Chronique de Concert
Pleasures + The Limiñanas
Flute. Ou alors merde. Déjà vu un super concert hier soir (produit par le Poste à Galène, comme ce soir) mais bien obligé de ressortir - on ne peut quand même pas laisser passer sans réagir les Limiñanas de Cabestany, en restant dans son canapé à 200 mètres à vol d'oiseau !
Fort heureusement la soirée qu'on a donc rejointe en traînant un peu des pieds commence de façon très emballante par un show du jeune groupe Pleasures - jeune qualifiant l'âge du groupe et non son expérience collective, bien sûr. Autant leur premier passage ne nous avait pas fait sauter au plafond, autant leur nouvelle formule (et un jeu plus punchy) est vraiment séduisante. On ne reviendra pas sur les nombreux états de service de Pascal, leur ex-guitariste (qui comme chacun des trois autres, a déjà joué dans au moins 3 groupes dont je me souvienne), mais il est vrai que son remplacement par une basse ronde et bien huilée, celle de Fred (autre habitué des groupes consanguins), renforce nettement la cohérence du son ! L'alchimie guitare-basse-batterie-voix reste décidément indépassable depuis les Beatles...
En effet le duo du bassiste avec la Rickenbacker rutilante de Stéphane "Lollipop", appuyé sur la frappe effortless (il ne semble jamais transpirer !) et précise à la fois de Miguel, appuie admirablement le chant de Patrick (ou devrait-on dire, "Patwick"), chanteur de très bonne tenue dont l'animation et l'entertainment 100 % anglophone entre les chansons renforcent l'aspect anglais, et donc cool par définition, du groupe... qui déroule un rock assez (mais pas trop) catchy, parfois un peu heavy, et franchement agréable : les plaisirs s'enchaînent donc au fil d'une set-list d'une petite heure, roborative et plutôt sexy. Si le groupe n'a mis sur Internet (où il est bien planqué derrière un groupe homonyme de Teutons glam-kitsch...), que des versions unplugged et donc à poil de ses chansons, il semble qu'il va falloir songer sérieusement à enregistrer sur polychlorure de vinyle, au moins les deux tiers de cette set-list !
Par exemple l'efficace Do My Best, le riff chatouilleur de Sweet Soul Loving ou ceux plus Kinksiens de You Can't take it & Another Day semblent tout prêts à déferler sur les platines phocéennes, françaises ou même britanniques ! Même le long jam concluant Shake it on down, après un riff en forme de dialogue de 2 guitares, reste étonnamment digeste, à la grande surprise d'au moins 2 ou 3 des membres, issus de la culture punk (Neurotic Swingers, Hatepinks etc etc), et plus habitués à conclure leurs titres en 2 minutes ou au maximum, 3 minutes douche comprise. Notre coup de coeur et climax reste Now I Believe, hommage aussi appuyé que réussi et pétaradant au My Generation des Who - un putain de tube potentiel ! Fort heureusement, la salle qui était aux 3/4 vide au début du set, est aux 3/4 pleine quand ils atteignent ce titre, et le public les a soutenus chaleureusement (et à juste titre) pendant toute la durée du concert ! Nul doute que leur fanbase va pouvoir démarrer vraiment sa croissance, après ce set maîtrisé et classieux...
Setlist :
Feel it rise
Do my best
You can't take it
Sweet soul lovin
Healing
Another Day
Who cares
Now I Believe
Shake it on down
Bien évidemment, le temps d'aller se faire servir au bar (un poil plus rapide que d'habitude, mais il y a encore de la marge...), et on rate le début de The Limiñanas. Ils semblent plutôt énervés, au sens positif du terme, en attaquant un Down Underground bien speedé. Fait amusant et de bonne augure (les Thee Oh Sees font pareil, dans un autre genre), les 5 musiciens et musiciennes et tout leur bataclan sont regroupés sur une fiche technique d'environ 12 mètres carrés, façon gang, en laissant vide tout le reste de la scène. Alors bien sûr, un camarade punqueroqueur (qu'on soupçonne quand même de n'avoir vu que 3 ou 4 titres au maximum, avant d'aller rejoindre ses potes en backstage), a détesté tout le concert, le groupe et son concept, et nous a menacé (une fois de plus, mais bon ça va, c'est un copain, il ne tape jamais très fort), de divers sévices si on osait écrire du bien de cette, euh, disons, "purge"... pour ne pas trop trahir l'esprit de son commentaire.
