Chronique de Concert
Requin Chagrin
Autant l'avouer tout de suite, en ce début d'année chaotique pour la musique live, on est un peu perdu. Alors oui, les concerts redémarrent. Mais s'agit-il d'une reprise, d'une re-reprise, d'une pré-reprise ? Sera t'on debout, assis, couché ? On sait juste qu'il faudra montrer ce fameux QR Code, la patte blanche du XXIème siècle. Ce qui est un moindre mal par rapport aux trésors d'imagination que déploient les salles pour permettre que des concerts annulés et reprogrammés puissent avoir lieu malgré tout. Mention spéciale donc au 6Mic qui, après avoir organisé un temps des concerts assis masqués, est passé en configuration assise mange-debout. Une solution qui a permis à la centaine de spectateurs (à vue de nez) présents ce soir pour Requin Chagrin de pleinement profiter de la soirée ET de pouvoir consommer dans la salle. Une ambiance cabaret étrange et un peu contraignante, mais qui va finalement s'avérer originale et convaincante. Il ne faudra en effet que quelques morceaux avant que le public ne vienne danser en bord de scène. J'y reviendrai.
Le concert démarre avec un duo de chansons marseillais créé en 2018 par David Gauthié et Juliano Gil : A tâtons. Soit Avancer sans vraie méthode, par des moyens empiriques, incertains, selon la définition qu'en donne le Larousse. C'est un peu le constat ce soir, entre quelques ratés, un faux départ et un zeste amer d'autotune (alors qu'il y a une voix qui peut s'en passer largement). Bref, c'est dommage mais je ne suis pas rentré dedans. Une déception qui ouvre un boulevard pour Requin Chagrin. Le groupe déboule quelques minutes plus tard avec une énergie à revendre et un gros son qui font plaisir à voir et à entendre.
La déco est minimaliste, les lights plutôt sombres : une bâche en fond de scène représente une fin de route, la nuit. Claviers, guitare(s), basse, batterie. Et au milieu bien sûr, Marion Brunetto dans un élégant ensemble gris.
Une configuration qui ne va pas vraiment rester statique puisque les quatre musiciens s'empressent immédiatement de tout bousculer. Le bassiste, sorte de lad anglais, veste de survet Fred Perry fermée jusqu'au col et chaîne en or ras du cou, est intenable. Il va d'ailleurs vite finir en bras de chemise.
Sur scène, ils bougent de tous les côtés, sautant sur place quand ce n'est pas les uns sur les autres. Même les instruments s'échangent, jusqu'au morceau final où la chanteuse et le batteur prennent la place l'un de l'autre. Et c'est franchement convaincant !
Marion Brunetto a eu l'occasion de chauffer le public sudiste en rappelant ses origines proches (Ramatuelle n'est pas loin). Mais même sans ça l'ambiance monte très vite d'un cran. Les morceaux sont efficaces, les musiciens carrés.
L'envie de jouer, d'être là est bien présente. Et communicative puisque le public va vite se masser devant la scène pour bouger au rythme d'une setlist qui s'y prête particulièrement.
Tout y est ou presque et notamment le dernier album dont les tubes sont repris en chœur par un public conquis. On m'avait vendu le groupe sur son énergie plus que sur ses morceaux que je ne connaissais pas vraiment avant ce soir. On ne m'a pas menti !
Il y a aussi ces clins d'œil à Indochine, que je trouve un peu réducteurs. Bien sûr, il y a des tonalités de guitare, un son eighties que l'on retrouve parfois. Mais ils ont su heureusement s'affranchir de ce qui aurait vite pu devenir un carcan. En ne restant pas scotchés sur ces références ils assument une identité touchante et sincère.
Bref, pas de regrets, on y voit un peu plus clair désormais et la folie des concerts peut repartir.
Critique écrite le 15 février 2022 par Lb Photographie
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