Accueil Chronique de concert Seu Jorge + Papooz + Kadhja Bonet (L'Edition Festival)
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Chronique de Concert

Seu Jorge + Papooz + Kadhja Bonet (L'Edition Festival)

Seu Jorge + Papooz + Kadhja Bonet (L'Edition Festival) en concert

Théâtre Silvain, Marseille 09/06/2017

Critique écrite le par

Après des années-lumière le long de la mer, comme un préambule à cette soirée aquatique, il fait encore bien jour lorsque j'arrive au Théâtre Silvain pour la dernière date de la troisième année du festival L'édition . Le début des festivités est à 19h et j'ai été bien inspirée d'y débarquer sans détour car déjà une foule bien compacte s'amasse devant les deux vigiles pour la fouille réglementaire. "Vivement la fin de l'état d'urgence", me dit l'un d'eux dans un sourire fatigué. Que Saint Bowie l'entende. Mais heureusement qu'à Live In Marseille, nous sommes chanceux (ou balèzes) jusque dans les rencontres : avec Julien, mon acolyte à la photo, on se trouve sans se connaître, marchant d'un même pas sur la Corniche Kennedy.

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À peine installés sur notre beau caillou d'imitation grecque, Kadhja Bonet s'installe sur l'immense scène nimbée d'un soleil plongeant, guitare demi-caisse à l'épaule. Derrière elle, batteur et bassiste donnent le groove. Le son est impeccable, la basse imposante et la batterie, tout en légèreté.

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Malheureusement pour la Californienne aux trois albums, le début des festivités est un peu prématuré : sous ses yeux, le public n'en a pas fini de défiler, de se retrouver, de se payer des bières ou des burgers à six euros, de se raconter les dernières sorties à la plage, de se mater les chemisiers en soie ou de jouer à Candy Crush (dédicace à ma voisine de gauche) entre deux applaudissements désinvoltes. Du coup, le set de Kadhja Bonet se trouve relégué à une performance de bossa nova d'ascenseur, comme une jolie musique de fond où l'on croit percevoir à travers le parasitage du brouhaha continu une voix sucrée et suave qui se perche avec bonheur dans les octaves.

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Kadhja enchaine les morceaux sans transition, immobile et planquée derrière ses lunettes de soleil jusqu'à sa cover de Yesterday des Beatles , tout en douceur et un peu alanguie. C'est charmant, mais c'est lointain ; la lady aurait mérité une ambiance feutrée pour sa performance qui se dilue dans l'immensité du lieu, entre le bruissement des oliviers et la dissipation générale.

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Après un quart d'heure de changement de plateau sur une bande-son electro lounge qui aurait fait se retourner Bowie dans sa tombe, débarquent les parisiens de Papooz avec leur chemises bariolées et leur look 70's. Originairement duo, ils montent sur scène à cinq, renforcés d'un bassiste enthousiaste, d'un batteur tout en tension et d'un clavier-violoncelliste (voire d'un violoncelliste-clavier).

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C'est jeune, ça déborde d'énergie et ça envoie de la pop funk efficace qui rameute tous les regards. La fosse devant l'arène se remplit et les corps se déhanchent. Les deux guitaristes mêlent leur voix, la première plutôt aigue et nasillarde, la seconde à la Matthieu Chédid qui chanterait les Mots Bleus , et s'amusent avec leur guitare portée haut devant un public réceptif.

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Je reste pour ma part un peu sceptique, ne trouvant l'ensemble pas excessivement enthousiasmant, malgré l'utilisation intéressante du violoncelle façon électro, avec des notes frottées répétitives qui donnent du pétillant et singularisent un peu l'ensemble. Je ne me joindrai donc pas au clap-clap des mains en l'air, mais j'en profite pour apprécier le ciel qui peu à peu se charge de lumière sombre, découpant la silhouette d'une femme au balcon berçant son petit enfant en cadence.

