Accueil Chronique de concert Syrano, You and You, Jil Is Lucky
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Chronique de Concert

Syrano, You and You, Jil Is Lucky

Syrano, You and You, Jil Is Lucky en concert

Cabaret Frappé Grenoble 23 juillet 2009

Critique écrite le par

" Willkommen, Bienvenue, Welcome ! "
(Parlez-moi de Grenoble...)

Onze ans ! Cela fait déjà 11 vigoureuses années, que le Cabaret Frappe à la porte des " grands " du genre, et que la foule s'y presse, plaisir en bandoulière et yeux grands ouverts qui fouillent partout autour : entre concerts " découverte " (goûtés fessiers au frais, dans l'herbe !) artistes en devenir et/ou têtes d'affiche qui se laissent séduire puis emporter par un cadre et un accueil hors du commun. Tout en réussissant le tour de force de se fondre parfaitement dans la ville qui l'entoure, le Cabaret Frappé se dessine des contours propres à l'oubli, au rêve, au farniente, au décontracté de plexus qui adoucit l'âme, la tête, et le corps...
Neuf soirées durant, cette édition 2009 aura accueilli et réuni en son jardin, des groupes aussi différents que Tahiti 80, Grace, Caravan Palace, DJ Cam, Anthony Joseph, le Super Rail Band Of Bamako, Huhg Coltman, Clare and The Reasons, ou, Joseph Arthur et ses Lonely Astronauts...
Deux soirées durant, nous étions dans la place, au frais, partagés entre l'envie de ne rien manquer et une volonté évidente de changer de cadre, d'envies, d'habitudes...
" Tu te paies des vacances en Isère aux frais de la princesse, quoi, en gros, non ? Ben... Dis-le, avoue ! "
(Une vague connaissance de liveinmarseille.com, venue me glisser quelques mots aigres-doux avant le départ, ainsi qu'une longue liste de produits locaux à ramener à son intention !).


Jardin de Ville,18 h 50 (Kiosque à Musique séculaire du lieu, soudain pris d'assaut par une marée humaine) :
Bien calés sous les arbres rassérénant du Jardin de Ville, les enfants de tous âges consentent enfin à laisser les jeux et échecs - mis à disposition par l'organisation et les associations - de côté, pour se masser lentement au pied du kiosque fourmillant d'animations et instruments sous bâches, tandis que les nuages aux noirs desseins en font de même... Étrangement, quelques minutes (et grosses gouttes, taille XXL !) plus loin, le pire consent déjà à vider le lieu et le ciel s'ouvre aux pales rayons trop tôt disparus pour faire place à la fête, aux festifs bondissants d'envie de Syrano et ses ouailles : 7 musicos noirs, de masculinité et de tenues - batteuse blonde sous couettes, exceptée ! - qui " folklorent " dense, et " slament " de sécheresse, armés d'une armada de violons, accordéon, percus, guitares et contrebasse ; le tout soutenu par une foultitude de petits sauts de cabri impressionnants, départ pieds joints, mais non-homologués...


Unique tache (chemise) blanche fichée au sein de cet aréopage noir de tissu, et de thème : l'omniprésent Syrano bouge, saute, salue, interpelle, en fait des tonnes, et glisse avec habileté sur une pente (savonneuse) de consones et voyelles engagées, en lutte avec la mondialisation, la contestation, et les vertes brigades qui les entourent de précaution. Des thèmes récurrents, qui hantent et habillent le tout récent Le Goût du Sans, ainsi que le séminal Musiques de Chambre (06). Deux albums disparates et festifs, liés par une même envie de changement et portés par une énergie nettement plus palpable, encore, ici, sur scène.


Quand la bluette s'adoucit pour se faire plus acoustique, de début - épaisse et boisée, à l'image des montagnes alentour - elle n'en oublie pas pour autant de se dédier entièrement à la longue cohorte des ignorants de tous bords siégeant en ce monde dévasté de cupidité ; une aubade au respect d'autrui indexée sur une valeur depuis fort longtemps cotée bien en deçà des actuels emprunts " Madoff "...
Dans le plus pur style Pigalle, Monsieur Neige s'y entend, on ne peut mieux, pour faire fondre les derniers récalcitrants nichés au sein d'une foule de passants touristes et festivaliers plus qu'attentifs du propos, quoiqu'en attente d'accélérations susceptibles de faire suer les sillons interfessiers et autres muscles affiliés... Si affinités !


