Chronique de Concert
Série Noire + Le Skeleton Band
Un samedi à l'Asile 404 à marquer d'une pierre blanche ou plutôt d'une balise rouge à laquelle on tente de s'amarrer entre deux déferlantes d'eau salée. Et le spectacle commence sans crier gare : juste le temps de retrouver le copain au bar et nous voici plongés dans l'obscurité laissant filtrer quelques curieux collés aux vitres, tandis que s'installe Série Noire , soit ce personnage schizophrène campant les deux héroïnes d'un polar fébrile : une enquêtrice au bord de la margelle, réanimée pour une nuit livide par ses amis des stups, reconstituant les morceaux de son enquête sous une lumière blanche option blafarde ; face à elle, s'exalte sous une lumière rouge d'un rhésus passionné, une diva cabaret empêtrée dans une histoire dramatique. L'interprétation est fameuse, fumeuse ; les personnages se court-circuitent, la diva donne de la voix et quelle voix, pour mieux s'égarer à deux dans la syntaxe et tourner en boucle jusqu'au meurtre final, cadavre et contour de craie ; les plumes de boa s'envolent, les talons s'égarent et le public, assis à l'affût, se marre. Une interprétation magistrale ; une ambiance à couper au couteau qui nous met en bonne posture pour découvrir Le Skeleton Band from Montpellier.
Le Skeleton Band , c'est ce quatuor hallucinant entre blues panoramique et guinguette pirate. Les Movies Star Junkies qui reprendraient Sunrise Sunset de Bright Eyes comme une valse mutine mais vaguement fébrile qui tangue sans crier gare et nous balance par dessus bord.
Musiciens et instruments font corps, se troquent et se sabordent mutuellement : le batteur xylophone, le mandoliste taquine le melodica, le contrebassiste fait grincer ses cordes et résonner son bois comme un voilier dans la tempête, le frontman, armé d'un banjo et de sa voix mâtinée d'accent belge, chante avec ce grain qui enraye les rouages, mi Tom Waits , mi Arno , puis son timbre tutoie le cristal façon Klaus Nomi . Et le type a du charisme. Il ne danse pas, il ondule et se cabre avant de scénariser une foultitude de petites morts.
Devant eux, les naufragés se marrent, se raccrochant à leur horizon transitoire. Poésie bricolée et transe à contre-pied retournent l'auditoire. Surtout un rasta illuminé, chaloupant à la diable, se croyant devant du reggae en accéléré.
L'interaction est constante, le chanteur largue des salves poético-bizarroïdes et le bonhomme ne manque pas d'humour. Son périple nous ballotte de rivage assoiffé en carnage assumé, dans des contrées au kaléidoscope où il vaut mieux maîtriser la castagne pour s'en tirer sain et sauf, à dos de cétacé .
Combo gagnant, les aliénés 404 sont sous le charme et reprennent des forces, des vibrations pleins le corps, avant un after bestial au Guêpier pour la fermeture du centre social autogéré après dix petits mois d'existence.
>>Sorry pour les éventuelles approximations, je n'avais pas le cerveau branché en mode chronique, mais l'occasion était trop belle pour se taire >>
Prochaine date, le 12 avril au Black Sheep de Montpellier. Sans (ré)fléchir, larguez-y les amarres.
En attendant, leurs trois albums à écouter ici : https://leskeletonband.bandcamp.com/
Critique écrite le 27 mars 2018 par odliz
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