Chronique de Concert
Steven Wilson
Petite annonce en anglais avant la mise en place de la vidéo ... Les images commencent et on se croirait sur un programme d'avant guerre. Apparait ensuite, sur l'écran noir et blanc avec juste quelques touches de couleurs diaphanes, Steven en musicien des rues, semblant un peu hésitant et perdu. La mise en scène est lente, mystérieuse et énigmatique, avec ces passants qui défilent, comme dans une scène de vie un peu absurde et visuellement étrange ... Un monde qui pourrait se rapprocher d'un Jacques Tati sombre. Il boit un peu de thé chaud sous la visière de sa caquette, emmitouflé dans son manteau et sa grosse écharpe. Farfouille dans son étui ... Histoires sans paroles, à la musique inquiétante.
L'Espace Julien s'emplit doucement, dans cette ambiance assez envoutante. Mise en condition parfaite pour un concert qui, j'en suis certaine, va être d'exception. Notre musicien cinématographique va commencer à jouer. L'excitation monte d'un cran dans la salle et le film devient d'un coup réalité. Il entre en scène, seul dans la lumière, pieds nus (bien entendu) et guitare en main pour accompagner Trains qui démarre. Le son est parfait (mais je n'en attendais pas moins). Puis Nick Beggs et sa crinière blanche fait son entrée, suivi autres qui prennent place un par un sous les applauses.
Tonnerre, éclairs ... Le show peut commencer, ainsi que le gros son. Ambiance méga Rock ce soir. La flûte de Théo Travis déchire l'espace. Nick Beggs nous fait profiter de son plus beau profil et Steven Wilson agite sa tête qui n'est déjà plus que cheveux ... Il s'assoit, se lève, joue debout puis se rassoit. Les claviers se répondent. C'est hyper puissant et pourtant plein de nuances. Sa main droite semble commander aux éléments et le public est totalement conquis.
Les rayons de lumière bleue diffuse leur donne un air irréel par moment, alors que la musique sait se faire aérienne. C'est fabuleux. D'une extrême simplicité et complètement fascinant. Perso, je suis médusée par ce que je vois et surtout par ce que j'entends. On se prend des rafales de musique en pleine tête et des riffs monstrueux de guitare dans les oreilles. Wilson s'agite comme un diable derrière son piano-table ... "Merci beaucoup Mrs Bonsoir".
Quant à Guthrie Govan à la guitare, tête levée dans la lumière : on dirait carrément Jésus ! Faisant sortir les temps de sa guitare. Beaucoup de bleu électrique autour de lui. C'est très prenant. Et tout semble se construire comme une évidence, la musique comme un flux, comme le sang chaud qui parcourt les veines de nos corps. Steven pousse un cri qui déchire tout, avant de balancer sa tête en arrière dans un faisceau lumineux, ses mains parcourant toujours des instruments imaginaires. Un voyage au fin fond de ses inspirations, avec sa tête qui s'agite de plus en plus, à l'unisson avec celles du public.
Mais avant que de continuer ce voyage fabuleux avec nous, il nous propose une petite pause, en prenant place sur un tabouret haut. "Est-ce qu'on parle anglais ?" Il remercie au passage le système scolaire français avec cet humour décalé dans lequel il excelle. "Welcome ! Thank you !!" et s'en suit un petit speech sur sa conception de la musique, sa manière d'en faire et de remercier les "vrais" musiciens qui l'entourent. Entre autre, le "lonely swedish" guitariste "sad and melancholic" (Jésus !) qui va nous offrir un numéro de style, répondant aux demandes les plus farfelues de Wilson, afin de mettre en musique un personnage des plus tarabiscotés ... A savoir : un homme perdu dans la forêt (avec cris de loups des autres en fond), dont la femme s'est cassée avec les enfants et qui est poursuivi par des lapins-trolls ! Incroyables jeux de mots et de musiques. Un vrai régal.
Et lorsque les trolls s'en vont, il reste la musique ... Et quelle musique : le petit bijoux de perfection qu'est Drive Home et son drôle de petit personnage à lunettes en papier, dont l'histoire défile. Mélodie, nuances, puissance, subtilité : tout y est présent. Mais ce n'est qu'un début, puisqu'on nous annonce "The exiting point of the show" ... Un nouveau morceau, pas encore enregistré, qu'il ne faut en aucun cas filmer ou enregistrer, pour en laisser la surprise aux futures spectateurs de la tournée et qui d'ailleurs change de nom tous les soirs !! Pour nous, ce sera The Hot Bitch, qui commence comme un vieux disque qui chuinte, mixé avec des battements d'un cur. Du son vient de l'arrière de la salle et nous nous retrouvons enveloppés de musique, avec une voix toute en réverb. Les instruments qui tourbillonnent. La voix est extrêmement poignante ... Un fabuleux nouveau morceau, même encore plus fort en émotions qu'à Londres pour moi. Chad Wackerman se transforme en alchimistes au-dessus de ses cymbales. Et puis cette mélodie parfaite s'assombrit pour prendre de la puissance et encore plus de profondeur. Le corps de Wilson se cabre sous les vibrations de sa guitare. Une grosse claque que ce morceau très long, qui ménage les ruptures dans les rythmes et les surprises sonores : C'est une ovation !!
