Chronique de Concert
The Zombies
Le Poste À Galène, Marseille 24 novembre 2015
Critique écrite le 26 novembre 2015 par Jacques 2 Chabannes
Le Retour des "Z" !
(This Will Be Their Year...)
Lorsque l'on chronique d'écrit une prestation Live des Zombies, il est plutôt conseillé de se retourner un (plus ou moins) court instant afin que d'évaluer un chouia à qui l'on a véritablement affaire, avant que d'aller plus loin pour aborder ce jouissif retour aux... affaires, des "rosbifs" susnommés.
C'est en effet en la lointaine 1961, à St. Albans/Grande Bretagne, que le duo formé de Rod Argent & Colin Blunstone, se rassemble autour de la chose musicale (comme tant et tant d'ados Anglais de cette même époque). Une paire d'années et quelques, plus loin, le quintet originaire de Hertfordshire finira par décrocher, via un concours, un deal avec le label Decca pour finalement accoucher du mythique She's Not There (repris par Vanilla Fudge, Santana,UK Subs, The Purple Helmets, Crowded House, Nick Cave & Neko Case, et... des pelletées d'autres, au fil des décennies suivantes !) On aura connu bien pire, plus long ou plus poussif, en termes de débuts dans la carrière.
Dans la foulée d'une belle main de singles et d'un album conforme en tout point aux standards de l'époque - des reprises inspirées ou revisitées de classiques cohabitant avec des compos plutôt connotées mais mélodieuses - ils finiront par toucher directement au sublime (plus vite que les Beatles, les Kinks, les Pretty Things ou les Stones !) dès leur second album, nommé Odessey & Oracle, enregistré dans un coin calme des mythiques Abbey Road Studios (comme si souvent squatté par les Fab Four, en ce début d'année 1967). Reste, que, celui-ci s'avérera également être le dernier, puisque le groupe se séparera illico presto après d'éprouvantes tournées et bien avant que celui-ci ne soit dans les bacs du pays. Un sommet de mélodies à tomber, arrangements fins et fouillés, qui, grâce à l'insistance du fameux musicien Al Kooper, finira par sortir aux Etats-Unis et peu à peu y bénéficier d'un accueil digne de sa qualité intrinsèque (sans que le groupe ne revienne néanmoins en arrière). Un album cité par nombre de magazines spécialisés et musiciens reconnus (en tant qu'influence majeure) qui sera classé au 80e rang des "500 plus grands albums de tous les temps" par Rolling Stone Magazine (2003) ; Rod Argent, quant à lui, héritant d'un Award en 2010 : le morceau Time of The Season ayant été joué six millions de fois par les radios américaines depuis la lointaine époque de sa sortie en avril 1968.
Après deux belles carrière menées en solo par le duo et une reformation en 1991 (sans relief, ni Rod Argent), le groupe reviendra aux affaires en se reformant treize années plus loin et accoucher de l'album As Far As I Can See ; puis de nouveau, quatre années plus tard, pour y interpréter l'album mythique dans son intégralité et dans l'ordre, au sein du fameux Shepherd's Bush de Londres.
Cerise sur le Cheese Cake de cette actuelle tournée, ils se sont cette fois fendus d'un album studio - malicieusement nommé Still Got That Hunger ("toujours habités de cette soif/de cette envie") - sorti récemment (octobre 2015) d'un niveau ma foi fort défendable, comparé à d'autres groupes ayant subitement décidé tout comme eux de revenir sur le devant de la scène après moult années (ou décennies) d'absence.
Préquelle
Sachant que le groupe était depuis fort longtemps séparé, lorsque j'ai pour la première fois pu jeter une oreille prime adolescente sur le mythique Odessey & Oracle, que c'était par l'entremise d'une vielle K7 déjà dupliquée moult fois - quasi impossible de trouver l'album en province à l'époque ! - et donc dénuée de tout visuel ou photos des membres du groupe (des choses proprement inimaginables pour toute personne un tant soi peu impliquée au sein du monde actuel et de son déluge d'outils technologiques précis et variés) j'ai tout simplement laissé les images venir à moi et me suis reposé longtemps sur cette galerie d'époque avant que de pouvoir enfin m'équiper d'un vinyle, puis d'un coffret CD rendant hommage à la (courte mais accomplie) carrière du groupe. O tempora ! O mores !
