Chronique de Concert
Stiff Richards, Jackson Reid Briggs, Beige Banquet, Vintage Crop, DER, Destination Lonely (Super Cathédrale de Binic 2022)
24 juillet, dernier jour en forme d'apothéose pour la Super Cathédrale de Binic, avec une grande rasade finale de punk 'n roll, pour la route : Stiff Richards, Beige Banquet, Vintage Crop, Jackson Reid Briggs, DER et Destination Lonely. Les 1000 personnes présentes sur le paradisiaque site de la Pointe de La Rognouse ont eu droit à la crème de la crème, au gratin, au summum... Bref, c'était ENORME !
D'autant plus énorme que cette soirée d'anthologie arrivait après trois autres du même acabit passées en glorieuse compagnie : The Bobby Lees, Crack Cloud, Tramhaus, Lumer et Reptiles le 21 juillet, Warmduscher, Kelley Stoltz, Chocolat Billy et Lumer le 22 et Stiff Richards, Willie Weird (aka Kelley Stoltz), Chocolat Billy, Beige Banquet, DER, Mr Quintron & Miss Pussycat le 23. Allez, hop, c'est parti pour le dernier round de Binic 2022 !
Vintage Crop
Dès 18 heures, en plein cagnard sur la grande scène, le combo de post punk australien Vintage Crop se charge de prouver que sa réputation de "Parquet Courts des antipodes" n'est pas usurpée... Et comment donc ? En dégoupillant moult grenades de punk brut, racé et sardonique l'air de rien, en ricanant et en faisant des commentaires ironiques entre les morceaux. Comme le prouve leur excellent dernier disque, "Serve To Serve Again" (à écouter absolument !), les quatre jeunes gars basés à Melbourne savent écrire des titres qui claquent et connaissent la recette idéale pour les jouer en live façon blitzkrieg punk. C'est carré tout en étant débraillé, et outre le groupe ricain cité plus haut, ça fait joliment penser aux cultissimes Wire.
Pour corser le tout, foutre le bordel et brouiller les pistes, les deux chanteurs guitaristes du groupe s'échangent le micro et celui qui le tient le plus, le plus sardonique des deux, rajoute souvent des parties de claviers décalées et limite bruitistes. Le cocktail concocté à la va-vite est rafraîchissant, pogotable et les chansons restent en tête. Tant et si bien qu'on se retrouvera au Bistrot de la Cité, à Rennes, deux jours plus tard, le 26 juillet, pour en reprendre une bonne louche.
Beige Banquet
La mission "retournage" du chapiteau ayant été parfaitement exécutée la veille, les turbulents (euphémisme) anglais de Beige Banquet retentent leur chance dès 19h15 sur la grande scène, avec le même résultat ! Les titres de post punk brutaux et barrés des auteurs de l'album "Beta" (paru en vinyle chez Swish Swash Records en France) marchent à plein en live, portés qu'ils sont par le chant outré de l'intenable chanteur, des guitares vrillantes, une basse qui tape et les interventions d'un grand malade aux percus et à la cloche.
Le plan de bataille (rangée) semble être d'attaquer groupé et de ne pas faire de prisonniers, et, malgré la chaleur et l'horaire, il fonctionne : tout le monde semble être agité de mini crises d'épilepsie au niveau des jambes. Et, comme hier, l'impressionnant bassiste s'autorise un bain de foule, cette fois couronné par un slam tout en continuant à jouer, bien évidemment. Ce très bon groupe qui devrait cartonner (on lui souhaite une carrière à la Idles, dont il peut séduire les fans) se produira, comme Vintage Crop, lors d'un after de Binic, deux jours plus tard au Ty Anna, un minuscule et surchauffé bar de Rennes, à la grande joie d'un public en feu. Trois salles, trois ambiances, trois victoires par KO pour la campagne bretonne de Beige Banquet. Veni, Vidi, Vici.
Jackson Reid Briggs
Un roboratif repas - avec vue sur la mer - à base de galettes saucisses (savoureuses) et de pintes d'IPA (très bonnes) plus tard, et c'est Jackson Reid Briggs qui pointe le bout de son nez à 21h sur la grande scène, accompagné par son groupe. Vu en version duo avec un son riquiqui une semaine plus tôt aux Vinzelles, près de Clermont-Ferrand, le punk rocker australien s'est depuis acoquiné avec une section rythmique et envoie un set radicalement différent : c'est joué tout à fond, les amplis dans le rouge et gueulé comme il faut ! En un mot, c'est top. On retrouve l'énergie et le souffle punk de ses disques les plus virulents, et seul un bref interlude en solo rappelle que notre homme a aussi une facette plus folk. Folk punk, dirons-nous... Puisque ce titre solo sonne comme du Neil Young And Crazy Horse joué par les Ramones. Bref, le set expéditif de l'homme au t-shirt Marlboro (le tabac c'est mal, sauf quand une jolie fille vous offre une cigarette... ) fait le job et chauffe tout le monde pour le final du festival, qui s'annonce épique.
Destination Lonely
Juste après, à 21h45 (au lieu de 23h15, changement de dernière minute, faut suivre ! ), le groupe français Destination Lonely se lance dans un concert de rock and roll blues punk du meilleur effet. C'est basique, sans aucune trace de fioritures et tout à fait adapté au public de Binic à cet instant précis. Le chapiteau de la Super Cathédrale résonne de titres qui donnent envie de dodeliner de la tête en rythme, voire de headbanguer plus ou moins violement, ou carrément de tout péter. A découvrir !
