Accueil Chronique de concert Interview de Sidi Wacho à l'occasion de leur passage à Marseille
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Interview de Sidi Wacho à l'occasion de leur passage à Marseille

Interview de Sidi Wacho à l'occasion de leur passage à Marseille en concert

Marseille - Molotov Avril 2019

Interview réalisée le 16 avril 2019 par Pierre Charvet

Ce soir-là, Sidi Wacho joue à Marseille. Le groupe arrive tout droit d'Allemagne, preuve que leur musique engagée et festive n'est pas réservée qu'aux seuls francophones ou hispanophones. Le temps est compté, mais Saidou le leader, prend un peu de son temps et de sa voix attaquée par les allergies pour répondre à nos questions. Avec une sincérité visible et une envie de partager évidente.


Qu'est-ce la tournée représente pour vous ?
Saidou: pour nous la tournée, c'est la fête, le parc d'attraction pour enfant tous les jours. On est toujours content de monter dans le camion pour repartir en tournée. Parce que c'est notre mode de vie aussi. Il y a 13 ans, quand on a commencé avec MAP, je ne connaissais pas la tournée. Je me souviens qu'au troisième jour de tournée j'étais déjà fatigué et au bout du quatrième jour, je n'arrivais même plus à sortir du camion tellement j'étais naze. Je ne savais pas gérer mon énergie. Mais aujourd'hui on gère mieux, même si les tournées sont toujours aussi éprouvantes mais toujours aussi palpitantes. En plus, avec Sidi Wacho, on a un projet qui est quand même terrible. En tournée, je n'ai jamais pris autant de plaisir dans ma vie. Vraiment. Parce que, à la fois c'est festif, à la fois c'est engagé, et j'ai l'impression que le projet est fait pour durer aussi. En tout cas musicalement. Les chansons, je n'ai pas l'impression qu'elles vont vieillir. Ça sent le truc qui va nous rester dans les pattes quelques années encore. Et je me dis aussi que c'est notre job, c'est notre moyen de vivre aussi, pour nous, la tournée. On ne sait faire que ça aujourd'hui. Quand tu as 40 balais, tu ne sais faire que ça, la tournée, t'as pas le choix en fait. Je vais être sincère: c'est vrai qu'il y a la passion et le plaisir, mais en même temps, qu'est-ce que tu veux faire d'autre? Moi, je ne sais faire que ça: du spectacle. Parce que pour moi, la tournée, c'est faire du spectacle. Nous, c'est vrai qu'on s'est toujours pris la tête à écrire des textes de qualités et pour essayer de faire des vrais concerts (il se corrige) - pardon: des vrais spectacles. Avec des débuts, des fins, avec des intensités, des énergies, de la lumière, du son... Ça a toujours été notre envie. Et puis c'est un plaisir de proposer des spectacles aux gens. Des divertissement! Attention pour moi, le divertissement, ce n'est pas un gros mot. Moi, je milite pour le divertissement de classe. Je m'explique: on a tendance à dire que le divertissement, c'est un truc qui va te rendre con, qui va t'abrutir de vant ta télé. Non ! Si le divertissement est uniquement proposé par les grands média, oui, ça va te rendre débile. Mais le divertissement de classe, c'est de l'éducation populaire pour moi. C'est, à un moment: "je vais dans une salle de concert". "Je vais aller me cultiver", aussi. En écoutant de la musique, en regardant des musiciens qui ont une proposition artistique. Je vais découvrir des choses, des mélodies, des textes... Ma position, elle est toujours politique. Et la question de la classe sera toujours aussi importante dans mes positions politiques. Et je veux dire: à un moment, moi (pauvre, quartier populaire, noir, arabe, etc...), je vais dans une salle de concert, je découvre des artistes qui me ressemblent, qui parlent de ce que je vis, qui me divertissent aussi. Parce que j'en ai marre de cette vie tristounette, j'en ai marre d'aller au boulot, je suis fatigué, j'ai trop de soucis.. et c'est bien d'aller me faire plaisir dans une salle de concert, d'aller danser, bouger dans ma tête, décompresser. Voilà: c'est important. Moi, je ne me sens pas investi d'une mission, mais d'une responsabilité et de me dire à un moment: voilà, je fais de l'éducation populaire. J'aime bien cette idée de divertissement de classe.