Séquelles
Fort de ce précepte indexé sur passé, occasion m'est (nous est) donnée de pouvoir enfin mettre des images "en vrai" sur le groupe Anglais en tournée ; des visages derrière les voix, des notes jouées et des mots derrière micros, quelques trente années plus tard, en gros...
Immédiatement, comme beaucoup de gens autour, je ferme les yeux face aux cinq renards argentés qui nous font face pour laisser mes esgourdes s'ouvrir en grand sur l'inaugural I Love You, déjà doté d'un beau solo du gars Rod sur claviers. Une fois Can't Nobody Love You envoyé d'envie, Colin (Blunstone) s'empare du micro pour annoncer que "c'est notre cinquantième année sur la route ! Pour fêter cette occasion, nous allons vous proposer un voyage au sein de ces années et albums : celui-ci a été repris par Tom Petty, nous avons pensé que le moment était venu pour nous de l'enregistrer de nouveau...". Survient alors le très emballant I Want You Back Again, qui monte en régime, quoique sali du moche "qu'est-ce qu'ils font vieux quand même, regarde le visage du chanteur, ou les bras du clavier !" proféré deux rangs derrière en catimini ; comme si cela devrait nous déranger de les regarder dans le temps des yeux, alors que l'on trouve quasi naturel de se regrouper de foule aux pieds de tant et tant de Bluesmen ou Jazzmen capable d'étirer leur vie et art sur une même durée, voire plus encore.
Étonné, Rod nous annonce que le nouvel album - dont il vont jouer plusieurs morceaux - est rentré dans le "Top 100 du Bilboard !" (une première pour eux) au cours de leur récente tournée US : qui a dit Late Comer ? Durant Moving On, impossible d'ignorer que la section rythmique formée des Rodman père et fils (Jim/basse et Steve/batterie) usine à donf et en mesure, permettant au trio restant de pouvoir se lâcher sans retenue, à l'image du solo, très court, incisif et senti, de Tom Tooney. Comme toujours dotée d'une ligne mélodique évidente, Edge Of The Rainbow ondule puis cajole nos sens en attente, ravis : l'artisanat rosbif labellisé et doré au fil du temps par les successifs Beatles, Kinks, Pretty Things, Stones, Bowie, Who, Van Morrison, Procol Harum, Bill Fay, Cat Stevens, Stranglers, XTC, Oasis, Radiohead, Blur, Badly Drawn Boy, Supergrass, Last Shadows Puppets...
"On ne sait jamais quel morceau a fait un tube, ou pas, dans telle ou telle partie du monde, au cours des années passées, mais bon, vous pourrez de toute façon facilement nous aider à chanter le refrain, vu qu'il contient près de 63 fois le même mot..." (Colin Blunstone) le mot "no !" sort alors de nos bouches en cascade : Tell Her No, un des grands standards du groupe, suivi immédiatement de l'inoubliable You Really Got A Hold On Me (Smokey Robinson) enchaîné de soul à son pendant d'époque nommé Bring It On Home To Me (Sam Cooke).
Menacé d'être exclu de l'album par leur maison de disques, qui avait peur que le court "I believe in Yesterday" qui le clôture (Yesterday/The Beatles) pose problème, le duo aura dû contacter Paul McCartney soi-même pour tenter de résoudre ce problème épineux posé par Maybe Tomorrow. Réponse du gars Macca, deux jours plus tard : "la chanson est bonne, laissez-leur faire ce qu'ils en veulent !". Basique, soit, mais juste.
Après le tragicomique Caroline Goodbye - dédié à un amour de jeunesse que l'on voit prétendument s'enfoncer dans les flots suspendu à un hélico durant L'espion Qui M'aimait (un Bond avec Roger Moore) - le quintet déclare s'attaquer à un quatuor de morceaux issus du susnommé Odessey & Oracle, sorti il y a quarante-sept années sous nos... applaudissements !
Tandis que je résiste, ma voisine laisse glisser quelques larmes durant le poignant A Rose For Emily, qui ne "récoltera pas la moindre rose, pas même pour fleurir sa tombe...", brrrrrr... Je me demande alors s'ils oseront chanter A Butchers Tale (Western Front 1914), écrite en miroir face aux massacres d'états organisés ("1ere Guerre Mondiale") en hommage aux récents et sanglants événements Parisiens.
