de prendre d'assaut la scène. Deux ans après la sortie de leur septième album, ils s'engagent dans une tournée internationale qui les emmènera jusqu'en Afrique du Sud en novembre prochain. En 18 ans d'existence, les Black Lips ont pris de la bouteille et se maintiennent gentiment à huit degrés six, surtout Jared Swilley à la basse et chant et Cole Alexander (aka Jessie Pinkman) avec sa Gretsch ovniesque et son look de white trash du bayou géorgien.
Ils enchainent des morceaux de presque chaque album, en particulier de Let It Bloom et d' Arabia Mountain , nous faisant voyager entre balades folk et power pop garage dans un registre relativement ralenti, version "flower punk", comme ils se qualifient eux-même, et tout à fait à l'image de leur dernier LP au nom évocateur Underneath the Rainbow enregistré avec Patrick Carney des Black Keys _d'où le son plus policé.
On aurait aimé que Bad Kids juste avant le seul et unique rappel soit plus punkifié, ce qui n'a pas empêché la foule de reprendre les paroles en chœur et de twister frénétiquement, en tentant d'éviter les déferlantes de bourracho qui auraient très bien pu secouer leur couenne sur de l'electro en club sans s'apercevoir de la différence. Dommage aussi que le lançage de papier-cul qui a toujours plus ou moins fait partie de leurs shows soit maintenant scénarisé, avec en coulisses le roadie-videur et ses quatorze cartons de PQ trois couches prêts à l'emploi qu'il vient consciencieusement balancer sur nos têtes floutées par le brouillard de la mini-fog, quand il ne gonfle pas des ballons estampillés Black Lips ou qu'il ne pousse pas des aventuriers du slam de la scène à la fosse.
Mais ne crachons pas dans la soupe, le plaisir est bien là et toujours salement contagieux. Le soufflet retombe sur une salle customisée en chiottes géantes, et c'est un peu déboussolé et même pas soûl qu'on se retrouve sur le trottoir à peine assombri par l'obscurité naissante, un peu comme sur notre faim. Et le kébab indien n'y changera rien. Putain, on a tous pris un coup de vieux !
Critique écrite le 02 juin 2016 par odliz
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