Une demande aussitôt comblée par l'ensemble du groupe qui n'hésite pas à tamiser ses guitares pour relancer d'une tzigane attaque...
Pendant que " sa blancheur " descend claquer de la bise humide çà et là en les premiers rangs, les paumes des présents claquent sèchement dans l'air - entre vent perturbateur et bourrasques rafraîchissantes - histoire que d'adouber la performance, d'encenser la qualité et l'envie dont les Syrano auront fait preuve (et les leurs !) tout du long d'un set passant sans retenue du rock au balloche, du traditionnel au Slam, du saturé d'énergie sous guitares à la balade mélanco pour fin de nuit bleutée de plaisir.
Porté par un dernier appel lancé à la découverte des groupes de tous horizons et obédiences, au respect des métissages omniprésents en notre tricolore hexagone, le public acquiesce et se fend de sourires complices, manifestement conquis.


L'heure semble désormais dévolue à la déambulation ou à la sustentation du soi, en attendant le début d'une soirée plus " officielle " et payante, sous chapiteau dressé à proximité. Insatiable (elle) la foule continue à sautiller taper rappeler et se lâcher sous les nuées : que du bon, en somme, du garanti sans agios, de l'anti-crise sous perfusion de notes et rythmes à déguster... Frappé ! (Il fallait bien que je la place, que je la fasse UNE FOIS ! J'ai rien tenté autour de Syrano, même pas la plus petite once de tirade... Ou nez !).

" Elles et LUI ! "
(You and You !)


20 h 50 (houblon en pognes, sous chapiteau chaudement emplis d'humains souriants et détendus, visiblement postés à distance respectable de cette putain de CRISE !) :
La première chose qui interpelle, côté You and You, c'est ce look atypique en re-descente seventies, arborant barbes et longs ou frisés cheveux à la (pas très sexy) Grandaddy ; la seconde, c'est la qualité intrinsèque de ce folk de tradition " indé US " qui pousse à y chercher des noms ou influences célèbres dans la tête, sur le bouclé du crâne.
" T'as vu le bassiste, on dirait le Cousin Machin des Addams ! " (me lance un jeune garçon d'un air moqueur. Je me contente de lui faire une hideuse grimace, avec les yeux ET la bouche, en guise de réponse. L'essentiel est ailleurs !).


Dire que j'avais quitté les rives sous moiteurs irrespirables de la Grande Bleue pour exister enfin et récupérer, pour RESPIRER, en somme, et voilà que je sue de nouveau eau et sels minéraux à rigoles, comme sous jet, sans même bouger, avoir besoin...
Lorsque je regarde le casque capillaire du bassiste se coller lentement à sa cutanée enveloppe, c'est encore pire, et je repense à la remarque du tout petit de tout à l'heure ! C'est finalement le très connoté Wasting Minds - après un morceau précédent interprété au plus proche des regrettés Grant Lee Buffalo ! - doté du fameux syndrome d'arpèges à la Jeff/Tim Buclkey, qui parvient enfin à me faire oublier l'omniprésent thermomètre en fusion (et ses désagréments momentanés). Mécontent des résultats affichés par sa première recherche, un neurone plus érudit que ses congénères, me lance " Jude ! ", " Andrew Bird ! ", " Iron and Wine ! ", " Elliott Smith ? ", et d'autres noms, encore, que je réfute illico d'un court battement de sourcils : peu importe la filiation ou le renom, pourvu que nous ayons l'ivresse du moment et que les chansons tiennent debout toutes seules... Ce qui est largement le cas ici !
Un niveau de qualité musicale également placé au plus haut, mais baigné d'arpèges très Jeff Buck... (Assez avec " ça ", on te dit !) et d'harmonies qui séduisent d'ambiance et ravissent de public.


" C'est un groupe à filles, c'est clair ! ! ! " (me glisse un pré-ado posté bien fermement sous mèche, juste à proximité). Effectivement, un unique examen des humides pupilles (fixes) prunelles féminines pleines d'amour, et cils dressés (de dévotion) alentours, suffirait amplement à les classer dans cette catégorie à risques... Maîtrisés de groupies en transe et de poursuites " backstage ". Sur Another Diving Man, rien à faire, cet air de déjà-vu colle de nouveau au derme et interroge le large éventail à influences, sans que jamais, pourtant, la chanson ne se noie en si peu d'espaces vierges à défricher ; ça " sonne " et caresse dans le sens du poil - bois et cœurs mêlés d'harmonie - et le banjo y est sans doute pour beaucoup, y apportant sur l'instant, son écot de doigté, de rondeurs enveloppantes. Une ambiance très " western en noir et blanc de type Dead Men, qui renvoie immanquablement vers le clip, très post-Délivrance, de Necrocannibal Holocaust.
Quant à Song For Elise, il évoque magnifiquement le Goin' To Acapulco du Bob (dylan) version Jim James and Calexico (tiré de la BO de I'm Not There).


