Chronique de Concert
Shaolin Temple Defenders
Six musiciens montent sur la scène et entament une soul, rythmée, engageante. Les ingrédients des meilleures recettes sont là. La basse et la batterie, puissantes et lourdes; la rythmique de guitare faite de brefs coups de fouet prolongés de "glissando" main gauche, vite étouffés; un fond d'accords à l'orgue, Hammond, évidemment ; les fulgurantes saillies cuivrées de la trompette et du sax (un coup ténor, un coup baryton). Ajoutez au talent et à l'énergie des musiciens ceux du chanteur qui les rejoint après un morceau orchestral, d'introduction : ça fonctionne à fond et puissamment, comme la mécanique d'une locomotive.
Évoquer le nom du Saint-Père, ou plutôt du parrain James Brown lorsqu'on écoute le chant soul teinté de funk de Manu, peut paraître facile, mais il semble bien que le Godfather se soit penché sur son berceau pour y souffler son âme, tant le style de chant est proche. Il n'en a certes pas (encore) la puissance, la folie, et il ne fait pas (encore) le grand écart sur scène, mais ça viendra certainement. Manu interpelle souvent le public, qui répond volontiers.
Shaolin Temple Defenders nous vient de Bordeaux, le groupe date de 2003, est composé de 7 membres :
"Lion Of Bordeaux" : Emmanuel Guérin-Ponjouanine au chant,
"Le Prêtre Aka ": Pierre Petit à la guitare,
Cédric Lacaze à l'orgue,
Jérémy Ortal à la basse,
Mickey Fourcade à la batterie,
Laure Fréjacques à la trompette,
Vincent Le Fort au saxophone.
Laure Fréjacques (trompette) et Vincent Le Fort (saxophone), s'engagent occasionnellement dans une petite chorégraphie synchro, parfaitement huilée : pied gauche en avant, ...trois ...quatre, ramène le pied, penche en avant, quart de tour à droite, relève la tête, sept...huit. Le fantôme des Blues Brothers passe, c'est marrant, émouvant et beau à voir.
Set List :
New Intro
Say So, Do So
International Soul
I Know What It Is
Keep This Funk On A Roll
Fall Silent
Holding On To A Dying Love
Growing Up
We Got More Soul
Spirit Of The South
Mr Dandy
Welcome To The Temple
Something To Share
Rappel :
Lacaze Essai
7 Deadly Corners
Take It Slow
Sept sur scène, ça décape, ça dégage une pêche d'enfer, contagieuse. Sept mercenaires, mais plus encore guerriers Shaolin. Et lorsqu'on demande au chanteur pourquoi on entend souvent, et c'est encore le cas pour eux, ce terme de "Shaolin" associé à la musique soul, il explique " Le mot évoque l'esprit à la fois guerrier et défenseur. Défenseur d'une culture qui a vu son âge d'or dans les années 70 avec la Motown et plus encore la Stax (soul du sud). Les influences dont il se réclame sont Curtis Mayfield et le groupe The Meters de La Nouvelle Orléans, mais il précise que si le groupe affirme sa généalogie et s'inscrit dans une continuité historique, il a son propre style, son identité.
On ne peut qu'approuver après avoir écouté Shaolin Temple Defenders.
Quelques morceaux chantés façon hip-hop et rap nous rappellent aussi les ramifications ultérieures la soul. Deux choristes attitrés dans l'esprit soul des 70's trouveraient légitimement leur place aux côtés des musiciens. Et pourquoi pas l'inventivité, l'originalité de ces morceaux seventies : le vrombissement d'une abeille pour introduire Honey Bee (New Birth), la sonnerie d'un téléphone au début de Woman To Woman (Betty Wright), la petite mélodie asiatique, les violons angoissants ou solennels (je ne me souviens plus les titres !). Autre différence notable qui nous fait mesurer la distance parcourue depuis les 70's : le look du chanteur. Quand on revoit le style de fringues des blacks de l'époque (col "pelle à tarte", chaîne en or ou baguouzes de 17 kilos, lunettes de soleil de 45 cm2, pantalon pat' d'eph et autres , et le look de Emmanuel Guérin-Ponjouanine, on réalise à quel point nous ne vivons plus à l'époque des archétypes. Mais c'est certainement une bonne chose, l'essentiel reste : la musique.
Le chanteur annonce un troisième album qui vient de sortir en octobre : Take it slow. Souhaitons que l'esprit shaolin souffle encore longtemps dans les cuivres, sur les cordes et à travers la voix de ces moines défenseurs investis d'une mission des plus nobles : préserver et pérenniser l'âme soul des 60's et 70's.
Critique écrite le 22 novembre 2010 par Mardal
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