Chronique de Concert
Roger Waters - This is not a drill (Pink Floyd)
Roger Waters, ex-Pink Floyd singer, born in 1943... voilà qui ne rajeunit personne ! Le mec se traîne en plus une réputation de vieux barbon ronchon, un poil trop virulent dans son propos (régulièrement accusé d'être antisémite, par exemple, alors qu'il est à l'évidence seulement propalestinien... et donc antisioniste). Aujourd'hui encore (on l'apprendra par un message lu par lui, en attendant le début), un juge a statué pour qu'il puisse jouer à Francfort prochainement, où quelques fachos/sionistes quelconques ont du tenter d'empêcher sa venue...
C'est sûr qu'il est un peu rugueux, des fois, le pépère. Mais il se trouve qu'on l'a vu il y a quelques années à Lyon sur sa tournée Us and Them et que c'était un très beau spectacle, enthousiasmant ! Il est vrai aussi que pour nous, écrire "Trump" sur un porc volant (et l'insulter de toutes les façons possibles), ou encore traiter "nos" Le Pen (papa et fifille) d'ordures racistes et de suidés malodorants ne nous pose aucun problèmes, bien au contraire - surtout quand ça donne le cul merdeux à une partie du public !
Pas d'hésitation à y retourner donc, à l'occasion d'un beau week-end à Lille, d'autant qu'on sait le Ch'ti charmant. On commence par (re)constater qu'il est surtout anglo-saxon, c-est-à-dire très civique : non seulement il n'attente pas à vos jours sur les passages cloutés, mais en plus il peut ériger des files de milliers de gens en toute simplicité, sans aucun barriérage... Mieux encore, quand à une entrée bouchonnée du stade Pierre Mauroy, un videur vient nous dire de passer avec lui par une autre, toute la file (un petit millier de gens) le suit sagement, sans déformation ni moulon, pour se reconstituer à l'identique 100 mètres plus loin (essayez ça à Marseille, pour voir).
Bref, on adore ces gens (et leur cuisine, aussi !), et la salle Pierre Mauroy - finalement une arena plutôt qu'un stade - s'avère couverte et fort belle et son acoustique, nickel. Chouette surprise, la scène est centrale (et nous en fosse), et initialement barrée d'un système cruciforme d'écrans géants. Comfortably Numb se passera donc sur un quart de scène (frustrant, mais fait exprès) avant que le dispositif s'élève, pour révéler enfin tout le groupe : 5 musiciens, dont le précieux Jonathan Wilson qui "chante" David Gilmour le cas échéant, mais aussi deux choristes, sublimes à l'oreille autant qu'à l'oeil. Et un guitar hero non identifié et un peu chelou, mais qui fait le job très proprement.
On part alors explorer directement (alors que c'était le morceau de bravoure, sur la tournée précédente), la trilogie infernale et chairdepoulesque qui va de The Happiest days... à Another brick in the wall, part 3 ! D'ores et déjà splendide, quoiqu'un peu précoce, ça retombe un poil ensuite... Mais on sait l'importance du militantisme pour le vieux rockeur, qui affiche alors de longues listes de victimes de violences policières ou militaires, quitte à mélanger un peu hardiment les époques, allant d'Anne Frank à Amada Traoré en passant par les victimes du blocus d'Irak. Ou encore, insulte l'ensemble des présidents américains, trouvant une bonne raison pour chacun, du plus meurtrier (Nixon, sauf erreur) jusqu'à Obama (...qui a quand même eu un prix Nobel de la Paix, pour mémoire...). Politiquement incorrect ?
Dont acte, ça fait partie du jeu, le mec est toujours révolté contre à peu près toutes les violences et toutes les injustices (à part le prix de ses places, bien sûr), et on le savait ! En tout cas son dispositif visuel est à nouveau nickel : entre certains moments où on verra chanter le mythe à moins de 10 mètres de nous (quand il est au bon micro), et le fait qu'il est très bien filmé, projeté sur les écrans le reste du temps (quand il est plus loin), on ne le perd jamais de vue et on ne se sent jamais exclu ! Il y a là une forme de générosité envers le spectateur qui est à saluer, et un dispositif qui doit, certes, lui coûter bonbon !