Bon, ok, y'a p'têt bien quelques langueurs, ci et là - nées d'effets de répétition appliqués : côté formule et arrangements dupliqués - mais l'attention du public ne faiblit jamais, elle, et c'est bien là le plus important. Depuis les fûts tendus et caressés de précision du métronome Maurice, jusqu'aux rondes notes graves pondues par la quatre cordes, sans oublier les accords plaqués et arpèges glissés du gars Clément, tout roule et avance d'un même élan au sein des " Toi ", de tous les " Toi " ; chacun bien calé à sa place, au service du collectif avant tout, sans que jamais la couverture ne soit tirée à soi, ou que l'ombre d'un ego ne vienne empiéter sur les plates-bandes du voisin de scène et d'instrument ; la base de toute réussite musicale à quatre, en somme.
Sous le charme, je lance (à mon pré-ado de tout à l'heure) : " tu as vu... Pendant que les gars se dodelinent doucettement, les filles vibrent de tout leur corps, à l'unisson, ELLES ! ".
" ... Ce qui les classe, bel et bien, dans la catégorie non connotée des groupes à FILLES ! Décrite par mes soins auparavant... Rien à faire ! " (je savais qu'il ne laisserait pas passer l'occasion de se désolidariser au plus vite de cette entité à galbes, seins, et cris aigus, encore étrangère à ses sens naissants, qui respire à grand-peine, tout autour !).
Une petite année et demie, tout au plus, que le trio formé de Clément Simounet (guitare, banjo), Samuel Bouc (Basse, voix, barbe et cheveux) et Maurin Zahnd (batterie) s'est réuni pour faire corps autour de LA voix qui compose et enjôle : Félix Perez ! C'est peu, pour un tel résultat. Du reste, en termes de voix, rien à dire : c'est du précis, du ténu, du qui grimpe avale ou dévale, sans moufter ; du qui trie aisément et fait son choix directement sur registre : entre aigus et graves, entre caressant et cassé. Repéré en les arcanes d'un site de musique " libre " à succès, puis carrément remarqué aux dernières Eurockéennes de Belfort, l'homme ne dispose pour l'instant que d'un simple cinq titres, pour " exister " légalement aux yeux de tous et toutes, et toutes... Surtout !


Rien à faire, leur The House On The Moon à EUX, me semble plus ouverte et paisible que l'autre, là, celle, criblée de tuyaux bâtiments et travailleurs gauches, qu'envisagent de bâtir prochainement Américains et Russes, sur notre satellite de légende, bêtement défloré de basse cupidité (vous avez dit Hélium-3 ?) à terme. Sur icelle (la Lune des You and You) l'harmonie " scène, musiciens, et féminine présence " atteint son point culminant, et déjà l'on sait que l'on ne pourra jamais en extraire que du " bon ", du rêveur, du plaisir partagé, millésimé.
Alors que le temps se fige, le bienvenu Bye Bye survient à point nommé pour annoncer le départ du quatuor en grande quête. Il était temps, car la tension entre regards empreints de jalousie (toute masculine) et les battements de mains enfiévrés (de la gent féminine) n'annonçait rien de bon à venir sous la couette pour cette nuit...

Par contre, lorsqu'il annonce que la dernière chanson du soir est dédiée à l'incontournable Joseph Arthur, qu'elle porte même son nom et tente de frayer au plus proche de l'univers musical de l'homme d'Akron (Ohio) je me surprends à calquer en tous points mon attitude sur celle de mes voisines de chapiteau, pour décoller en leur compagnie l'espace de quelques courtes minutes, dégustées... (Non, non, je ne la ferais pas cette fois, non, non, j'vous dis !).

" Jil Is Lucky... "
(... Et mes cuisses au supplice !)