"Quelle est la chanson qui a changé votre vie ?" : question récemment posée à Dave Grohl (batteur de feu... Nirvana) à laquelle il aura répondu "Care Of Cell 44, des Zombies !". Logique donc, qu'il ait également enregistré sa propre version de This Will Be Our Year, aux commandes de ses actuels Foo Fighters ! Quant à nous, nous aurons donc l'extrême privilège d'écouter ces deux pépites enchaînées de savoir faire, dommage qu'ils n'aient su poursuivre avec Beechwood Park et Brief Candles, afin de faire totalement basculer le lieu vers d'autres contrées où l'extase règne en maîtresse absolue et sans partage.
En lieu et place, c'est au tour de Rod Argent de s'emparer du micro pour distiller le miel du classique I Want Her She Wants Me, pas dégueu non plus, à vrai dire.
Roi des sixties, son de référence de toute une époque (et classe de musiciens) l'orgue Hammond est alors convoqué au crachoir à souvenirs, le temps d'un Time Of The Season (cinquième extrait du mythe, donc !) endiablé, qui verra le passionné Rod Argent, littéralement en surchauffe, croiser d'envie la pulpe de ses doigts (et touches d'ivoire) d'avec celles de son alter ego Tom posté à l'autre bout de la scène exigüe du Poste : une version épique, qui rappelle à tous et toutes que, outre son caractère inusable, celle-ci reste avant toute chose une formidable machine à bouger et se réjouir en rythme. Grand.
Le temps de se rendre compte que la p'tit' dernière, nommée Chasing The Past, se fond à merveille dans le décor et aurait facilement pu naître du même lit que les hits (du quintet) de l'époque, sentie et mélodieuse à la fois, v'la que Hold Your Head Up déboule pour tout enfoncer un cran plus profond. Œuvre du bassiste original (Chris White) celle-ci aurait été pensée (puis écrite) par icelui depuis la fosse d'une salle de concert, tandis que Argent et son groupe délivraient une version atypique du précédent Time Of The Season ! (un groupe dont les albums Argent et Ring Of Hands sont à redécouvrir d'urgence, pour amateurs de Prog-Rock, bien évidemment).
Logiquement, c'est au tour de She's Not There de finir le travail, pour le plus grand plaisir d'un public conquis et au plus proche de la transe, se réjouissant sans retenue d'un solo d'anthologie émanant des phalanges d'Argent de Rod (accompagné au mieux par la six cordes postée au soutien)
Sur cette dernière, comment ne pas mettre en exergue le talent d'une section rythmique au taquet, précise et fine, sèche ou ronde, selon moments, menée de doigts de maître par l'antique Jim Rodman - que le groupe aurait voulu enrôler dès ses débuts mais qui bossait déjà pour plus "gros" et qui finira par rejoindre Argent, puis les Kinks, avant de finalement rentrer au bercail pour ne plus les quitter (pour son plus grand plaisir, vu qu'il chante chaque mot, du début à la fin, sourit sans discontinuer) - soutenu par les baguettes de concours du fiston Steve, qui le suit en permanence du regard, poignets et peaux.
Le lieu en fusion ne se résolvant pas à les laisser partir, ils se fendront d'un très émouvant Summertime (repris dès leur premier album, en... on s'en tape, en fait !) avant que de saluer et s'éclipser sur un dernier sourire plissé de rides du plaisir, amplement partagé par l'ensemble des présents, jeunes pousses et fans de longue date.
Une putain de pub XXL en faveur du bien vieillir qui rassure, conforte dans l'idée que l'avenir est une chaude et rare opportunité qui se déguste pleinement, lentement, longtemps ; qui se goûte en orfèvre et se mérite, à condition, cela va de soi, qu'aucun exalté froid et bas du front, de quelque obédience ou origine que ce soit, ne vienne tout à coup interrompre ce long et scintillant fil d'Ariane musical qui aura tant guidé, tant apporté à ce monde et à notre fragile humanité, depuis l'aube de ses origines perturbées...
"Et le prêtre qui nous sermonne, depuis sa chaire / "Allez vous battre, faîtes ce qui est juste !" / Il n'a pas à entendre la déflagration des armes / Et je parie qu'il dort très bien la nuit / Mais, moi, je ne peux m'empêcher de trembler / Mes mains ne s'arrêteront pas de trembler / Mes bras ne s'arrêteront pas de trembler / Ma raison ne s'arrêtera pas de trembler / Je veux rentrer chez-moi / S'il vous plaît, laissez-moi rentrer chez-moi..." (The Zombies / A Butchers Tale (Western Front 1914) / Odessey & Oracle/ 1968).
Critique écrite le 26 novembre 2015 par Jacques 2 Chabannes
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