On pourra donc le contempler à loisir, notamment sur The Bar, séquence plus intimiste, assis au piano central, avec pas mal de discours très amicaux envers le public : ce mec a toujours une tellement belle voix, qu'on l'écouterait de toutes façons parler des heures... Sauf qu'il enchaîne sur une splendide séquence à nouveau, de quand il jouait dans son "old rock band" (dont il ne prononcera jamais le nom, sauf erreur) : Have a Cigar (énorme son !), Wish you Were Here (intimiste et proche de nous, rhaââ) !
Et bien sûr l'indépassable Shine on you Crazy diamond (avec de nombreuses images en noir et blanc de Syd Barrett et du reste du groupe, mais très peu de Gilmour), suivie d'un Sheep plus alangui lui permettant de sortir un premier drone (mouton volant) et à nous, d'aller refaire nos niveaux. Bonne pioche et coup de bol : il y a un entracte juste après, et on ne le savait pas !
Et la reprise du spectacle nous réexpédie direct au ciel : In the Flesh (avec costume et déco "dictateur marteau" d'époque, et drone/pig "Fuck the Poor" d'une très grande élégance), suivie de la fantastique Run like Hell, sont probablement le climax du concert. Suivent en effet quelques créations persos, jolies mais plus anodines. Avant un Money, pas notre préférée mais dont la vidéo est marrante, avec des cochons en costard qui dansent, et un Wilson qui la chante très bien !
Belle incursion également dans l'album Dark Side of the Moon avec la jolie quoiqu'un peu longue Us & Them, ou encore Any Colour you like qu'on avait un peu oubliée, sauf pour ses rires étranges. Un dispositif laser complexe et précis recrée joliment des pyramides tout autour de la scène, pour l'Eclipse finale - c'est superbe et ça ne peut réussir qu'avec un réglage millimétrique !
Roger Waters remercie alors et présente avec attention tout son crew, avant une séquence nucléaire (devinez s'il est pro- ou anti- ?), où l'on voit la fin du monde arriver dans un dessin animé splendide, sur Two suns in the sunset. Un peu sursignifiant peut-être, mais après tout, vu que depuis 1945 il y a à peu près toujours un (ou deux) taré(s) en possession des codes nucléaires, quelque part sur notre planète (actuellement pour mémoire, à Moscou et à Pyongyang), l'apocalypse n'est jamais très loin, hélas !
Retour au bar/piano pour une reprise de la chanson éponyme, en mode light et délicat, après avoir parlé longuement des membres disparus et regrettés de sa famille, et bu un coup à leur santé - et à la nôtre. Puis le groupe salue longuement et sort de la scène en file indienne en interprétant Outside the Wall en mode fanfare, tandis que chaque membre est filmé en direct, son nom et ses instruments rappelés sur un générique de fin du concert projeté sur les écrans (une très belle idée, et très maîtrisée !).
Pour cette fois encore, et la dernière sans doute (snif), on a donc adoré passer la soirée avec ce bon vieux Roger Waters, ses défauts et ses qualités, son envie intacte et palpable à quatre-putain-de-vingt balais de (se) faire plaisir sur scène, et surtout son sens exceptionnel de la mise en scène. Très différent de la tournée précédente (y compris au niveau de la setlist - no "machine" tonight, snif), ce show 2023 a donc tenu toutes ses promesses, y compris celle de nous faire presque toucher du doigt une légende vivante du rock britannique...
Setlist : (* = Pink Floyd songs)
Comfortably Numb *
The Happiest Days of Our Lives *
Another Brick in the Wall, Part 2 *
Another Brick in the Wall, Part 3 *
The Powers That Be
The Bravery of Being Out of Range
The Bar
Have a Cigar *
Wish You Were Here *
Shine On You Crazy Diamond (Parts VI-VII, V) *
Sheep *
(Entracte)
In the Flesh *
Run Like Hell *
Déjà Vu
Is This the Life We Really Want?
Money *
Us and Them *
Any Colour You Like *
Brain Damage *
Eclipse *
Two Suns in the Sunset *
The Bar (Reprise)
Outside the Wall *
Critique écrite le 16 mai 2023 par Philippe
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