22 h, et des myriades d'étoiles plus loin (observées depuis le toboggan du jardin d'enfant limitrophe) :
Après la capitale, place aux représentants de la... Capitale ! C'est en effet au tour du quintet des Jil Is Lucky, de défricher le même sillon touffu que ses congénères de parisienne résidence : armé de frisures et follicules épaisses, revêches, ou portées " façon " casque. Une entrée en matière plus que nerveuse, avec batteur posté sur une même ligne, sur pied d'égalité, dans le plus pur style " wall of sound ". Ils s'auto-annoncent fans de Léonard Cohen, ou de Jonathan Richman, et c'est l'ombre mélodique des Floyd de Waters (Roger) qui habite et enlumine une seconde chanson ponctuée de breaks saccadés, de solos plus qu'énergiques du manche.
Tout de suite, tandis que J-E-S-U-S Said fend la moiteur des premiers rangs... Je bloque sur LE t-shirt porté par l'ensemble du groupe (chanteur excepté !) un t-shirt qui me rappelle inexplicablement les récentes errances et heures " sombres " de Polnareff (Michel) au tout début du mois de mai 2007...
Une amère rêverie vite chassée par les gammes et les percus des " Jil ", qui cascadent tour à tour d'envie, en prélude à une intro très, très, Klezmer, qui dépayse un tantinet et rafraîchit les pavillons ; un mélange osé, de prime abord, mais qui prend néanmoins rapidement et qui emporte les présents de la fosse dans une folle accélération dont personne ne sortira indemne (les " trempés de la tête aux pieds " sont désormais majoritaires, céans !).


Lors de l'attaque " folk rock " suivante, je me demande pourquoi j'y entrevois parfois la " patte " de Paul Simon posée derrière ; je ne saurais le dire avec exactitude, mais c'est un fait. Quelques excès vocaux maniérés de Jil, exceptés, " ça " tourne salement bien, ce truc !
Lorsqu'il entonne " Without You... Ou-ou ! ", le public lui renvoie fièrement ses chapelets de " Hou hou-hoouu, hou hou-hou hou... Hououou ! ! ! ", sans arrière-pensées aucunes, même si les miennes ne cessent de me signaler que l'arpège en question s'en vient " chasser " sans vergogne, sur les terres dorées du The Boxer de Simon... Paul ! (Tiens, tiens, v'la que ça se précise !). Reste, que, si ce duo " guitare boisée et violoncelle du même métal " fait saliver d'aise l'ensemble des présent(e)s, l'envolée suivante se perd quelque peu dans les hauts cordages du lieu, visiblement coincée entre deux cultures, deux envies, deux héritages est (Europe) et ouest (USA) qui se repoussent plus qu'ils ne s'attirent véritablement, sur celle-ci, en tout cas. Je sens d'ailleurs mon neurone du rock baladeur piaffer d'impatience et se languir de riffs et cris primaux.


Au cours du très lent et lourd morceau de moiteur qui succède alors au brinqueballant précédent, on ne peut qu'être impressionné par la cohésion de la section rythmique - The Black Rabbi (batterie) et Superschneider (basse) - qui balade entre hargne, précision, et épaisseur, sans jamais perdre de vue la fluidité, et sa cousine... Efficacité ! En dépit de quelques errances vocales - rimant plus avec usure sous longue tournée, qu'avec manques, ou carences affichées sous cordes ! - la sauce ne cesse de monter et l'ensemble du chapiteau émarge désormais à une bonne dizaine de centimètres plus haut, au-dessus du sol humidifié de liquide ferveur. Après avoir quitté les rives occidentales de I May Be Late, nous v'la plongés dans le folklore pur et dur de nouveau ; une soudaine et festive bar-mitzvah, qui voit (et entend) le parterre taper du pied, remuer comme si sa vie en dépendait et adouber le déjà poussé sur ondes : The Wanderer ! Sur scène, les notes entrelacées de la guitare et du violon font encore monter la sauce de quelques degrés : ils sont en nage, torses nus ou dégoulinant de pores (et tissus détrempés) ce qui ne les empêche pourtant pas de relancer l'ensemble jusqu'aux prairies " Bisonées " du jeune Neil... Young ! Sur le lourd et marqué Hovering Machine, Steffen (Charron /guitare) sait que SON heure est enfin venue. Bien calé derrière la sèche pulsation de la section rythmique, il déguste lentement son passage sous sunligths : note après note, pulpe de doigts au plus près des frets, histoire que de s'en repaître jusqu'à l'extase, en " interne ". Hélas, le chapelet de notes final manque un tantinet de " sale ", souffre d'un rien d'absence de brouillon, pour arriver à mener décemment l'ensemble à terme, en dépit d'un renfort de classe et de crissant, apporté par le violoncelle d'Arnaud (Crozatier).


Au bout du compte, je ne saurais dire avec exactitude, si Jil Is lucky ? Ni même pourquoi il ne le serait, ni même en quoi ça devrait me concerner... Reste, qu'un rapide coup d'œil lancé aux survivants en errance, à la gent titubante, ou aux affalés de tous poils - désormais écroulés aux quatre coins du square ! - permet tout de même de se faire une idée, quant au résultat final de cette chaude soirée : Jil 1 - Lambdas du festival... 0 !

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