Accueil Chronique de concert Slint, Le ciel se couvrit de bombes
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Chronique de Concert

Slint, Le ciel se couvrit de bombes

Cartonnerie, Reims 3 mars 2005

Critique écrite le par

J'ai cru ne jamais y arriver à cette date unique de Slint en France. Je suis parti de Paris avec ma Twingo et je n'ai rien trouvé de mieux à faire que d'emprunter les petites routes via Meaux, Château-Thierry sous les averses de neige. Dérapage incontrôlé dans un virage, une roue explosée, un rétroviseur en berne, c'est avec quelque retard et des mains pleines de graisse que je parviens à rallier la Cartonnerie. Avec un nom pareil, je m'attendais à trouver un énième exemple d'usine recyclée en lieu de spectacle. Que nenni. C'est tout neuf, de béton et de verre. Et c'est grand. Je monte un grand escalier où je croise d'autres figures de Parisiens et j'entre dans une grande salle, bordée sur son côté droit par un long comptoir de bar. Sur scène, deux types s'installent sur des chaises, chacun une guitare sur les genoux. Le ciel se couvrit de bombes, est leur nom. Les jeux de lumière sont épatants et démontrent toute la richesse des équipements de la Cartonnerie. La musique, elle, est très, très éprouvante. Je ne vois pas l'intérêt de tout ce bruit, sans rythme, sans progression. Pourquoi se faire du mal ? Expérimenter diverses manipulations sonores et, pourquoi pas, souffler dans un saxophone au-dessus du micro d'une guitare, ça peut être passionnant, mais la musicalité de leur performance m'a échappé.
Après ce bombardement, je reste dans la salle et m'étonne de voir tout le monde partir. Je me dis, chouette, je vais pouvoir rester devant et avoir une position idéale pour Slint. Puis, au bout d'un moment, j'entends un bruit sourd, comme de la musique, mais ailleurs...



Je ressors donc de ma salle et je me rends compte, enfin, que plus haut l'escalier de ciment continue. Il y a une autre salle, encore plus grande, et dedans pleins de spectateurs devant ce qui ressemble au début d'un concert de Slint.
Beaucoup de monde, c'est amusant pour un groupe plus inconnu que culte. Ils ont sorti deux albums et un deux titres entre 1988 et 1994. Je ne crois pas qu'à l'époque ils aient eu un grand retentissement en France. Il a fallu attendre la mode Tortoise pour qu'ils gagnent l'étiquette de précurseurs du post-rock et que leur album Spiderland devienne la référence ultime de ce courant. Et comme Pixies et Mission of Burma, l'année dernière, ils ont dû se dire : tant qu'à être des références, autant toucher de l'argent, d'où une reformation et une vingtaine de dates dont celle-ci à Reims, unique en France.
Bon, pour ce qui est de l'argent, c'est mission accomplie. Le public est au rendez-vous, à Reims, comme ailleurs à Londres ou aux Etats-Unis. Pour ce qui est de la performance elle-même, c'est moins évident. Je ne sais pas comment ces gars étaient de leur vivant, mais ici, à Reims, au pays du champagne et du sourire, ils ne semblent pas très concernés par leur résurrection. Nous assistons à une répétition plus qu'à un concert. Ils reproduisent note pour note les chansons de leurs disques sans jamais donner l'impression de jouer pour un public. Un coup ils sont quatre. Un coup ils sont cinq, quand un second guitariste vient prendre la place de Brian Mac Mahan, qui glisse sur le côté pour chanter plus à l'aise.



Les morceaux sont alignés comme à l'usine sur une chaîne de montage. Au moins, les spectateurs ne sont pas déconcentrés par des artifices de scène. Il n'y a que la musique. Sombre, puissante et métallique, avec des voix murmurés, une tension permanente qui n'éclate que sur un seul morceau, le dernier de Spiderland et de ce concert, Good morning captain. Il n'y aura évidemment aucun rappel. Ca ne valait certainement pas un pneu et un rétroviseur.

 Critique écrite le 08 mars 2005 par Bertrand Lasseguette


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