Chronique de Concert
Rabih Abou-Khalil Quartet Méditerranéen + Yuval Amihaï Ensemble
Le quintet est déjà sur scène devant un parterre bien garni. Il joue les dernières mesures d'une danse pour la paix plus rythmée que le titre suivant : une mélodie sucrée où la guitare sonne comme un oud et où la quiétude dégagée par le sax soprano semble poursuivre le message pacifiste. Ces deux instruments et les trois autres (contrebasse, batterie, sax ténor) diffusent ensuite des couleurs plus jazz.
Le contraste entre thèmes sirupeux et soli habités (guitare, sax ténor et batterie sur Aviv) est saisissant mais n'a pas toujours lieu. Ainsi sur le softissime Part 2 où le duo guitare / sax soprano entreprend une anesthésie générale achevée par un deuxième sax soprano et des balais de batterie. Peace and love. La Paix est encore à l'honneur pour le titre final dédié à Elie Wiesel, prix Nobel de la discipline. C'est bien écrit et vous sortez de là avec l'envie de vous reconvertir dans l'élevage de colombes.
Yuval Amihaï Ensemble : Yuval Amihaï : guitare, compos / Damien Fleau : saxophone soprano / Yoni Zelnik : contrebasse / Etienne Bouyer : saxophones ténor et soprano / Gautier Garrigue : batterie.
Rikud La Shalom
Ma Avareh
Down & Up
Aviv
Part 2
Wiesel
C'est depuis le concert de Choumissa au Cri du Port que cette date est écrite en rouge sur mon agenda. Fred Pichot l'avait évoquée à l'occasion d'une fort belle reprise de Rabih Abou-Kabou. Et là encore, les parfums seront méditerranéens et pour cause : il est né au Liban, son accordéoniste est italien, son saxophoniste sarde. Seul le batteur, américain, n'est pas issu du bassin méditerranéen. Anglo-saxon comme l'exil allemand de Rabih.
Tous quatre se sont regroupés sur le devant de la scène, préférant le confinement à l'utilisation de l'espace. Judicieux. Leur complicité ainsi accrue par la proximité, les quatre vont nous offrir un de ces moments rares de force et d'intensité musicales.
En plus de son talent indéniable de joueur d'oud, Rabih Abou-Khalil fait preuve d'un délicieux humour pince-sans-rire. Le ton est donné avec la présentation des musiciens axée sur les stéréotypes qu'évoquent les peuples représentés.
On sent l'ironie lorsqu'il présente Fish And Chips comme "un hommage à la nourriture anglaise", on a peine à le croire lorsqu'il donne les titres de ses morceaux : "si tu me quittes, je dois en trouver une autre mais c'est pas facile" (chanson d'amour !) et "le rasage est ennuyant, l'épilation à la cire est douloureux" en sont les plus croustillants. "Les musiciens arabes qui jouent en Europe cherchent des thèmes universels. L'épilation en est un", nous dit-il pour justifier ce dernier.
La Méditerranée baigne nombre de pays et la localisation exacte de ceux évoqués n'est pas toujours chose aisée. Car le métissage est important. L'accordéon peut nous tirer vers l'Espagne, les percussions vers le Maghreb, le saxophone soprano vers le Proche-Orient, l'oud vers les Balkans, la voix vers la Sardaigne...
L'ensemble est d'une vigueur et d'une richesse énormes. Lorsque Rabih utilise une plume de je ne sais quel oiseau méditerranéen en guise de médiator et s'investit dans un solo, les trois autres ferment les yeux et dégustent chacune des notes distillées.
Mais ils apportent aussi brillamment leur pierre à l'édifice. Parmi les morceaux de bravoure, citons l'accordéon habité sur Lobotomic (dont Rabih a "trouvé les paroles dans un livre médical"), l'effroyable puissance du solo de batterie final de Fish And Chips, la voix de berger sarde sur un genre d'Hallelujah du saxophoniste également capable de nous faire oublier l'absence de contrebasse dans le quartet par ses basses vocales.
Et puis l'oud, beau, mélancolique, émouvant.
"Il existe 300 gammes en musique arabe : des gammes tristes, des gammes très tristes, des très très tristes, des infiniment tristes... Celle-ci est la plus sinistre de toutes". Ainsi est présentée Dreams Of A Dying City, sublime ôde à Beyrouth.
Jarrod Cagwin : batterie / Rabih Abou-Khalil : oud / Gavino Murgia : saxophone soprano, voix / Luciano Biondini : accordéon
Le public, lui n'est atteint d'aucune sinistrose. Il semble aimer les voyages. La dernière destination est le pays de Rabih Abou-Khalil (la Bekaa au Liban) au travers d'un prodigieux Remembering Machghara.
Critique écrite le 23 décembre 2010 par Mcyavell
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