Stiff Richards
Sans temps mort, dès 22h30, tout le monde se projette sur la grande scène pour le match retour de Stiff Richards, formidable combo punk qui a déjà tout pété hier sous le chapiteau et qui compte refaire le même coup ce soir. Le concept de Binic de faire jouer les groupes plusieurs fois sur le week-end est excellent : ceux qui ont manqué un artiste peuvent le voir lendemain, et ceux qui ont envie d'avoir du rab y ont droit ! Les très généreux et énergiques australiens, emmenés par leur ultra charismatique leader/chanteur se prêtent très bien aux deux concerts en deux jours : quand on les a vus une fois, on devient instantanément fan !
Bien calé en limite de pogo avec un jeune et fringant camarade de 65 printemps, on est tout simplement ravi de se faire une fois de plus électrocuter par ce génial combo : on passe notre temps à trépigner en bouffant de la poussière, à servir de rampe de lancement pour les aspirants slammeurs et à porter au dessus de nous des corps de spectateurs aux anges. Physique ! C'est ça l'effet Stiff Richards, en deux temps trois mouvements les solides punks des antipodes transforment un paisible champ en bord de mer en fournaise peuplée de dangereux fous furieux totalement incontrôlables. Wolfgang Buckley, le chanteur arrivé en t-shirt "La Nef D Fous" (l'asso qui organise le festival) et en pantalon, en fait les frais et se fait très rapidement déchirer ledit futal à force de se frotter à la fosse en feu. Cela lui permet de dire en riant "Putain, vous êtes des animaux les mecs !"
Revenu en short, le magnétique vocaliste continue à canarder sans relâche ses fans de tubes punk rock avec l'aide de son gang de ferrailleurs. On reconnait entre autres perles, "No fun on the beaches", une reprise ramoniaque de The Chosen Few, l'hymne "Go It To Go" (leur slow ? hahaha) ou encore "Dig", un hit chromé servi sur un lit de pogos et de slams (incluant le chanteur !) avec Jackson Briggs et les mecs de Vintage crop - l'australian connexion ! - sur scène aux chœurs ! Stiff Richards en live, c'est juste monumental et addictif... Sans omettre d'être conseillé au plus haut point aux fans des Stooges, des Ramones, des Sex Pistols, des Dead Kennedys et autres AC/DC, des groupes dont on trouve des traces chez les auteurs de l'album "State Of Mind", qu'on essaiera de trouver juste après au merch. Mais il a été dévalisé et il y a rupture de stock. Normal, après avoir fait un tel triomphe ! Les Australiens bénis des dieux du rock 'n roll provoquent un furieux désir de s'acheter un kangourou gonflable, comme celui vu en train de "slammer" au dessus des têtes ce soir ! A défaut, on se rabat sur l'album "Dig" - magistral ! - trouvé quelques jours plus tard en vinyle chez le très bon disquaire rennais Rockin' Bones. Une bonne manière de garder un souvenir de ce show absolument mé - mo - rable !
DER
Comme hier, c'est à DER, trio de rock and roll bien rugueux formé par Olivier Lambin alias Red, qu'incombe la lourde tâche de clore les débats. Et même là en l'occurrence de mettre un point final à la série de shows programmés à La Super Cathédrale de Binic. Sous le chapiteau à 23h30, il y a beaucoup moins de monde qu'hier, mais ce n'est pas un problème, c'est presque plus adapté d'être en petit comité pour ce type de musique. Car DER fait son truc dans son coin, sans chercher à créer quelque chose de fédérateur, au contraire...
On est plutôt là dans du rock and blues mâtiné de noise punk chanté avec une voix de vieux bluesman revenu de tout. Le maitre mot semble être de faire du bruit : le leader du trio balance de grosses lignes de basse distordues sur lesquelles s'acharnent un batteur cogneur et un guitariste belliqueux. Ça grince, ça couine, ça tabasse, bref c'est pas fait pour passer à la radio, même si certains titres sont quelque part accrocheurs. En tout cas, tout cela permet de conclure en beauté une impeccable édition 2022 du festival de Binic, qui aurait mérité de réunir plus de 5000 personnes en quatre jours. La désormais célèbre station balnéaire des Côtes d'Armor est plus que jamais un endroit précieux pour ceux qui sont réfractaires aux grands rassemblements sans âme, pas rock and roll pour un sou et affublé d'une prog désespérément insipide. Binic est toujours "the place to be" en juillet pour les fans de punk, rock & blues. On reviendra avec grand plaisir en 2023 !
Le chanteur de Stiff Richards et Jackson Reid Briggs, visiblement bien reçus à Binic !
Photos : Titouan Massé titouanmassephoto.com, www.instagram.com/tmphotograph, www.facebook.com/titouanmassephoto, twitter.com/titouanbzh (sauf photo du site de la Rognouse via un drone : Stéphane Hervé www.facebook.com/StephaneHPhotography)
Liens : lanefdfous.fr/binic-folks-blues, www.facebook.com/BinicFolksBluesFestival, www.facebook.com/LaNefDFous, www.instagram.com/binicfolksbluescathedrale, www.instagram.com/la_nef_d_fous
Critique écrite le 08 août 2022 par Pierre Andrieu
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