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Re-changement de line up pour un moment de grâce d'un peu plus d'une heure. Avec son staff à bonnet rouge, le Théâtre Silvain se transforme en équipage du Belafonte avec comme chef de bord Seu Jorge , qui débarque sur scène après s'être fait annoncé par un maitre de cérémonie. Dans son uniforme de marin de La Vie Aquatique , combi bleu d'infirmier et bonnet rouge, guitare sèche et sourire haut perché, il salue la foule impressionnée et rend hommage à Bowie , puis vient s'asseoir sur une mini estrade-ponton encombrée de lampes tempêtes, tout en sirotant eau de feu ou feu sacré, tasse à la main. Seu Jorge nous embarque dans ses versions bossa de Bowie et l'on replonge avec bonheur dans l'univers décalé et onirique de La Vie Aquatique .

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Starman , Sufragette City et Five Years s'enchainent, émaillés d'anecdotes dans un français exotique sur sa rencontre avec Wes Anderson , d'abord téléphonique, alors qu'il était tranquillement chez lui avec sa femme en train de jouer à la Playstation et que ce type sorti de nulle part lui demande à l'autre bout du fil s'il connaît David Bowie . Sauf que ce n'est pas ce qu'on écoute dans les favelas de Rio, nous répond Seu qui nous invite avec lui au Brésil avec une poignée d'accords suaves. Les esprits de Jorge Ben et João Gilberto manœuvrent le gouvernail et frôlent les oliviers, tandis que la nuit tombe doucement, goutte à goutte.

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Sur Changes , une lumière blanche nous balaye comme un phare dans la tempête de nos émotions. Sa voix est grave, puissante et mélodieuse, magnifiquement amplifiée. Puis il enchaine sur l'histoire de sa rencontre à bord du Belafonte avec le réalisateur qui lui demande d'enregistrer sa version de Rebel Rebel , et là Seu Jorge se décompose devant cet hymne rock dont il ne sait que faire ; alors il l'ensorcelle de bossa nova, la rend douce et légère comme une croisière entre chien et loup. Ça tombe bien, le ciel est de la partie, et les lumières qui jouent avec les pierres de l'arène tout autour renforcent la poésie. Les chœurs sont repris par la foule en extase, le Rock'n Roll Suicide est un petit bijou que j'enferme dans un coin précieux de ma mémoire. Le Space Oddity se rallonge à l'envie et se propage en frissons ; le silence est presque total pour le début de Life On Mars , tant et si bien que l'on entend le retour de l'écho ; l'instant est sublime. Le morceau est repris en chœur, en anglais comme en portugais. Un drapeau brésilien est déployé tandis que Seu se confie dans sa langue maternelle.

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Le rappel est évident après une telle ovation. Pelé dos Santos , expert en sécurité et musicien du Belafonte, entame une nouvelle fois Rebel Rebel puis vient le tour de Queen Bitch , la dernière du film, et Seu cède le pas à David dont la voix résonne dans les arènes du Théâtre Silvain comme un vibrant hommage. De la poussière d'étoile tombe sur nos épaules. Quelques visuels entre morceaux du film et montages douteux couronnent le rappel, avant que Seu Jorge , entre émotion et nonchalance, échange des poignées de main et remercie son public.
Plus qu'une interprétation de Bowie , Seu Jorge fait danser les frontières de l'espace et du temps, visibles et invisibles.

> Réponse le 17 juin 2017, par Sami

Kadhja Bonet n'a qu'un seul album en fait, un EP au départ et a été agrémenté par plusieurs morceaux pour faire un album et qui a eu plusieurs sorties, et je le recommande à tout amateur de soul soyeuse qui se respecte. J'ai du faire abstraction de tout le parasitage décrit par Odilz pour passer une heure aussi délicieuse que frustrante, mais c'était prévisible en voyant le line up. En toute logique elle aurait du clairement passer après les gentils Papooz (mais un peu hors sujet à vrai dire) mais j'espère qu'elle repassera dans une salle plus intimiste et avec un public plus concerné. Pour le concert de Seu Jorge, tout a été dit, c'était sublime du début à la fin.  Réagir


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