Chronique de Concert
Sébastien Tellier + Lescop
Plus qu'une première partie, c'est un set complet que nous offre ce soir-là Lescop, entouré de 3 musiciens. L'intégralité de son album, de Paris (s'endort) à Tokyo (, la nuit) en passant par La forêt, et même une rencontre avec Marlène, titre extrait de son EP, glissé au milieu de la setlist. Et comme une bonne partie du public, je me retrouve plutôt emportée pendant ces 13 titres. Là où dans les versions studios les morceaux se retrouvent rassemblés autour du phrasé et des textes de Mathieu, les versions live de ce soir, plus puissantes, mettent volontiers la musique en exergue.
Un effort trop accentué et mal servi par le guitariste, semblant de pantin désarticulé s'amusant seul de son show intempestif, jurant à côté de la sobriété de Lescop, tout de noir vêtu, souvent figé devant son micro, yeux ancrés dans le vide, comme habité par la noirceur dont on le caractérise. Quelques phrases adressées au public pour l'inviter à danser, deux-trois gestes pointés vers les premiers rangs, un p'tit tour de guitare, et puis s'en vont.
On a beau avoir une idée de l'extravagance du personnage, personne ne sait vraiment à quoi s'attendre avant un concert de Sébastien Tellier. Sans doute même pas lui-même.
Le début du set et l'arrivée du Maître répond en tous points à l'imagerie de la secte créée il y a presque un an pour la sortie de My God is Blue : douces lumières bleues, son d'orgue, premières notes de Pepito Bleu, Tellier descendant lentement les marches de son estrade bordée de néons, larges lunettes de soleil sur le nez, grande gestuelle invitant à la communion et quelques mots susurrés auxquels répond un public hystérique déjà largement voué à la cause.
Un live de Sébastien Tellier est plus un spectacle qu'un concert : le personnage ne se contente pas de créer une ambiance et d'enchainer les morceaux ; il s'assure également de répondre à toutes les attentes de ceux qui le connaissent aussi bien pour ses gentils débordements que pour ses tubes. Loin cependant de nous présenter un show calculé où chaque entracte a le but précis d'entretenir le mythe d'un artiste pseudo-décalé. Preuves en sont les verres de vodka qui défilent sous ses pupilles illuminées, les techniciens de la salle décontenancés et même un peu paumés, ou encore le batteur lui-même survivant difficilement à ses fous rires. Le public s'en amuse et répond positivement, ne manquant pas de se précipiter pour offrir à son gourou les nombreuses cigarettes quémandées ou pour l'accueillir à bras ouvert lorsqu'il s'aventure dans la fosse.
"J'essaie de vous montrer comment c'est dans ma tête", qu'il nous dit. On n'aurait trouvé meilleure description. Après une bonne heure et demie parfaitement dosée entre morceaux du dernier album, vieux tubes et élucubrations autour de sa vie d'artiste, des programmes télévisés, des effets de la drogue et d'autres sujets plus ou moins diversifiés, le temps semble s'allonger et la vodka prendre le dessus sur la raison (si tant est qu'elle ait été présente à un moment de la soirée). Adieu la musique, bienvenue la dérive d'un mec sous acide qui a la chance d'être sur une scène face à un public acquis. Acquis mais pas pour autant privé de lucidité : jamais je n'ai pu voir autant de gens quitter une salle avant la fin d'un concert, les échappées délirantes autour de génériques de vieux dessins animés et de standards de la chanson française, ponctuées de discours sans queue ni tête mais surtout sans fin, ayant raison de leur dévouement à l'Alliance.
Inespérée, la magie finit par regagner la salle le temps d'un excellent L'amour et la Violence bien longtemps attendu. C'est là, lorsqu'il lance les notes dans la pénombre, armé de sa guitare ou prestigieusement posé derrière les touches noires et blanches, que l'Homme est grand. C'est par la musique que le pouvoir du gourou épand toute son aura et nous soulève avec lui. Dommage qu'il ressente le besoin d'en faire immensément plus.
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* Lescop
* Sébastien Tellier
Critique écrite le 30 mars 2013 par Zys
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