Chronique de Concert
The Pleasures
Je manque à tous mes devoirs. En général, les concerts qui vous marquent, c'est ceux que vous vous dépêchez de retranscrire, de planquer bien à l'abri de votre mémoire défaillante dans une boite à musique. C'est donc presque deux mois plus tard que je m'attaque à cette chronique. Toute invention, exagération ou autre confusion ne sera donc que purement fortuite et totalement involontaire. Lançons nous.
Le concert des Pleasures à la Cité Radieuse le 8 juillet dernier, c'était un concentré de petits bonheurs ; un de ces moments parfaits où le temps est en suspens, comme mis sur pause. Ça commence comme un savoureux décalage : prendre le chemin inverse que l'on prend d'habitude pour se rendre à un concert, trainer sa dégaine louche dans les beaux quartiers, emprunter un ascenseur jusqu'au dernier étage, puis se retrouver entre ciel et mer, à 60 mètres de hauteur une bière à la main, contents et un peu surpris de se retrouver là. Peu à peu, le toit-terrasse se peuple de séniors chics, d'habitants curieux qui détonnent avec la dégaine de mouton noir des musiciens & co, champagne à la main. La soirée commence en douceur, avec la projection du film Backbeat de Ian Softley retraçant l'épopée hambourgeoise des Beatles et plus particulièrement la sortie de route du premier bassiste, Stuart Sutcliffe .
Assis sur nos petites chaises pliantes, on apprécie la séance sous le soleil fatigué, relayé par des millions de petites lumières citadines. Un peu décontenancé par l'atmosphère plutôt BCBG du début de soirée, l'acolyte Stephan décide de mettre les pieds dans le plat, ou plutôt sur une uvre d'art à 80.000 euros, une espèce de flèche noire positionnée entre deux rangées de chaises et que tout le monde prenait -à juste titre- pour un podium _certes un peu stylisé. Quelques belles empreintes taille 41 plus tard, il se fait gentiment enguirlander au micro par le maître de séance. Nous décidons de rester calmes et de nous faire un peu oublier en sirotant nos fallafels, puis, plus grisée par les lieux que par le film, je me désolidarise lâchement pour aller faire un tour en pleine séance dans le dédale impressionnant des étages corbuséens à la recherche de toilettes idéalement publiques. Une bonne demi-heure plus tard, j'ai déjà perdu le fil de la love-story naissante et compliquée entre la photographe allemande Astrid Kircherr et Sutcliffe mais le film dans son écran de ciel défile sous la petite brise avec une parfaite fluidité. Les spectateurs attentifs ont l'air ravis de cette première partie mais, pragmatiques, se ruent déjà sur le buffet oriental histoire d'éponger leurs bulles qui ont l'air de se multiplier en altitude.
Contournant soigneusement la précieuse flèche, les Pleasures , s'installent. Non pas le groupe glam rock d'Hambourg justement, mais nos marseillais anglo-germanophones. Je suis ravie de les retrouver au complet après un concert en trio à l'Alhambra pour lequel Stephane, Patrick et Fred avaient dû gérer le tempo eux-mêmes. De retour en grande forme, Miguel donne le ton tout en essayant de ménager les oreilles délicates des spectateurs. Les Pleasures en prennent et en donnent, et leur garage rock'n roll est communicatif. Les riffs incisifs comme le double chant mélodique frappent fort et juste. C'est certes moins pop que les Beatles mais le frontman avec son chant savamment mis en avant ramène fort à propos la touche british qui finit de conquérir le public toujours vissé sur leur chaises pliantes mais enthousiaste. Pour preuve : certains en viennent même à taper dans leurs mains, ce qui témoigne d'un grand moment (décalé) de plaisir collectif. Et c'est bien ce qui compte : les Pleasures l'assurent, who cares the way you dance ? dont vous trouverez une très belle version acoustique sur leur soundcloud.
À l'heure où les concerts de r'n'r partout ailleurs commencent, ici c'est déjà fini et la nuit nous absorbe par petites touches. On erre encore un peu sur le rooftop, cherchant à prolonger les festivités. À quelques kilomètres de là, notre souhait est entendu par l'hippodrome de Pont de Vivaux qui nous offre un feu d'artifice royal au bar. Et puis, comme il faut bien rentrer, nous laissons à regret le Corbusier reprendre une activité normale et ses habitants leur tranquillité. Dernière visite dans le ventre du gratte-ciel, à zoner dans les "rues intérieures" et les paliers éclairés comme une piste d'atterrissage. Dix huit étages plus bas, nous voici sur le parking, un peu sonnés, prêts à dérouiller nos jambes direction des quartiers aux rues plus étroites et bordées de décibels.
Photos Camille Perrin
Bonus video (Ave the Sound!)
Critique écrite le 03 septembre 2017 par odliz
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