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Chronique de Concert

Rodolphe Burger / Marcel Kanche

Cargo de Nuit - Arles 25 Avril 2008

Critique écrite le par

Les musiciens de moyenne montagne


Soirée très attendue que ce vendredi 25 Avril 2008, et ce, à double titre. Déjà, j'allais découvrir sur scène un artiste plus tout jeune mais découvert très récemment... Enfin en ce qui me concerne, puisque je ne connais Marcel Kanche que depuis son avant-dernier album : "Vertiges des Lenteurs". Ensuite, j'allais revoir pour la énième fois Rodolphe Burger, le géant des Vosges, près de quinze ans après mon premier concert de Katonoma. Et pour couronner le tout, ces deux-là côtoient et collaborent à l'occasion avec les acteurs des meilleurs albums français de ces dernières années comme, entre autres, Alain Bashung !

Va Chevalier

Marcel Kanche, un jeune auteur compositeur inconnu ? Que nenni ! MONSIEUR Marcel Kanche habite la scène musicale depuis presque 30 ans. Et si je dis "Monsieur", c'est qu'au travers de groupes punks sophistiqués et expérimentaux (comme "Un Département"), il jouera avec Fred Frith, les Rita Mitsouko, ou encore Père Ubu... La légende raconte même qu'alors que lui et son groupe en assuraient la première partie, il vola la vedette, dans un club de New-York, à (excusez du peu) Alan Vega ! Et puis Marcel Kanche n'est pas totalement inconnu, puisque c'est lui qui a écrit le tubesque "Qui de nous deux" pour -M-.



De son magnifique et habité "Vertiges des lenteurs" sorti en 2005, et dans lequel on retrouve ses influences, ou les intonations de sa meute (Bashung, Gérard Manset, mais aussi Fred Frith ou Vega) on entendra aucun titre ce vendredi soir au Cargo de Nuit. Dommage : j'aurais souhaité ouïr "Petit grimpeur" ou "à l'orée de toi" en voyant le loup du Loir-et-Cher en chair et en os. La courte set-list de la soirée (première partie oblige) sera composée principalement de titres issus de son dernier album "Dog songe", plus sombre encore que le précédent, plus "intimiste".



Le résultat est un moment magnifique, qui prendra aux tripes les plus attentifs, donnera des frissons à l'homme endormi, et fera germer les larmes aux coins des yeux d'une jeune fille à côté de moi. Messe païenne, où les prières sont de splendides poèmes noirs, où les transitions sont des moments de sourires paternels ou amoureux du vieux loup à l'égard de ses musiciens (comme pour relâcher la tension qui plane pendant les chansons). Messe pendant laquelle ses paroles sont bues dans un "Vase d'or". Receuillement pendant lequel cet "ange déchu" nous porte sur ses "épaules nues" (sur "Y seras tu ?").



Marcel Kanche n'est pas un auteur facile. Il n'a jamais cherché à l'être, n'a jamais cherché le succès. Mais les méandres de sa route artistique l'ont sans doute menées là où il voulait : le loup solitaire est encore là après 30 ans de carrière intransigeante à la recherche d'une qualité qui s'entend tant dans la musique que dans ses splendides textes.
Ses concerts sont aussi habités que ses disques, et cette trop courte première partie ne donne qu'une envie : le revoir sur la longueur.



A noter que Kanche est accompagé par une famille de musiciens impeccables (Julien & Laurent lefèvre aux violon et violoncelle, Jef Morin à la guitares et Isabelle Lemaitre. K au chœur), et attentifs aux moindres mouvement de ses sourcils.


Un Nid ? Pour quoi faire ?

Seconde partie, seconde expectative. La dernière fois que j'ai vu Rodolphe Burger, c'était pour un concert à Cavaillon (le 13 Mai 2005), concert qu'il avait donné suite à une résidence (avec Johan Guillon de Ez3keil, Lionel Pierres, Dgiz et son comparse Olivier Cadiot). Concert mélangeant savamment musique électronique, slam, et rock, concert durant lequel avait été interprété pour la première fois le remarquable "Un Nid ?" (qui a été composé pendant la résidence à Cavaillon), dernier titre du dernier album de Burger : "No Sport".



Burger est sans aucun doute aussi intransigeant que Kanche, menant sa barque rock sans concession depuis les débuts de sa Dernière Bande : Katonoma et leur premier album "Cupid" en 1988. Elu "plus grand groupe de rock du monde" par la presse française lors de la sortie de "Stock Phrases" en 90, Katonoma et Burger souffriront (?) d'une étiquette "intello" qui ne leur permettra pas d'atteindre les sommets annoncés. Mais Katonoma reste effectivement (jusqu'en 2004, année de la séparation) un des plus grands groupes de rock du monde, ce qui leur assure un public fidèle depuis les débuts.



