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Chronique de Concert

Stanley Clarke & Stewart Copeland

Stanley Clarke & Stewart Copeland en concert

Théâtre de la Mer - Sète 15 juillet 2012

Critique écrite le par

Le théâtre de la Mer.
Juste à cette évocation, on a envie de savoir ce qu'est ce lieu. J'y étais venu l'année passée en compagnie de ma très chère amie Jessie Evans et de Jon Spencer Blues Explosion, lors d'une soirée mémorable du festival K-live qui se déroule fin juin ; c'est l'un des temps forts de la saison des festivals qui se déroulent dans ce même édifice durant l'été.
Et ce fut un choc émotionnel, tellement le lieu impose par son architecture et sa localisation, donnant au public une scène inédite, dos à la mer. On peut voir un spectacle deux en un, la musique s'alliant à la beauté de la nature et des éléments pour ne former qu'un tout, le temps d'une soirée...
C'est dimanche et tous les ingrédients sont là pour passer une bonne soirée, le soleil, des stands de ravitaillement alimentaire, solide et liquide (celui qu'on préfère). Le lieu ne demande qu'a être visité, et invite le public à en prendre possession dès les premiers pas. On a beau y être venu ou on le découvre pour la toute première fois, la magie est la même : dès qu'on parvient à voir un carré de mer et de ciel, la chaleur de ce temple, rebaptisé pour cette période en église du sacré jazz, nous enivre par son accueil naturel.
Et aujourd'hui, nous avons la chance de revoir une formation d'un groupe trop peu connu, qui pourtant a sorti deux album, Animal Logic, crée en 1987 par l'ex batteur de The Police, Stewart Copeland et par le virtuose de la basse Stanley Clarke.



Mais avant le plat de résistance, The Soul Rebels, en première partie, a su brillamment et chaudement préparer le public avec leurs cuivres clinquant et des percussions envoutantes. Ce brass band venu de la nouvelle Orléans est appelé "le chainon manquant entre public enemy et Louis Amstrong" par la presse américaine.
Autant dire que le groove de The Soul Rebels détonne et leur mélange savant entre jazz, hip hop, funk et musique traditionnelle de la nouvelle Orléans a su faire découvrir au public présent la chaleur communicative de leur musique. Dès le troisième morceau, le public s'est empressé de venir en bord de scène pour danser.



Avec quelques reprises traditionnelles jazz ou funk, ils ont admirablement terminé leur set par une reprise mémorable de "Sweet dreams" de Eurythmics (reprise aussi actuellement sur scène par la talentueuse Nneka), The Soul rebels est définitivement un brass band à voir sur scène car il donne toute sa dynamique et spontanéité en live, à un public qui ne demande qu'a se mouvoir sur ces rythmes qui font la notoriété de la nouvelle Orléans, comme étant le fief du jazz traditionnel.




Clarke.
Juste à l'évocation de ce nom, on entend résonner dans une oreille celui de Chick Corea et de Return To Forever et dans l'autre, le dernier projet ambitieux de trois générations de ténor de la basse avec Victor Wooten et Marcus Miller, qui se nomme tout simplement SMV. Ce bassiste hissé au statut de demi-dieu de la quatre corde, qui joue autant sur une basse qu'une contrebasse, a démocratisé le Slap dans le jazz dès le début des années 70 et reste imposant autant physiquement que musicalement sur scène.



Des qu'il met un doigt sur son instrument, ca groove et le public suit.
Son phrasé est reconnaissable facilement car il joue sur Alembic, une marque de basse fabriquée sur mesure à Santa rosa en Californie, ce qui rend son son unique parmi toute cette meute de bassiste "pinceur/frappeur" qui ont fait évolué le slap dans les années 80 et 90 (on pense bien sûr à Les Claypool de Primus et son jeu incroyablement rapide, à Fieldy de Korn, plus agressif, mais tout aussi unique en son genre, ou à Flea des Red Hot Chili Peppers).



Copeland.
Ceux qui ne connaissent pas son nom, il est synonyme de The Police, groupe référence du début des années 80 avec ses compères, Andy Summer et Sting.
Ce batteur d'exception est aussi un talentueux compositeur de musique de films (il a notamment travaillé avec Francis Ford Copolla et Ken loch), de séries télé également, et il est même allé jusqu'à faire de la bande son pour des jeux vidéos.



Pour les puristes, c'est un génie du placement rythmique, avec une particularité qui lui est propre : une approche du beat anticipée, qui lui permet de donner plus de puissance et de groove aux instruments sur le temps. Sa frappe est sèche et précise et ses accessoires scénique, un bandeau de tennisman et des gants de golfeur (si si, en cuir blanc, je les ai touché) lui donne encore plus l'impression d'être un musicien chirurgical qui opère avec finesse et puissance pour frapper en avant du temps.

