Chronique de Concert
Festival MIMI : Shadoks Forever + Noël Akchoté
Festival MIMI - Hôpital Caroline - Marseille 4 Juillet 2013
Critique écrite le 10 juillet 2013 par Phil2guy
Depuis maintenant plus d'un quart de siècle, MIMI attire un public de curieux et de fidèles. On ne sait pas toujours ce que l'on va voir ou découvrir mais on peut être sûr d'avoir de bonnes surprises en matières de musiques expérimentales et hors-normes, c'est ce qui fait la magie et l'originalité de festival, à mille lieues du prêt à consommer musical. La traversée en navette au crépuscule, plus la marche d'un bon quart d'heure pour atteindre l'hôpital Caroline rend la chose toujours plaisante.
Cette première soirée s'intitule " Journée ton œuvre est mon oeuvre" car les artistes présents ce soir vont s'approprier des œuvres déjà existantes afin de les détourner et se les approprier de manière totalement originale.
Depuis de nombreuses années déjà, MIMI sort du champ strictement musical pour donner la part belle au spectacle vivant. La soirée commence donc avec une "version concert" des Shadoks de Jacques Rouxel intitulé Shadoks Forever, projet de Franck Dimech, du compositeur / improvisateur eRikm et de la chanteuse Catherine Jauniaux en coproduction avec le théâtre de l'Ajmer.
Ce spectacle va s'avérer totalement déjanté comme peut l'être l'univers des Shadoks. Sont présents sur scène quatre acteurs-shadoks, un duo de Gibis ( Catherine Jauniaux et eRickm) et l'insecte Gégène, interprété par la danseuse Barbarra Sarreau.
ERickm derrières ses platines assure une bande son où se télescopent éléments de musique concrète, sonorités acoustiques et électroniques. Catherine Jauniaux accompagne l'intervention des acteurs en improvisant de sa voix différents personnages ou en soufflant de temps à autres dans un jazzoflute ou différents appeaux.
Durant plusieurs scènes, les Shadoks s'agitent frénétiquement comme il se doit de la manière la plus idiote possible sans oublier de déclamer sur tous les tons leur fameux GA-BU-ZO-MEU (qui restera dans les esprits jusqu'à la fin de la soirée).
Le spectacle dure une bonne heure et demie que l'on ne voit pas passer, tant ce qui se passe sur scène est drôle et surprenant.rnCe qui va suivre sera totalement différent de la loufoquerie et de l'exubérance de Shadok Forever.
Noël Akchoté, guitariste de jazz et de musiques improvisées dans la lignée de Derek Bailey et de Fred Frith, présente son nouveau projet : Carlo Gesualdo - Madrigals for 5 guitars, comme le titre l'indique une adaptation pour cinq guitares des Madrigaux de Carlo Gesualdo, compositeur italien de la Renaissance et personnage perturbé, davantage connu pour avoir été l'assassin de sa femme et de l'amant de celle-ci que pour sa musique.
Noël Akchoté, à la guitare et à la direction musicale, a invité pour l'occasion quatre de ses pairs venant du jazz (Adam Levy et Doug Wamble), de la musique improvisée (Julien Desprez) ou du post rock (David Grubbs, ex Gastr Del Sol). Le projet est franchement audacieux : ces madrigaux aux harmonies subtiles et complexes, ne sont pas toujours faciles d'accès.
Certains de mes compagnons de concert ont pensé que les musiciens n'ont pas toujours joué juste mais il faut quand même savoir que les pièces originales sont souvent dissonantes, avec des audaces harmoniques déjà très inhabituelles pour la Renaissance. Les arrangements et l'interprétation montrent toute la modernité de cette œuvre étonnante qui sonne presque comme du jazz contemporain. Le jeu de scène est minimaliste et austère : les cinq guitaristes sont concentrés derrière leurs pupitres.
Mais cette musique n'est malheureusement pas tout à fait adaptée au plein air, l'acoustique du lieu (aussi beau soit-il) ne permet pas d'en percevoir toutes les subtilités et l'étrange beauté. Le public a majoritairement décroché et les gradins se sont rapidement clairsemés. Ce qui est quand même dommage parce que ce concert aurait mérité beaucoup plus d'attention même si on est en droit de se dire que le caractère " intéressant " et original de la démarche a pris un peu le dessus sur l'émotion. Mais c'est ce qui fait aussi l'intérêt de MIMI, il ne faut pas craindre de voir ses habitudes d'auditeur un peu bousculées et d'appréhender la musique autrement, pas forcément comme un pur divertissement. On peut juste espérer qu'il y ait des oreilles assez ouvertes pour écouter le travail d' Akchoté sur Gesualdo dont on peut avoir un bon aperçu sur son site.
Critique écrite le 10 juillet 2013 par Phil2guy
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