Chronique de Concert
Sabot
Arrivé entre deux morceaux, la fleur au fusil, je commence à discuter et... la batteuse se met à effectuer sur sa caisse claire un roulement de batterie rappelant le bruit produit par un "100 mètres" du frère obèse de Godzilla... Aieeeeeeee !
Les deux secondes qu'il me faut pour trouver mes bouchons protecteurs me paraissent une éternité. Ouf, 32 décibels en moins, ça ne fait pas de mal. Sur la boîte, je peux lire avec difficulté (à cause des tremblements provoqués par la musique) : "bien rouler le bouchon entre les doigts. Avion, jardinage, tir. " Oui, c'est ça, ce groupe dégage un volume sonore que l'on pourrait endurer si on passait la tondeuse sur la piste d'un aéroport international aux heures de pointe en se livrant par la même occasion au tir au pigeon.
Protégé, je peux enfin apprécier la musique de ce duo composé de Christopher Rankin à la basse hardcore-groovy-rock-jazz et d'Hilary Binder à la batterie réservée à un public averti (des dangers d'une exposition prolongée à 115 décibels). Avec ses baguettes, elle est capable de passages jazzy très fins et calmes comme de martèlements que n'auraient pas reniés le batteur de Mötley Crüe, un certain Tommy Lee, connu pour sa finesse légendaire ! Hilary, dans le but de faire correctement son boulot, s'est mise en short et en Marcel : va y'avoir du sport. Christophe Rankin, quant à lui, est un virtuose de la quatre cordes, il alterne les passages en son clair, limite jazzy, et les moments où il joue en accords, comme sur une guitare, avec une distorsion proprement monstrueuse.
Comme dans le "Je vais et je viens ..." de Je t'aime... moi non plus, il y a une sorte de ressac perpétuel : montées en puissance, descentes, breaks, silences. Et bien sûr, ça se finit par un feu d'artifice final. Les morceaux semblent improvisés mais pour être aussi précis et avoir des structures aussi complexes, ils ont dû préalablement les écrire et les répéter, ou alors c'est de la télépathie. Formé depuis 1988 et ayant voyagé jusqu'en Chine pour transmettre la bonne parole, ils ont acquis une cohésion et une complicité hallucinantes grâce à ce régime de tournée draconien.
Alors que leur musique me cloue contre le mur sans m'autoriser un seul geste, elle fait un effet bizarre sur deux personnes ayant abusé du Côtes d'Auvergne ; pendant que l'un se met torse nu et dodeline de la tête à 20 centimètres du bassiste, l'autre nous exécute des mouvements de karaté dans le vide comme s'il voulait combattre un ennemi invisible. Terrifiant ! Jean-Claude Van Damne peut trembler... Je lui conseille d'arrêter la cocaïne, s'il veut pouvoir riposter à cet énervé.
Fatigué par une tournée épuisante et une débauche d'énergie incroyable le duo termine assez vite son concert. C'est peut-être mieux ainsi, un concert de trois heures provoquerait des explosions de tympans en série...
Le disque Go there, do that m'avait laissé une bonne impression même si je trouvais difficile de l'écouter en entier, le concert confirmera mon premier jugement mais ne sera pas indigeste, au contraire. Le jazz punk instrumental de Sabot est à apprécier, bien frappé, sur scène.
Site Internet : www.cesta.cz/.
Critique écrite le 11 mai 2002 par Pierre Andrieu
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