Chronique de Concert
The Soft Moon, The Liminanas, Amber Arcades, Jojo Beam, One Sentence Supervisor (Festival Minuit Avant La Nuit 2018)
"Minuit avant la nuit", un bien joli nom pour ce tout nouveau festival qu'on qualifierait de "pointu mais pas que", à Amiens. Quand on a découvert quelques semaines auparavant la très belle affiche tout en bleu et vert, avec en tête Slowdive, on a suffoqué d'excitation ! Dix années après avoir quitté Amiens et les bancs de la fac St Leu, on se dit que c'est peut être l'occasion d'y refaire un tour, d'autant plus qu'on a gardé un très bon souvenir des concerts passés à la Lune des Pirates, la salle indé du coin, petite en taille mais magistrale par sa prog indé (HMLTD, Jen Cloher, Chad Vangaalen, A Place To Bury Strangers, Hanni El Khatib, Cigarettes After Sex, pour ne citer qu'eux), et qui est l'organisatrice du festival.
Amber Arcades
On arrive avec un peu de retard sur le site verdoyant du parc Saint Pierre, baigné de soleil et accueilli par une équipe tout à fait sympathique. Amber Arcades est au milieu de son set (on a raté le premier groupe, Edgar), sur la grande scène installée au fond de l'enceinte en forme l'ellipse dessinée par les différents stands tout autour. C'est avec un certain plaisir qu'on retrouve la dream pop de l'hollandaise Annelotte de Graaf, en habit de velours jaune et ses partenaires tout de blanc vêtus, et une certaine émotion, nous rappelant le dernier concert de Grandaddy à l'Aéronef l'année dernière, où ils faisaient la première partie. On reconnaît peu de titre pour l'instant, le nouvel album sortira en septembre, le groupe choisit justement de nous en concéder un belle présentation ce soir. C'est en fin de set qu'on retrouve quelques uns de leur titres plus familiers, avec les très efficaces "It Changes" et "Come With Me". De bons préliminaires où l'auditoire, disséminé un peu partout sur la pelouse dans une ambiance picnic lounge, se régale de leur style jangle pop très agréable.
Jojo Beam
On pivote ensuite d'un quart de tour sur la droite pour se placer devant la petite scène et enchaîner avec Jojo Beam. Sous ce patronyme énigmatique et plutôt amusant se cache un trio de joyeux picards en formation basse, guitare, batterie qui nous sert une sorte de math rock noise énergique, avec un duo de voix exclamées bien représentatif du style et des rythmes parfois plus lourds tirés du metal. Ça respire la franche camaraderie, et les auditeurs apprécient.
Vu l'heure, beaucoup en profitent pour aller faire un tour des stands et se ravitailler avant les moments forts qui vont suivre. Bonne idée ! Et donc, on se met quoi sous la dent ici ? On peut compter sur l'incontournable stand burger et frites, mais les plus aventureux pourront se laisser séduire par des burritos et nachos, de la cuisine traditionnelle et naturelle (bouillon, salade...), et quelques encas sucrés pour les gourmands. Et du côté boisson, deux bars à bières/soft et un bar à vin, la base est là.
The Limiñanas
Une fois l'assimilation de plaisirs gras, sucrés ou alcoolisés réalisée, on est prêt pour le très attendu prochain groupe : The Limiñanas ! Si vous ratez le passage des cabestanyencs près de chez vous cette année, c'est de la mauvaise foi, car ils sont partout, avec la sortie récente de leur superbe album "Shadow People", à nous réjouir de leur style rock garage yéyé et psyché. On avait été inquiet pour Lionel Liminana, quand une semaine avant le festival, un post sur leur Facebook l'annonce souffrant d'une crise d'appendicite, ouch ! Et bien c'est en apparente très bonne forme qu'on le retrouve ce soir, accompagné de Marie et de leurs acolytes, pour un set qui s'annonce fantastique. Ils enchaînent une setlist parfaite : "Malamore", sur laquelle on aperçoit en arrière plan le second guitariste barbu en plein trip (mais dont l'instrument est malheureusement quasiment inaudible), et Marie, formidable pilier du rythme régalant ses fûts d'une profusion de coups adroits, puis "Down Underground", "Dimanche", mémorable, où l'on entends les cris de joie des fans, "Funeral Baby", "Shadow People", "Betty and Johnny"... Que de tubes joués sous des orgies de guitares et les regards complices du couple, adorable. Le public est conquis, et attisé pour poursuivre le grand voyage sensoriel.
