Chronique de Concert
Regina Spektor + Metric + Coralie Clément (Les femmes s'en mêlent 2005)
La Coopérative de Mai, Clermont-Ferrand 3 mai 2005
Critique écrite le 13 mai 2005 par Pierre Andrieu
L'étape clermontoise du festival Les femmes s'en mêlent a permis de découvrir sur scène trois chanteuses évoluant toutes dans la "scène musicale féminine indépendante", mais dans des styles très différents. Résultat des courses : on est tombé immédiatement sous le charme de Regina Spektor, on a adoré se faire violenter par le groupe Metric et on a moyennement aimé Coralie Clément...
Regina Spektor
Pas besoin de tergiverser, Regina Spektor a tout pour plaire : des chansons pop/folk magiques (qu'elle joue en solo au piano ou à la guitare), une voix aussi mutine que troublante (où l'on retrouve un peu de Tori Amos, Cat Power et Fiona Apple) et un physique de rousse plantureuse qui fait son petit effet... La jeune américaine d'origine russe (qui n'est pas la fille cachée du remarquable producteur Phil Spector) a délivré sur la scène du club de la Coopé un set absolument charmant entre pop aux mélodies imparables, folk émouvant et rock new-yorkais immédiat. Si elle ressemble un peu à une sage Tori Amos quand elle s'accompagne au piano face au public, elle peut se transformer en sosie calme de Poison Ivy (The Cramps) quand elle se saisit d'une guitare électrique. Mais quel que soit l'instrument choisi, elle en joue d'une manière originale, qui ferait hurler les sempiternels puristes musiciens. Elle est par exemple capable de jouer une mélodie d'une main sur son clavier en frappant une chaise avec une baguette pour faire un rythme bizarroïde. La manière dont elle utilise l'instrument rock par excellence, la guitare, est elle-aussi décalée ; la belle triture les cordes à sa façon, pour en sortir des sons surprenants... En clair, le charme de Regina Spektor a pleinement opéré à la Coopérative de Mai, et c'est vraiment à regret qu'on l'a vue regagner les loges.
Metric
Pendant le changement de plateau, une personne bien intentionnée nous abreuve de titres des Stooges et de Sonic Youth, une parfaite mise en condition pour le concert du quatuor Metric, qui déboule sur scène peu après. Les trois garçons et la fille sont habillés en noir, et ils ont tout l'air de vouloir se la jouer rock ‘n roll. On ne va pas ici vous réexpliquer le système métrique à la manière de John Travolta avec Samuel L. Jackson dans Pulp Fiction... Essayons plutôt de comprendre comment le groupe Metric fonctionne, c'est relativement simple. Les hommes produisent un boucan d'enfer avec force riffs accrocheurs, batterie hystérique et basse énervée, ils ne rechignent pas à partir sur les plates bandes bruitistes des amis de Thurston Moore, entre deux escapades disco punk ou New Wave. De son coté, la chanteuse se "contente" de toiser le public une bière à la main, de vociférer dans les graves comme James Osterberg (alias Iggy Pop), de chanter comme Debbie Harry (Blondie) ou Kim Deal (Pixies, Breeders), sans oublier de se lancer dans quelques notes atones façon Kim Gordon (Sonic Youth), avant de se jeter sur son clavier pour en sortir des sons aigrelets typés années 80. Les morceaux tiennent la route, sont incroyablement efficaces, sonnent bien et donnent une irrépressible envie de finir dans le décor, à force de trépigner et de gesticuler. Si certains font la fine bouche, la majorité du public passe un (très) bon moment avec un groupe classieux, une excellente chanteuse - avec une présence énorme - et une cargaison de tubes montés en kit pour marcher. Le plus connu d'entre eux, intitulé Dead disco, a la particularité d'être une quasi reprise de A Forest de The Cure, version dico punk. C'est osé de ne pas citer Robert Smith dans les crédits ! Car la ligne de basse est presque similaire, les breaks tombent au même moment et les sons de guitare semblent tout droit sortis de Seventeen seconds, Faith ou Pornagraphy... Mais après tout, tant que le morceau marche et que tout le monde s'éclate ! C'est pleinement le cas, donc... On attend avec impatience le nouveau disque et la prochaine tournée de Metric.
Coralie Clément
Difficile de passer après un tel tourbillon sonique, quand on est la petite sur du mal aimé de la chanson française, Benjamin Biolay, quand une grande partie du public prend la direction de la sortie assez rapidement et quand on est une jeune femme charmante comme Coralie Clément. Dès qu'on la voit arriver et peiner sur les premiers morceaux, on pense fortement à la brillante prestation d'Olivia Ruiz de la Star Ac', mais c'est un peu méchant. Car Coralie Clément se présente sans fard, au naturel et ne fait pas de caprices de stars ; elle essuie les remarques des gros lourds sans broncher, en se concentrant sur son chant. Qui est souvent un peu limite, il faut le dire. L'option rock choisie sur certains titres n'est pas vraiment une bonne idée : la voix peine à se faire entendre et même à sonner juste. Si l'on excepte ces titres, et le très mauvais single - Kids (le jeu du foulard) - écrit avec ses pieds (pour une fois) par Biolay, il y a de très bons moments quand le ton se fait plus folk/pop : la voix peut susurrer sans craindre de se faire couvrir par une intervention lourdingue du guitariste. Les morceaux sobres et doux sont réussis, on pense même aux meilleurs moments de Carla Bruni, une autre chanteuse limitée vocalement mais qui dégage indéniablement quelque chose... Les deux reprises touchantes d'"un artiste que vous devez connaître" (Billy bob a raison et Pourtant) permettent à Mademoiselle Clément de partir sur une bonne note. En sauvant, in extremis, les meubles : elle a même droit à un rappel, qu'elle honore sans chi chi malgré une salle désormais presque vide. La route sera longue et tortueuse, il y a déja eu quelques virages mal négociés, mais si elle persévère, Coralie Clément devrait faire carrière...
Sites Internet : www.ilovemetric.com, www.reginaspektor.com, www.coralieclement.com, www.lfsm.net.
Critique écrite le 13 mai 2005 par Pierre Andrieu
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