Et c'est vrai qu'en l'abordant de mauvais poil, si l'on s'attarde aux aspects de pure forme du groupe, on peut dire que la chanteuse (ravissante par ailleurs) n'a pas un registre ni une amplitude très, très variés. Que la batteuse (Mme Limiñana au civil) a le cognage simple et de bon goût, basique façon Meg White, sans chichis ni prise de risque excessive. Que le certes distrayant à regarder Ivan Telefunken, est hélas assez peu audible dans ses bricolages (sauf quand il joue du melodica). Qu'un des musiciens est assez transparent (sauf quand il emmène tout le groupe à partir d'un simple riff d'ukulele sur AF 3458). Et enfin que le lider maximo et très velu (Mr Limiñana dans le civil), contrairement à son look de charismatique prophète de l'Ancien Testament, fait exactement comme si on était pas là (pour ne surtout pas avoir à nous parler ?), et zappe soigneusement toutes les chansons pourtant géniales (comme Votre côté yéyé...) où il aurait à chanter, et donc à se montrer davantage.
Bref, que pris séparément on a à peu près un truc à reprocher à chacun des 5 membres des Limiñanas. Et que comme chaque fois qu'on atteint 4 guitares sur une même scène (cf The Brian Jonestown Massacre d'Anton Newcombe, un bon pote à eux), on se demande un peu à quoi ça sert et rituellement, lequel est le dealer pour tous les autres... Oui mais voilà. Il se trouve que ces gens-là ont un son à eux, et des chansons qui tuent ! Il n'y a qu'à voir sa déjà riche discographie (dont le pic est pour l'instant la trippante virée en vieille guimbarde, vers l'hôtel Costa Blanca d'Alicante) pour s'en convaincre ! Et pour le coup, leur précédent passage à eux, il y a quelques mois au Poste à Galène, nous a laissé de très bons souvenirs.
Le son qu'ils produisent, vrombissant et suave à la fois, se développe souvent selon la même formule : guitare ou basse, puis tambourin et batterie, rejointes par une guitare de plus en plus gorgée de fuzz (selon la formule consacrée), comme entre autres dans Le Tigre du Bengale. L'effet fonctionne pratiquement à chaque fois (à l'exception notable de Garden of Love), emportant sans difficultés le spectateur dans une sorte de transe douce. Si l'on ajoute à ça des chansons souvent cinématographiques (comme Liverpool, El Beach ou Funeral Baby), on est naturellement embarqué dans une sorte de trip, un peu lysergique pour les chansons en mid-tempo (Salvation, One of Us ou Zippo) et entraînant au contraire un gigotement discret, mais constant, des membres de notre corps, évidemment aggravé quand le rythme s'emballe (Prisunic, toujours super, ou encore Je m'en vais). En parlant cinéma, on regrettera quand même l'absence de la petite frappe grecque Kostas (qui ne peut évidemment être chantée que par un homme, donc...), pic de leur dernier album Malamore, dont on se consolera en trépignant de rage sur l'assez pétaradante Crank - une nouveauté, sauf erreur ?
Après une bonne heure passée comme dans un souffle, le groupe revient fort heureusement en rappel, avec un cocktail idéal : une de leurs chansons tranquille/cinéma (Cold was the Ground), une de leurs chansons marrantes, enfin ! (Je ne suis pas très drogue, super !), et une cavalcade instrumentale vrillant le cerveau pour le finale (The Train Creep-a-loopin). Parfait pour conclure un set fiévreux, donc, composé à 50 % de speed et 50 % de Stylnox, qui nous a plu presque de bout en bout, n'en déplaise à nos camarades amateurs de drogues à flash plus intense... On repart donc avec les mêmes réserves que l'autre fois (toujours pas des grands communicants, toujours pas de chant masculin - il faut en faire notre deuil...), mais tout aussi charmés que d'habitude. Prochain album en cours d'enregistrement, donc prochaine tournée dans pas trop longtemps, inch'allah baby ?
Setlist :
Malamore
Down Underground
Tigre du Bengale
Prisunic
El Beach
Liverpool
Green Fuzz
La Ballade de Clive
Hospital boogie
Salvation
Funeral Baby
Crank
Russian roulette
Garden of Love
Je m'en vais
AF 3458
One of us
Stella Star
Zippo
Betty and Johnny
encore : Cold was the ground
Je ne suis pas très drogue
The train creep-a-loopin
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Critique écrite le 24 février 2017 par Philippe
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