Chronique de Concert
The Limiñanas (featuring Bertrand Belin, Anton Newcombe et Emmanuelle Seigner)
Les Limiñanas ont longtemps été le secret le mieux gardé du rock Français ! S'ils existent depuis 2009, je suis, pour ma part, leurs aventures depuis 2012, même si je ne les ai vus sur scène pour la première fois qu'en 2015 à la Maroquinerie. A cette époque, les très rares concerts qu'ils donnaient était un point de rendez-vous obligatoire des intégristes de la guitare fuzz, des aficionados du rock garage et des amateurs de son vintage des compiles Nuggets. Les concerts étaient excellents car aucun groupe français n'était, jusqu' alors, parvenu à maîtriser aussi bien le son rock brut jouissif et caractéristique du premier album des Stooges et des grandes heures du 13th Floor Elevators", tout en le mariant avec la singularité d'une pop française sixties sous haute influence "gainsbourienne".
Forcément, le secret s'est éventé, et l'écho de la musique des Limiñanas s'est rependu bien au-delà du circuit des club de rock presque underground dont ils sont issus. Des figures comme Anton Newcombe, Pascal Comelade et Peter Hook ont collaboré avec eux, ou porté la bonne parole sous d'autres cieux. Ils sont ainsi sortis du circuit rock artisanal pour signer sur le label Because Music , qui s'est occupé de la réédition de leur formidable série de singles autoproduits et de les accompagner dans la réalisation et la promotion de leurs deux derniers albums "Malamore" et "Shadow People".
Les Limiñanas, en 2018, se sont alors retrouvés propulsés dans les médias (Rock & folk, Canal +, Tsugi, Inrocks, RTL...) comme le groupe de rock hype furieusement tendance du moment. Cette exposition médiatique méritée et légitime a considérablement élargi leur audience. Ce n'est malheureusement plus uniquement le public des "intégristes" du rock garage qui remplit aujourd'hui à ras bord le théâtre du Trianon pour ce concert. C'est une armada de quadras issus des épicentres bobos de l'Est parisien qui se bouscule aussi aux abord de la scène. Le problème de ce type de public, c'est qu'il est avant tout guidé par la "hype" et la "tendance du moment" plus que par un réel amour de la musique. C'est donc un public peu attentif, participant peu, qui ne cesse de parler pendant les chansons et de se déplacer toutes les 2 minutes pour s'abreuver au bar, ou ailleurs, sans prêter la moindre attention et le moindre respect à la musique et à ceux qui l'écoutent... Certains d'entre eux m'ont clairement gâché de beaux moments de ce très bon concert.
S'ils viennent encore eux-mêmes installer leur matériel, les Limiñanas sont clairement passés dans une autre dimension depuis le concert de la Maroquinerie de 2015. Sur scène, Lionel et Marie Liminana figurent désormais au premier plan au milieu de la scène, la chanteuse se trouve désormais sur l'aile gauche de la scène, tandis que l'aile droite accueille un nouveau chanteur guitariste qui vient lui prêter main forte sur les refrains ou sur les titres qui n'étaient pas à son répertoire. Derrière eux se trouvent la basse, un clavier, un guitariste soliste redoutable ainsi qu'un danseur énigmatique, vêtu d'un costume seventies que ne renierait pas Bertrand Burgalat, qui esquisse impassiblement des pas de danse aussi métronomiques que discrets sans transmettre la moindre émotion. Les éclairages sont désormais bien étudiés et assez marquants, apportant un vrai plus à l'ambiance.
Dès le titre d'ouverture, on s'aperçoit que leur son a évolué aussi. S'il est toujours fidèle à leur identité musicale et aussi jouissif, il est désormais plus clean et plus clinique que le son brut et artisanal du concert de 2015. Après "Down underground" et quelques titres de l'album "Malamore" posant les bases du concert autour de rythmes hypnotiques et de crescendos de guitares fuzz incandescents, place est faite au nouvel album avec la venue sur scène de Bertrand Belin pour une très bonne version de "Dimanche" sur laquelle il posait déjà sa voix sur l'album.
Avec "Funéral Baby", "The gift", "Garden of love", la rythmique devient encore plus implacable et les solos de fuzz nous emportent de plus en plus loin et font oublier l'absence de charisme d'un groupe dont l'essence est historiquement le travail en studio. Ce n'est pas simple d'arpenter une scène avec une grande majorité de morceaux instrumentaux, sans frontman pour faire le show et capter la lumière.
Puis, c'est au tour d'Anton Newcombe de venir chanter sur "Istambul is sleepy". Sa voix fait décoller le morceau assez haut et apporte vraiment un plus à l'ensemble. Il laissera sa place à Emmanuelle Seigner, dans une combinaison rouge étincelante, qui viendra, elle aussi, chanter sur scène le titre sur lequel elle intervient sur l'album.
D'autres titres s'enchaînent en reprenant la formule magique du groupe (rythmique obsédante et solos psychédéliques rageurs qui écrasent tout sur leur passage). On reprochera parfois à certains titres de s'arrêter brutalement alors qu'ils auraient pu être étirés d'avantage et emporter le public encore plus loin pendant de longues minutes. On ressortira du lot une reprise du groupe Can que le groupe s'est formidablement appropriée et qui nous emmènera très loin.
C'est déjà le temps des rappels, et les Limiñanas concluent ce concert de belle façon avec une reprise de "Russian roulette" (l'un des plus grands singles oubliés du punk rock) des Lords of the New Church de Stiv Bators, chantée par Emmanuelle Seigner. Ils porteront l'estocade sur une version endiablée et dégoulinante d'orgue et de fuzz de "Gloria" des Them, dont le refrain sera repris en chur par le public. Ils reviendront dire au revoir avec un dernier titre après un concert dense mais finalement assez court (1 heure 20).
Les Limiñanas sont indéniablement un formidable groupe de rock. Ils maîtrisent vraiment leur affaire et on ne peut que recommander à tout le monde de les écouter et d'aller les voir, pour peu qu'on aime le rock, le vrai. Cependant, leur approche très instrumentale les enferme un peu dans un carcan d'un exercice de style dont ils auront du mal à s'évader. Leur son est exceptionnel et mériterait de pouvoir être servi par un grand chanteur charismatique. Imaginons les jouer avec Iggy Pop, Nick Cave, Bertrand Cantat, Patti Smith, ou avec un chanteur à fort charisme, le résultat serait vertigineux ! Mais ne boudons pas notre plaisir, ce concert du Trianon était un vrai beau moment de rock par le meilleur groupe de rock français du moment !
Photos prises le 16 mars 2018 à La Coopé à Clermont-Fd par Yann Cabello (album complet ici) www.yanncabello.com, www.facebook.com/yann.cabello.7, twitter.com/YannCabello, instagram.com/yanncabello...
Critique écrite le 30 mars 2018 par lol
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> Réponse le 01 avril 2018, par rockfour
Effectivement, rien de plus embêtant que d'aller à un concert rock et d'être dérangé par des gens autour qui n'arrêtent pas de papoter ou de rigoler. Vu le prix des concerts, je ne comprends pas dans ces conditions que ces emm*** n'aillent pas plutôt dans un pub... Réagir
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