Le travail de Burger (et des autres ex-membres du groupe) en solo (il faut écouter aussi les splendides opus de "l'amiral" Philippe Poirier) ne fait que renforcer cette affirmation péremptoire. À la manière d'un Raymond Depardon et de ses Profils paysans, Burger explore depuis des années la musique française, concevant des albums ethnologiques (samplant, par exemple des voix de "gens du cru") avec son compagnon de route, l'écrivain Olivier Cadiot : "Welche, On n'est pas des indiens, c'est dommage" dans une vallée des Vosges, "Hotel Robinson" sur l'île de Batz, ou "Before Bach" en compagnie d'Erik Marchand. Mais Burger est aussi l'auteur de trois albums solo "Cheval Mouvement", "Meteor Show" et le récent "No Sport" aussi différents que captivants, mêlant des influences originelles (le Velvet Underground) à ses rencontres électroniques (Doctor L.), inventant une musique originale, quintessence de la musique pop-rock-blues, accompagnée de textes originaux de haute volée, ou extérieurs et triés sur le volet.



En plus de ces qualités créatives indéniables, Rodolphe Burger est sur scène tout ce qu'on peut attendre d'un interprète de son acabit, et même plus. Car outre sa voix et sa présence (des yeux perçants de la couleur de la ligne bleue des Vosges et un physique de dernier ours de la même chaîne de "moyenne montagne"), il accompagne ses textes et ses compositions avec un jeu de guitare que l'on peut qualifier de GUITAR HEROesque.

Si on a déjà eu une guitare dans les mains, quand on a déjà essayé de faire trois accords, ou tenté un arpège, voir Rodolphe Burger jouer provoque un sentiment d'incompréhension total. Il fait partie de ces guitaristes qui donnent l'impression d'être plusieurs sur scène. Le tout avec une apparente économie de moyens, une efficacité terrible, et une aisance qui peut faire penser que les différentes guitares qu'il utilise (j'en ai compté six) sont des excroissances de ses bras.



Burger commence son set assis (comme à l'habitude pour cette tournée 2008), enchaînant cinq des six premiers titres de son dernier album. Assis, certes... Mais plein d'énergie tout de même, emplissant à la seconde où il commence, la salle du Cargo de Nuit du son si particulier dont il enrobe ses guitares. "Avance, avance, oui, un peu par là, tourne toi[...] ne bouge plus, voilà... voilà, c'est toi" sont les premiers mots qu'il chante. Et effectivement, on ne bouge plus, absorbé que nous sommes par sa voix, sa guitare, la batterie d'Alberto Malo et la basse de Julien Perraudeau.



Suivent les superbes "Elle est pas belle ma chérie ?", "Rattlesnake" et "Vicky". Extrait :



L'amusante "Je tourne", est suivie par les duos avec Rachi Taha ("Arabecedaire") et James Blood Ulmer ("Marie") dont les présences sont assurées grâce à l'inséparable sampler de Burger.

"Marie" est une adaptation (pour les paroles en français) de "Take a message to Mary", chantée en son temps par Bob Dylan, et reprise par Katonoma sur leur premier album. Sur celle-ci, c'est le quatrième changement de guitare... enfin guitare, c'est un bien grand mot quand on voit l'objet : une basse électroacoustique au corps de violon transformée en guitare-cithare à trois cordes. Le côté bricolé de l'instrument n'a cependant pour égal que la maestria avec laquelle Burger joue (une fois de plus), sortant de cette "chose" un son qui vient du fin fond de la Louisiane, paré de la touche Burger.



Burger est debout pour prendre sa guitare mythique (une forme de Telecaster, mais une lutherie entièrement métallique) et chanter "Un nid?", sur laquelle on ne peut plus s'empêcher de bouger, en tout cas moi (le rythme est entêtant). Il restera debout jusqu'à la fin du concert qui s'achèvera par "Ensemble", potentiel tube de gauche : "ensemble non, ensemble tout, n'est pas possible. Ensemble oui, mais sans toi, si possible".



Trois chansons pour les rappels : "Billy The Kid" (chanson éponyme du troisième album de Katonoma) , "Moonshiner" (reprise de Dylan, également, présente sur son avant-dernier album, "Meteor Show"), puis "Ethics of love" (il me semble) pour conclure...



Voir Rodolphe Burger sur scène pour la dixième fois est toujours un plaisir, tant ses performances sur scène sont différentes et de qualité. Le voir pour la première fois doit être carrément impressionnant. Il a encore quelques date de programmées cette année, donc celle du 12 Juin à L'Alhambra de Paris... Courrez-y !

> Réponse le 28 avril 2008, par Francis

Très belle critique de l'ami Phil. Un bémol, toutefois, à ce concert: le prix plus que prohibitif de ce concert. 23 euros, c'est cher, très cher. Il ne faudra donc pas s'étonner d'avoir un public clairsemé à ce type d'évènement.  Réagir


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