On lui concède des inspirations venant du reggae dans sa technique de jeu, mais ce soir, il nous a vraiment donné l'impression d'être à l'école de son compère Stanley, du jazz fusion et progressif comme on aime, provenant des seventies et qu'on pourrait facilement glisser entre un Billy Cobham et un Terry Bozzio version Zappattiste.



Pour donner du corps à ce duo, déjà exceptionnel, nous avons eu la chance de découvrir deux perles de musicien, Ruslan Sirota aux claviers et Bradie Cohan à la guitare.
Le premier, du haut de ces 32 ans, a déjà usé ses doigts avec Marcus Miller, Chick Corea, Dennis Chamber ou sur l'album Thunder de SMV.


Le second a trainé ses guêtres avec New West, un groupe de jazz de chambre qui en 2003 à parcouru le monde. Il est devenu ensuite compositeur de musique de films (lui aussi) et de série télé (apparemment ca va de paire de nos jours).
Les américain(e)s le connaissent car c'est l'actuel guitariste de l'émission "American Idol" (la nouvelle star des US).



La présentation faite, ces quatre chevaliers du groove nous entament une haie d'honneur, entre jazz-rock et rock progressif, assenant des riffs plus groovy et jazzy les uns des autres.
Les morceaux propres au quatuor sont impressionnants de technicité et de mélodie, tout en mêlant des parties d'impro, ou Stanley et Stewart s'amusent à des questions réponses et Ruslan et Bradie en font les échos. Une formule carrée qui tourne rond et dont les notes rebondissent parfois, à une vitesse vertigineuse. Cohan a une facilité déconcertante sur son manche et on peut lire sur ses lèvres sa musique en parfaite synchro, il vit sa musique comme il respire et le transmet au public qui est totalement conquis par son doigté à la limite du shred.



Sirota, quand à lui, assure avec trois claviers, rajoutant sur quelques parties une seconde basse, appuyant celle de Clarke, ce qui donne une impression percussive digne d'une locomotive à plein régime. Le train est là, on l'a tous pris et Stewart nous rappelle au micro entre les morceaux, qu'il nous tient à la baguette et pas en bateau (j'ai délibérément écarté la blague avec l'avion, trop facile avec un tel prénom...)



Leur set est ficelé au millimètre près et rare sont les moments de flottements ou d'évasions auditive, ils nous ont tenu de la première à la dernière note.
Clarke et Copeland ont laissé, le temps d'un morceau, les deux "jeunes" nous faire part de l'une de leur composition, à mi-chemin entre le coté romantique de Porcupine Tree (dans les arpèges et la mélodie) et Liquid Tension Experiment (pour le coté technique, limite démonstratif par moment).
Le mythique "No mystery", qu'on peut retrouver sur l'album du même nom de Return To Forever datant de 1975, est joué magistralement à la contrebasse par Stanley Clarke qui, pour sur, nous montre qu'il connait ses propres classiques sur le bout des doigts. Pour l'anecdote, Stewart Copeland, disait dans le micro au public, qu'il connait sûrement mieux ce morceau qu'eux. J'ai beau l'avoir écouté en boucle en vinyl fût un temps, ils nous ont montré une version beaucoup plus dynamique et rock, la guitare de Cohan donnant ce gout spicy et plus actuel, ainsi que Sirota qui nous livre une cargaison sonore avec ses nappes de claviers saupoudrés d'envolés de solo nettement plus prononcés nineties.



La fièvre montant au fur et à mesure du set, Stanley Clarke invita, sur les deux derniers morceaux, à lever les envieux assis depuis le début pour se mouvoir au rythmes des beats du quatuor, dans une position plus acceptable pour ce genre de rythme qui pousse le corps a onduler.
Simple et Efficace. On a eu le droit à un parterre d'amoureux de musique qui s'est collé à la scène, très respectueux des artisans du son qui étaient devant eux.

Dans ces personnes, deux petit enfants métisse se trémoussaient glorieusement, l'un d'eux à même ramasser les lunettes de Clarke, tombées après un head-banging des plus groovy qu'il m'ait eu la chance de voir. Repliée soigneusement, celle-ci l'attendait à ses pieds, comme une offrande au dieu de la planète Slap.
Sous un tonnerre d'applaudissements, les quatre musiciens ont salué la foule, Stanley et Stewart ont remercié de leur main les privilégiés du premier rang (dont je faisais partie) avec une passion qui touche de l'ordre du sacré.



Car oui, la musique est une religion et les dieux étaient divins, dans ce théâtre de la mer, dos à la mer, nous plongeant dans leur univers qui dépasse les limites de cette mare nostrum qui pensait leur faire face.
La messe étant dite, il n'y a plus qu'à espérer entendre un jour, ce moment magique sortir sur une galette pour le plaisir de tous...en vinyl de préférence !


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