Dans votre musique, il y a le côté festif, et il y a le côté engagé. Si on se place du côté des luttes, quelle serait la lutte principale actuellement ?
Saidou: A mes yeux il n'y a pas de lutte principale. Moi j'écris beaucoup sur le racisme ou la violence de classe mais en vrai, on a tous des réalités, des urgences, je ne parlerai jamais à la place de quelqu'un d'autre et je n'aimerais pas que quelqu'un parle à la mienne, donc je ne vais jamais me dire que ma lutte est la lutte principale, alors qu'il y a des gens qui souffrent quelque part avec une réalité que je n'ai pas. L'actualité avec les gilets jaunes nous montre l'importance la question de l'émancipation individuelle et collective et il y des choses fondamentales comme l'égalité ou la liberté. Nous on est témoin, on écrit des textes, on dénonce mais on ne va pas s'inventer un rôle qu'on n'a pas non plus, tu vois. On ne fait que de la musique mais même si on essaie d'y mettre du sens, on essaie de remplir notre rôle en essayant d'être le plus juste possible, le plus sincère possible. Quitte à ne pas être dans les grands media, les grands festivals. Mais peu importe. C'est d'être sincère dans ta démarche artistique et politique qui est important et Ce n'est pas dissociable pour moi, justement. On peut faire de l'artistique qui s'inscrit dans le politique. Être le témoin d'une époque, celle de tes compagnons de luttes ou de quartier et raconter leurs histoires, c'est un acte politique aussi. Je ne dissocie pas.

Je reviens sur la tournée : vous revenez d'Allemagne, vous tournez dans d'autres pays. Que représente pour vous ce côté universel de votre musique ?
Saidou: Encore une fois je vais essayer d'être sincère dans ma réponse. C'est vrai qu'Il y a un peu d'égoïsme de notre part aussi. Je pourrais te dire qu'on tourne à l'étranger parce que notre musique est sans frontières et qu'on veut la partager avec le Monde entier . C'est un peu vrai aussi mais pas que. Je pense aussi qu'on n'a pas eu la chance de beaucoup voyager dans notre vie, pour des raisons économiques, des raisons culturelles, des raisons de classes, des raisons d'origine sociale. Et aujourd'hui, grâce à notre musique on a la chance de pouvoir voyager. Et maintenant on est devenu un peu boulimique de voyages. Mais c'est vrai que la dimension internationale du groupe nous fait beaucoup voyager et tant mieux.


Tu as envie d'aller jouer en Amérique du sud (continent d'origine de deux membres du groupe)?
Saidou: Oui bien sûr, on y joue déjà un peu, mais très envie d'y retourner, et je vais sincère encore: j'ai envie de jouer là où j'aime bien manger aussi, où j'aime bien le cinéma, le théâtre, les paysages et les gens pour en profiter.

Que peut-on vous souhaiter pour le futur?
Saidou: De continuer, d'avoir la forme pour donner l'énergie tous les soirs. Et puis si on l'a moins, on fera d'autres formes de spectacles. On n'est pas gourmand, tu vois. Je ne rêve pas de l'Olympia en réalité, tu vois. J'ai jamais vraiment aimé ça, en fait. Je ne rêve pas de pognon, je ne rêve pas de Zénith. j'ai envie d'avoir du plaisir à être là avec des gens qui écoutent ta musique. Tu partages un truc intéressant, politiquement et artistiquement. Je n'ai pas envie de jouer devant une bande de nazes, ou devant les masses. Ça ne m'intéresse pas en fait. Je fais mon job là où je suis, comme un animateur qui travaille dans son quartier, à son niveau. Je n'ai aucune prétention et je n'ai aucune envie de me diluer. J'ai pu fantasmer une soirée d'avoir une grosse voiture, mais ça dure cinq minutes. Si on peut continuer à jouer comme ce soir à Marseille et continuer à vivre de notre musique, je suis heureux.

Est-ce qu'il y a quelque chose que tu aurais aimé dire ou partager avant de se quitter?
Saidou: (réflexion) Je suis content d'être à Marseille parce qu'on n'était pas revenu depuis longtemps. On a suivi l'actualité par rapport à ce qui s'est passé à Noailles. Évidement ça nous a choqués et mis en colère, ça nous a aussi inspiré sur l'écriture parce qu'on s'est reconnu sur ce que vit Noailles , comme dans beaucoup de quartier il a ce mépris de classe et cette gentrification qui précarise les classes populaires, mais heureusement il y a de la résistance et de la solidarité. Sinon Je suis content de revoir les copains ici pour faire la fête et avoir des nouvelles de la vie militante de Marseille, c'est bien d'être connecté.

(photos officielles fournies par le groupe)

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