Chronique de Concert
Slayer
A la question "Quel mot définirait le mieux Slayer ?", le défunt guitariste Jeff Hanneman, fondateur du groupe, répond en 2009 : "La haine. [...] Dès que l'on intègre Slayer, il y en a que pour la haine. [...] On expulse notre colère dans notre musique. Slayer est notre exutoire. Pour les gens qui n'ont pas d'exutoire, il leur faut aller voir Slayer !". En effet, du haut de leur album Reign in Blood, sorti en 1986 et élu meilleur album heavy de tous les temps par le magazine Kerrang!, le groupe membre du "Big Four" (c'est-à-dire les quatre groupes de trash metal américains considérés comme les plus influents, les trois autres étant Metallica, Megadeth et Anthrax) remplit toutes les conditions d'un statut de Légende du metal : des riffs tranchants et laboureurs, une fascination soigneusement entretenue pour le troisième reich, le satanisme et autres idéologies malsaines... Oui mais voilà : en 2014, Slayer ne fait plus peur à personne. En effet, outre une certaine aseptisation du au genre (le trash metal n'est plus considéré comme "violent" depuis bien longtemps, excepté par les néophytes) aucun album n'a remporté de réel succès critique ou commercial depuis 1990, avec en cause un cruel manque de renouvellement. On a désormais le privilège de juger Slayer sur scène, J-1 avant le Hellfest !
Le concert s'ouvre sur Hell Awaits, mise en bouche idéale pour rassurer tout le monde, spectateurs et musiciens : Dave Lombardo tape fort, Tom Araya crie fort (ici le pléonasme est recevable), Kerry King et surtout Garry Holt (qui remplace Jeff Hanneman) bougent leurs doigts vite, très vite. C'est propre, c'est carré, c'est efficace : le groupe parvient sans mal à convaincre. Le show s'enchaîne sans temps mort, le groupe sait où il va, tout est huilé, chronométré même (Tom Araya désigne plusieurs fois sa montre imaginaire avec son index, comme s'il était "à la minute près"). Saluons donc le très grand professionnalisme de Slayer, à qui il serait malhonnête de reprocher un manque de folie ou d'improvisation, tant le métier est bien fait. L'expérience des bonhommes nous offre une prestation simplement remarquable, où si tout n'est pas aussi agressif et malsain que ce qu'elle aurait pu être au début des années 1990, chaque riff est parfaitement audible, chaque élément sonore est parfaitement calibré. Cerise sur le gâteau : la sonorité des deux guitaristes est différente, ce qui permet d'identifier chaque solo sans mal (élément assez rare pour être souligné). A noter que le plus intéressant est que la sonorité de gratte la plus slayerienne, c'est-à-dire sèche et agressive, est confiée à Garry Holt, le charismatique Kerry King s'en tenant à un timbre plus fondu, non moins savoureux.
Il est inutile ici de faire une chronique de type track-by-track tant l'ensemble de la prestation est homogène et cohérente (vous retrouverez la setlist en bas de page). Il faut remarquer tout de même que la priorité (pour ne pas dire quasi exclusivité) est donnée à la période 1983-1990, avec 17 titres sur 20 (!). Cette période est, comme écrit plus haut, largement la plus recommandable du groupe, celle qui fonda son identité comme sa renommée. Slayer ne s'y trompe pas en ne prenant aucun risque (on est habitué) et en effet, les titres les plus charismatiques (Angel of Death, Raining Blood, Seasons in the Abyss, Dead Skin Mask...) sont de loin les plus efficaces. On peut par contre gentiment regretter que le très représentatif South of Heaven n'arrive qu'en rappel, tant le morceau siérait à merveille en ouverture. Enfin, parmi les trois morceaux hors période-dorée, Implode est la surprise du soir puisqu'il s'agit d'une nouvelle composition. Parfaitement intégrée à la setlist, le morceau se révèle carré et tranchant, typiquement slayerien, mais il est difficile d'en retenir quoi que ce soit, car rien de nouveau ne vient accrocher l'oreille. Ainsi on est en droit de ne plus rien attendre des possibilités créatives de Slayer.
Slayer est un groupe profondément passéiste et qui l'assume. Il semble renier lui-même ses six albums post-Seasons in the Abyss, qui souffrent de tentatives de renouvellement quasi nulles et qui ne semblent être avec le recul que des prétextes à de nouvelles tournées. La période 1983-1990 est elle d'une qualité sans faille, où chaque album peut prétendre figurer au panthéon de la musique metal. Le Slayer version 2014 nous le restitue sans faille également, et le show ne souffre nullement de la présence du virtuose Garry Holt (pour info leader d'Exodus, avec Kirk Hammet notamment), plus slayerien que nature, en relai du regretté Jeff Hanneman. Ami du Hellfest, vous pouvez attendre Slayer tranquilles !
SETLIST :
Hell Awaits
The Antichrist
Necrophiliac
Mandatory Suicide
Captor of Sin
War Ensemble
Disciple
Postmortem
Hate Worldwide
At Dawn They Sleep
Die by the Sword
Chemical Warfare
Hallowed Point
Implode (new song)
Seasons in the Abyss
Dead Skin Mask
Raining Blood
Black Magic
Rappel :
South of Heaven
Angel of Death
Critique écrite le 21 juin 2014 par Pouille-pouille
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> Réponse le 30 juin 2014, par Eric
Juste pour info, Dave Lombardo ne fait plus partie de Slayer. C'est Paul Bostaph qui officie aux fûts depuis mai 2013 et c'est donc lui qui était sur scène ces dernières semaines en Europe. Réagir
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