Et finalement, à ma grande surprise, il y a bien une petite pause, avec le fameux rideau blanc et le tic-tac du temps en fond sonore. Les images qui défilent sont tout de même un peu flippantes. Puis ils reviennent, à moitié dissimulés par le drap blanc, en plus acoustique d'une certaine manière. Et je suis toujours étonnée de la capacité à aller dans les aigües de Nick Beggs, lorsqu'ils fait des churs. Mais la douceur de The Watchmaker laisse vite place à une montée d'adrénaline, avec le "réveil" du guitariste fou qui nous donne du grand spectacle. Wilson se poste bras en croix, face à nous, et les bras se lèvent dans la salle pour suivre le vrombissement puissant qui monte. Puis il nous parle avec sa voix robotisée et en plaisante même. On le devine derrière les images plus qu'on ne le voit. Il nous annonce Index ... Et franchement, ça fait peur annoncé comme ça (déjà qu'elle fait pas mal flipper comme ça au naturel !) Le jeux d'ombres de d'images est plus que prenant. Le roulement des drums fait son effet et, par moment, Wilson semble totalement possédé par la musique et comme hors contrôle. Scénographiquement, c'est fabuleux. Et musicalement aussi, bien sûr ! Alors, quand le rideau tombe sur Harmony Korine (je l'adore celle-ci, et plus encore en Live), l'effet est salué par des cris d'enthousiasme, comme il se doit ! Ils sont énormes et Nick Beggs est juste fabuleux quand il prend la pose ;)
On continue notre éducation musicale avec la présentation du mellotron, qui fête apparemment ses 50 ans. Avec petite démo par Adam Halzman de tous les sons dont la boite magique est capable ... Jolie intro pour Raider II (cette fin de Set est décidément exceptionnelle). Quel univers ! Et quand ça pète, ça pète grave !! Faramineux, avec des moments presque Jazz. Définitivement une musique de génie. Et pour finir, vient la plus belle à mes yeux et à mes oreilles, The Raven That Refused To Sing, et son film d'animation de l'homme et de l'oiseau. Wilson assis sur son tabouret haut ... Je suis en apesanteur.
Ils nous adressent un signe de la main avant de quitter la scène, puis reviennent pour deux morceaux de rappel, dont un nouveau pour commencer (Happy Returns, qui sera sur le prochain album). Intro au piano, avec Steven à la guitare sèche. Encore une fois, rien à voir avec ce qui a précédé. Une autre musique, pour un nouvel univers. Il est entouré de musiciens monstrueux et, quoi qu'il touche, cela se transforme en or brut. Il ose même nous demander qui parmi nous se rappelle de Porcupine Tree et de sa vie musicale avant qu'il ait osé dire : "Who I am", en se cachant un peu arrière plan, laissant ce groupe en devenir un à part entière ... Et bien je pense que la réponse est : toute la salle ! Puisque tout le monde se met à chanter Radioactive Toy avec lui. Il lève le bras au départ de la guitare, vivant tout cela à 200%. Et je peux vous dire que Porcupine Tree sans Porcupine Tree, et bien c'est quand même Porcupine Tree !! Avec sa fin en chant de sirène, définitivement très Rock Prog, alternant fureur et douceur, et surtout écoutée dans un silence religieux (avec le noyau dur de devant qui secoue la tête en rythme !) par un public entier bras levés sur le dernier roulement de drums. On termine par un beau salut de tous les musiciens, échange de médiators et présentation sous forme de générique sur l'écran derrière eux ... Avec ces derniers mots : "Thank you and good night".
Ce fut un concert de Steven Wilson, et un concert de Steven Wilson c'est un miracle, à voir, à revoir, à découvrir, à ne pas manquer ... Je n'ai plus de mots.
Steven Wilson : Guitare, Piano & Chant
Nick Beggs : Basse
Adam Halzman : Claviers
Guthrie Govan : Guitare
Théo Travis : Saxophone, Clarinette, Flûte & Claviers
Chad Wackerman : Batterie
Setlist
1 - Trains (Porcupine Tree)
2 - Luminol
3 - Postcard
4 - The Holy Drinker
5 - Drive Home
6 - The Hot Bitche (Nouvelle chanson qui change de titre chaque soir)
7 - The Watchmaker
8 - Index
9 - Sectarian
10 - Harmony Korine
11 - Raider II
12 - The Raven That Refused To Sing
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13 - Happy Returns
14 - Radioactive Toy (Porcupine Tree)
Chronique réalisée par l'équipe de Concerts en Boîte
Critique écrite le 04 janvier 2014 par Ysabel
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