Accueil Chronique de concert The Fall (Festival Feedback)
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Chronique de Concert

The Fall (Festival Feedback)

Parc de la Villette - Paris 10 juillet 2005

Critique écrite le par



OUI, oUI, Oui, oUi, oui, ce concert s'est bel et bien déroulé. The Fall, à Paris, c'est possible, ça a eu lieu, j'étais là, Mark Edouard Smith, son leader, aussi légendaire qu'atrabilaire, était là, en chair et en bières. Pas de Joke à l'horizon. C'était de vrais instruments, de vrais amplis, branchés ! Il n'y a pas eu d'averses intempestives, pas de foudre, pas d'attentat, pas de (B)rixe. Ils ont joué une heure, tarif festival, mais ils ont joué les-putains-de-leur-mère.



Combien d'années que nous attendions ça ? La dernière venue de The Fall à Paris remonte au 8 octobre 1993. C'était à l'Arapaho. Depuis cette date, le groupe n'a cessé de tourner, principalement en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, mais aussi au Portugal, en Espagne, en Italie, en Autriche, en Allemagne, en Suisse, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark, en Suède, en Islande, en Lituanie, en Russie, et même en Turquie.



Mis à part deux dates à Rennes et à Saint-Lô en 1995, Mark E. Smith a snobé la France pendant plus de dix ans. Pourquoi ? Il nous doit quand même le nom de son groupe (d'après La chute d'Albert Camus). Et puis, en France, il y a moi (et je ne dois pas être le seul moi), qui consciencieusement, finance son train de vie en achetant chacun des disques, d'une pertinence de plus en plus erratique (cf. Levitate, Are you are missing winner, Interim, le coffret de concerts Touch sensitive...) qu'il ne cesse de produire, compiler, rééditer.



Et pourtant, malgré ces sacrifices pécuniaires qui m'ont privé de perles comme les Libertines, Kasabian, Kaiser Chiefs, Maximö Park, British Sea Power ou encore le dernier New Order, The Fall ne venait toujours pas. A chaque pèlerinage chez le disquaire, je prenais à témoin le moindre touriste briton présent dans la file d'attente, "vous voyez j'achète un disque de The Fall, j'aime The Fall, Mark E. Smith, quel génie, à quarante ans passés, toujours cette hargne... d'ailleurs si vous le croisez, faut lui dire, on aime sa musique ici dans l'hexagone ".
J'en ai discuté aussi avec mon marabout référent. Mais rien à faire, à chaque fois la même chose, au moment où je pensais que le sortilège commençait à opérer, pschiiit, je me faisais doubler par une magie plus forte, venue de Turquie, de Grèce, de Russie (à base de journalistes tchétchènes castrés puis écorchés, imparable), et paf, une annulation.




Il y a deux ans, un concert au Nouveau Casino est évoqué. Je me précipite à la Fnac et là, interloqué le vendeur m'explique qu'il n'y a pas de The Fall dans son ordinateur. J'appelle le Nouveau Casino. Non, je n'avais pas rêvé, il était bien question d'un concert des mancuniens, annulé toutefois dès son annonce. L'année dernière, le nom de The Fall circule à nouveau. Il figure dans la programmation du festival Mo'Fo'. Une nouvelle fois, je me précipite à la Fnac, en caressant la tête d'un rat décapité du matin. J'achète une place. Je tiens le ticket avec les doigts de ma main libre. Je l'approche très près de mes yeux. C'est bien The Fall qui y est écrit. Pas d'erreur. Je fais dans mon pantalon, de joie. (....)



Quelques jours plus tard, ce qui s'apparente à de l'inéluctable, à une malédiction, der Zorn Gottes, me foudroie sur place. ANNULATION. Je défèque, toujours dans mon pantalon, de consternation.
Alors vous comprenez, cette malheureuse heure de concert (au même moment U2 jouait au Stade de France pendant plus de deux heures avec des millions de dollars pour l'Afrique en prime), ce concert gratuit, mais sans absolument aucune connotation humanitaire (y avait aussi Solidays), c'est un moment HISTORIQUE pour moi ainsi que pour une bonne partie des spectateurs présents.



Il est difficile d'expliquer mon attachement à The Fall. Une chanson de The Fall ne provoquera jamais les mêmes émotions qu'un titre de Fugazi ou des Pixies. Ca n'a pas du tout le même souffle, la même folie. Il n'y a pas de brusques cassures, de soudaines accélérations, de cris de colère ou même de joie. La musique de The Fall s'adresse plus au cerveau qu'au cœur, sans pour autant que les paroles soient toujours compréhensibles. Mark E. Smith, qui s'est toujours défendu d'appartenir au mouvement punk, s'est nourri et continue de s'inspirer du premier rock'n'roll des années 50 (Gene Vincent, Chuck Berry), du rock garage de la période 1965-1968 (The Monks, The Sonics) ainsi que du krautrock (Can, Neu, Faust..). Et sa formule pourrait se résumer ainsi, accords de guitare rock'n'roll sur rythmique répétitive avec voix de canard d'un chanteur soliloqueur pas aimable. Ca dure depuis 1976. On reconnaît un disque de The Fall dès les premières secondes, mais le son du groupe n'a cessé d'évoluer, au gré des nombreux changements de musiciens et des talents sans cesse renouvelés de ce groupe.



