Accueil Chronique de concert The Tiger Lillies
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Chronique de Concert

The Tiger Lillies

The Tiger Lillies en concert

Théâtre des Salins - Martigues 11 octobre 2013

Critique écrite le par

Peu de musiciens ont le don de me retourner les tripes comme The Tiger Lillies, "They play on you a marionette / They control you all is set / Pull the strings and watch you dance / You really didn't stand a chance." Du rire à l'angoisse, de la stupeur aux larmes, The Tiger Lillies communiquent bien autre chose que leurs seules chansons sur scène et pour rien au monde, je n'aurais laissé passer ce 11 octobre 2013 au Théâtre des Salins à Martigues.



Un théâtre encore pour ce groupe qui avait inauguré en 2012 la rentrée du Théâtre de la Criée et un décor que l'on pourrait juger de prime abord inadapté à leur musique qui nous tire immanquablement vers les bas-fonds, les marginaux, les fantômes de la nuit... un son que l'on associerait plus facilement à des lieux plus sordides, un vieux rade sur le port tard dans la nuit, un pub obscur aux murs transpirants de bière et de sexe rémunéré dans l'urgence et le désespoir...



L'idée n'est pas de retranscrire ma chronique de l'année dernière à laquelle je vous renvoie pour tout le bien que je pense de ce groupe et de leur univers si unique, si sombre, transperçant, burlesque et si mélancoliquement violent et drôle, mais plutôt de tenter de déceler ce qui fait, à mon sens, la force des émotions qu'ils transmettent.

Cette force, elle ne vient pas que du choix des thèmes (les prostituées, les criminels, les marins solitaires, les désespérés, ceux que seules les drogues peuvent apaiser), elle ne vient pas que du choix des mots (le blasphème, les termes cinglants et ceux qu'on interdit aux enfants de prononcer), elle ne vient pas non plus du seul chant inimitable de Martyn Jacques à la fois profond, grave et suraigu, du souffle de son accordéon, de la mélancolie de son jeu au piano, ni des sanglots de la scie et du thérémine d'Adrian Stout, pas même des pas feutrés de sa contrebasse, ni de la virtuosité de leur géant de batteur actuel Mike Pickering.



La force scénique de The Tiger Lillies, il m'a fallu du temps pour le comprendre, repose étrangement sur leur maîtrise diabolique du suspense. C'est là que l'acoustique d'un théâtre, l'obscurité, l'immobilité des spectateurs et le silence absolu prennent tout leur sens. Retenir sa respiration. A tout prix. Ne pas cligner des yeux. Savoir avec appréhension qu'au détour de chaque note, c'est une émotion pure qui va surgir et tenter de s'y préparer sans pouvoir deviner si ce sont des rires ou des larmes qui vont jaillir.
Les silences, les sursauts, les attaques soudaines, les notes qui traînent de longues secondes durant, l'accordéon qui ne joue plus qu'un souffle d'air, comme un lent soupir terrifiant... Tout est fait pour nous tenir en haleine en permanence, à fleur de peau. C'est ce qui fait toute la magie de leurs concerts.



Cette année, l'histoire a résolument pris une tournure cabaret d'après-guerre, beaucoup plus personnelle et affirmée que l'année dernière.

Si l'on a eu droit aux splendides incontournables Living Hell, Depression, Teardrops, Desolation Song, Sweet Suicide, Johnny Head in Air, j'ai surtout été frappée par l'intensité de la reprise plus que parfaite en anglais, à la fois triste et enjouée, des Amants d'un Jour d'Edith Piaf, par les padam padam, le décalage loufoque et émouvant de My Heart belongs to Daddy.

Frappée également par la puissance sincère et intimiste du chant et l'autoflagellation libératrice de Martyn Jacques au piano, "are you possessed by Satan, Jacques?", "you're enjoying your crimes?" qui n'étaient pas sans rappeler le désespoir furieux et jusqu'au-boutiste d'un "Non Jeff t'es pas tout seul" d'un autre Jacques... Brel.



C'était aussi l'humour rigolard et provocateur d'un Syd Vicious - pourquoi pas - capable devant un public pas forcément averti (et probablement pour une bonne partie composé d'abonnés au théâtre d'un certain âge) de chanter Sailor "She licks my cock, it's kind of sad, as an actress I spose she's bad" et de simuler un long orgasme accompagné de "oh yeah!" "fuck me!" sous des applaudissements non feints pour le coup.




The Tiger Lillies sont tout... de toutes les époques, british, rock et manouche à la fois, durs et torturés et pourtant d'une infinie (infinie!) douceur.

Pas moins de deux rappels surprenants et généreux: "any request?" je crois que c'était bien la première fois que j'entendais un groupe demander ainsi à son public ce qu'il souhaitait : Bad en l'occurrence et en quinconce ("Am I Bad?" demande Martyn, "Yes He's Bad!" répond Adrian) et Russians pour le premier rappel (je ne pouvais souhaiter autre chose) et George pour le second, à la surprise du groupe, ce qui a donné lieu à des éclats de rires, Martyn Jacques n'ayant manifestement pas rejoué cette chanson depuis quelques temps et ayant quelque peu oublié tant les notes que les paroles et laissé Adrian Stout s'improviser un instant souffleur avant que tout ne remonte à la surface et ne redevienne fluide et tellement jubilatoire...



Un grand merci au Théâtre des Salins d'avoir programmé The Tiger Lillies, pour cette magnifique soirée! Un grand merci aux Tiger Lillies pour leur indéfinissable talent et leur gentillesse!

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