One Sentence. Supervisor
Et c'est One Sentence. Supervisor qui prend la relève, dans une incomparable bonne humeur, sur la petite scène habillée d'un parasol portant une énorme pancarte "Big Sale", et dessous une chaise sur laquelle le bassiste s'installe, tout sourire. Les suisses, de Baden, proposent un mélange de space rock et de pop psyché tout à fait agréable, dont très peu de chant sur les premiers titres, apportant une ambiance planante plus poussée en live que sur disque. Nouveaux couacs sur le réglage son, amusant dans un premier temps les musiciens qui pouffent de rire à chaque "gong" hypertrophié de la grosse caisse ou de la basse qui part en vrille, mais demandant rapidement, et à juste titre, de réajuster tout ça ! Tant mieux, puisqu'on peut enfin s'approcher un peu plus et admirer l'entrée sur scène de Bahur Ghazi, qui vient renforcer les mélodies psychotropes et aériennes grâce à son oud. Le set prend alors une dimension encore plus enivrante, à l'image du dernier titre, "Onomatopoeia", puissant shoegaze oriental et dansant.
The Soft Moon
Un souvenir mémorable du set à Tinals en 2015 nous emplit d'excitation ce soir à l'idée de revoir The Soft Moon et son post punk torturé. Juste le temps de penser qu'on est plutôt bien là, dans ce festival, à écouter tous ces bons groupes, que des flashs blancs, tel des éclairs hypnotiques, violentent l'obscurité qui commencent à tomber. Luis Vasquez entre sur la grande scène flanqué de ses deux compères à la basse et batterie, le trio américain entamant un set qui fait la part belle à leur dernier album "Criminal" sorti l'année dernière, et aux titres phares plus anciens. On acclame "Give Something", ou encore "Burn" dont les percussions, puissantes et agressives, nous flagellent en cadence de ces coups de fouets soniques, provoquant des spasmes énergiques, prélude à des chorégraphies psychotiques. "Like A Father", quant à lui, nous propulse tout droit dans un vortex malaisant, tel un tourbillon écorchant notre chair, jusqu'aux os, glaçant, qui s'entrechoquent au rythme pulsatile des fûts. Luis balance son chant orageux comme un exutoire, le public est totalement en transe, certains réalisant de fabuleuses danses frénétiques. On ressort épuisé psychiquement de ce voyage intense, mais apaisé, notre valve émotionnelle s'ouvrant pour se débarrasser de nos angoisses refoulées.
Vladimir Cauchemar
Après cette grandiose claque que l'on vient d'encaisser, on ira errer dans l'enceinte du festival, complètement béat, tandis que les autres, inarrêtables, se massent devant la petite scène pour accueillir Vladimir Cauchemar. Un assistance encore nombreuse s'amuse devant le bonhomme, grimé d'un masque flasque représentant un crâne, sur un style techno flûtiau, à l'image du single "Aulos". Achevé par le froid nocturne picard (on en rajoute un peu, pour ne pas avouer qu'on est juste épuisé), on quitte le festival, laissant derrière nous les intarissables courageux restés pour Polo and Pan et leur set électro acidulé. A demain !
Photos : Ludo Leleu
Liens : www.minuitavantlanuit.fr, www.facebook.com/minuitavantlanuit, twitter.com/minuitavtlanuit, www.instagram.com/minuitavantlanuit...
Critique écrite le 12 juillet 2018 par Dissy
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