Il faut en effet prendre garde à ne pas réduire The Fall au seul Mark E. Smith. C'est, il est vrai, le seul maître à bord, unique membre permanent du groupe depuis sa création. Et il se comporte en véritable dictateur. Mais la quasi-totalité des titres sont coécrits avec ses compagnons. L'influence de son ex-femme, l'américaine Brix a été ainsi centrale dans le relatif succès populaire que connut The Fall au milieu des années 80.



Comme je l'ai dit plus haut, il n'y a pas de Brix ce soir. Mais il y a Eleni Poulou, aux synthés. Elle figure dans le line-up depuis Country on the click. Autant sur disque, que sur vidéo (les pitoyables DVD Access all areas), j'avais du mal à identifier son apport, voire son utilité (autre que sexuelle). Ce soir, on a beau être en plein air, le son est de qualité et je peux clairement entendre les notes de son Korg. Avec Ben Pritchard, à la guitare, Steven Trafford à la basse, Spencer Birtwistle à la batterie, elle complète le casting d'un très bon cru de The Fall.



Me voilà rassuré. J'avais de réelles appréhensions quant à la bonne tenue du groupe sur scène. Les enregistrements live disponibles de la période 2001 à 2004 sont assez affreux. On sentait un groupe qui pataugeait et qui manquait cruellement d'efficacité comparé à la très solide production des deux derniers véritables albums studio The unuterrable et Country on the click. Le dernier disque, sorti fin 2004, Interim (compilation de séances de répétition et d'extraits de concert) avait donné quelques signes d'espoir, mais aussitôt sabotés par un mixage fantaisiste.
Le concert débute par Theme from Sparta F.C. Les musiciens commencent à jouer, avant que M.E.S. n'arrive sous les cris d'excitation du public. A cette petite mise en scène, on comprend que le chanteur n'a pas une petite idée de sa valeur. On croirait assister à un concert de reggae quand les Lee Perry, Max Roméo, LKJ s'avance très cérémonieusement sous les lumières après que leur groupe s'est bien masturbé sur un instrumental. En général, l'intervention des stars rastas se limite à trois quart d'heure. Leur temps est précieux. C'est un peu la même histoire avec The Fall.



M.E.S. quitte la scène après une demi-heure. Ce n'était pas prévu ainsi. Il va carrément voir chaque musicien pour leur dire d'oublier la setlist et de quitter leur place. Ceux-ci semblent terriblement frustrés. Le concert se déroulait à merveille. Le public était réceptif et enthousiaste avec un gentil pogo dans la fosse. Mais il en va ainsi quand on travaille avec M.E.S. Le vétéran de l'underground n'est pas à une vexation près. Un de ses petits plaisirs est ainsi de dérégler les amplis de ces musiciens au moment même où ils jouent. Il déambule l'air de rien pendant les passages instrumentaux et hop le guitariste ne s'entend plus jouer. C'est assez cocasse. Quelques secondes plus tard, le guitariste, au milieu de la même chanson se rapproche de son ampli pour remettre le bouton à sa position initiale, avant que M.E.S. ne revienne à la charge sur le morceau suivant. C'est plus un jeu qu'autre chose. Tout le monde y a droit, le bassiste, le batteur et même sa moitié Eleni. Les techniciens du plateau sont un peu désemparés. Ils n'ont pas compris tout de suite la blague, croyant à une déficience du matériel. Sur Blindness, joué à la fin du premier rappel, M.E.S. revient taquiner Eleni. Il fait semblant de vouloir tripatouiller une nouvelle fois l'ampli, mais cette fois il glisse sa main, par derrière, sur le clavier du Korg.



Une autre lubie de M.E.S. est la multiplication des micros. Il passe son temps à changer de micro, sans qu'on puisse en saisir la raison. Ils sont tous réglés de la même manière et M.E.S. n'utilise aucun effet sur sa voix. Et pourtant, il ne cesse là aussi d'errer dans un sens puis dans un autre récoltant tous les micros sur son passage, privant parfois ses collègues des moyens de faire des chœurs et lui se retrouvant avec jusqu'à trois micros devant la bouche. L'exercice se concluera par le don d'un des micros au public sur le dernier morceau de l'ultime rappel, Carry bag man, tiré de Frenz Experiment (1988). M.E.S. quitte définitivement son public, le groupe continue de jouer, et dans la fosse ils sont deux-trois à improviser quelques cris en guise d'accompagnement.
Une conclusion originale, et habile, d'un drôle de concert, très convaincant malgré toutes ces facéties. Voilà, je l'ai vu, une chose de plus à rayer de la liste des choses à faire avant ma mort (y figure aussi : apprendre à repasser le linge).



Voici la setlist, les points d'interrogation signalent des inédits qui devraient figurer sur le prochain album, Head Rolls, à paraître en septembre :
Theme from Sparta FC / All clasp hands / ? / ? / Wrong place Right time / I can hear the grass grow / What about us / Mountain energei / ? / Mr Pharmacist / Blindness / Carry bag man

PS : des spectateurs ont eu la bonne idée de jeter des pommes même pas pourries. Elles n'ont pas touché leur cible. Ca n'a même pas abrégé le spectacle. Dommage, je rêve de participer à un lynchage. Avec le canal à proximité, ça aurait vraiment été tentant.

 Critique écrite le 11 juillet 2005 par Bertrand Lasseguette


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