Chronique de Concert
Thee Oh Sees - The Soft Moon - Deap Vally - Fidlar - Carpenter Brut (Pointu Festival 2018)
Presqu'île du Gaou- Six-Fours-les-plages 7 juillet 2018
Critique écrite le 14 juillet 2018 par Phil2guy
Le Pointu Festival est en train de devenir un de ces festivals d'été réellement incontournables qui contraste avec les grosses machines habituelles aux programmations interchangeables et souvent sans réelle identité. Situé sur le magnifique site de la presqu'ile du Gaou à Six-Fours-les-Plages, il propose (gratuitement !) une affiche éclectique et exigeante (pour ne pas dire pointue) en matière d'Indie Rock au sens large et s'étale sur deux jours. Il y a une scène unique, ce qui permet au festivalier de ne pas trop s'éparpiller. Après avoir assisté la veille aux très bonnes performances de groupes aussi différents que Suuns, Sleaford Mods et Godspeed You Black Emperor (pour retenir les plus marquants), on entame ce deuxième jour pour un programme tout aussi alléchant. L'affluence est aussi importante que le premier soir, plus de 6000 personnes. Mais le site du festival est suffisamment grand pour que l'on ne se sente pas les uns sur les autres.
Deap Vally
C'est un duo féminin, Deap Vally, qui ouvre le bal par une chaleur encore torride. Ces deux jeunes Californiennes, dont l'une assure le chant et la guitare et l'autre la batterie, se sont faites remarquer en jouant, entre autres, avec Queens of the Stone Age ou dans de gros festivals comme Glastonbury. Les demoiselles ne font pas dans la dentelle : Deap Vally livre un rock garage aux accents stoner, avec des riffs de guitares bien gras, parfois empruntés à AC/DC.
Le son est énorme. La chanteuse braille telle une Joan Jett juvénile tandis que sa comparse batteuse assure une rythmique puissante et plombée. Ces deux jeunes femmes font beaucoup du bruit, les chansons sont bien torchées et leur musique est excitante et sexy, jamais lourdingue. Elles jouent avec un aplomb qui en impose véritablement. Deap Vally a tout pour devenir un combo de premier plan. La preuve, le public acquiesce largement et en redemande.
The Soft Moon
On enchaine avec une toute autre ambiance avec The Soft Moon qui débute son set bien avant la tombée de la nuit. Ce projet mené par Luis Vasquez, Californien d'origine cubaine, réactualise une musique post punk et cold wave d'une manière très personnelle. Il est accompagné ce soir de deux musiciens : un bassiste qui délaisse de temps à autres son instrument pour un synthé et un batteur percussionniste qui joue sur une batterie électronique. Le premier titre, qui commence très fort, est un instrumental principalement constitué de rythmes tribaux. Luis Vasquez cogne comme un sourd sur un bidon. Ce titre renvoie à la fois à ses racines latines mais aussi aux sonorités industrielles dont la musique de The Soft Moon est très imprégnée. La musique du groupe, très marquée aussi à la base par les sonorités électroniques, est désormais plus organique.
Vasquez chante d'une voix à la fois rugueuse et éthérée qui évoque un peu celle de Trent Reznor de Nine Inch Nails. Il joue de la guitare sur presque tous les titres et les synthétiseurs sont moins présents comme en témoigne son très recommandé dernier album, Criminal. Le son et les climats sombres et désolés des chansons, et une certaine violence latente, ne sont pas sans rappeler le Pornography de Cure. Luis Vasquez et ses acolytes bougent dans tous les sens, leur prestation est fiévreuse et habitée. L'accueil est plutôt bon et les amateurs du genre, vêtus comme il se doit de noir et qui gigotent devant la scène, sont ravis.
Fidlar
Fidlar est un groupe de garage punk californien imprégné de culture skate dans l'esprit de groupes comme Bad Religion ou NOFX, mais en plus pop. Les chansons ne sont pas mauvaises, et certaines, sympathiques, font penser un peu à celles des Buzzcocks. Le quatuor est déchainé et ne se ménage pas mais la musique de Fidlar sent un peu le réchauffé et sonne déjà trop entendue pour que l'on adhère vraiment. Bref, on s'ennuie assez vite.
Thee Oh Sees
Viennent un peu après leurs compatriotes de Thee Oh Sees qui ne vont pas usurper ce soir leur réputation qui veut qu'ils soient l'un des meilleurs groupes de scène actuellement. Depuis une bonne dizaine d'années et fort d'une discographie de plus d'une quinzaine d'albums (on ne sait plus trop), ce groupe mené par l'hyperactif chanteur guitariste John Dwyer a su constamment se renouveler dans un registre "garage psyché punk" et fait désormais autorité dans le genre. Le line-up est constitué en plus de son leader de deux batteurs et d'un bassiste. Le quatuor commence tout de suite très fort par un titre à la rythmique implacable (difficile d'identifier en concert les titres des Oh Sees tant leur répertoire est dense et leur discographie pléthorique). Les deux batteurs martèlent leurs instruments, jouent quasiment à l'identique les mêmes plans, au roulement près, ce qui rajoute en puissance. C'est une véritable débauche d'énergie et de saturation garage qui cloue tout le monde sur place. Mais la musique des Oh Sees, en dépit d'un chaos apparent, est extrêmement maîtrisée et bien en place. John Dwyer, qui porte toujours sa guitare très haut, se démène comme une dingue, il hulule comme un dément plus qu'il ne chante et semble agir ici comme un chef d'orchestre qui donne aux autres la direction à suivre.
La musique des Oh Sees s'est éloigné d'un "garage psyché" pur et dur pour évoluer vers une sorte de krautrock dans la lignée de Neu! (John D. est un fan avoué de ce groupe), surtout pour les rythmes "motorik". Le guitariste-chanteur peut s'appuyer sur cette section rythmique sur laquelle il fait hurler sa guitare noyée sous de multiples effets ; il part de temps en temps dans des solos bien acides. Les chansons s'étirent souvent et certaines parties semblent improvisées mais on ne s'ennuie jamais tant le groupe ne relâche jamais l'intensité et la puissance de son jeu. Dwyer ponctue ses titres de "mercis" polis et au bout d'une bonne heure, le set se termine, on redescend doucement, vivement impressionné par cette débauche d'électricité.
Carpenter Brut
Carpenter Brut, programmé en fin de soirée, est très attendu. Beaucoup de personnes de l'assistance sont aussi venues, semble-t-il, pour ce combo, mené par Frank.B Carpenter, un musicien venu de la scène Metal et dont la musique va fortement trancher avec l'affiche très rock de ce soir. Carpenter Brut propose donc une "synthwave" très marquée par les années 80 et les musiques de film de John Carpenter (comme le nom du groupe l'indique, donc) ou même Giorgio Moroder. Le groupe est un trio composé d'un guitariste, d'un batteur et d'un musicien au synthétiseurs (que je suppose être Frank B.Carpenter). Le synthétiseur est évidemment très présent dans la pure tradition 80's. Le son et énorme et puissant, sans doute l'héritage Metal des musiciens. La musique de Carpenter Brut est une machine à danser electro rock très efficace qui n'est pas sans rappeler par certains côtés Justice. On sent que ces gens sont aussi très imprégnés de culture "geek" : jeux vidéo, films d'horreur et tutti quanti.
Il y a quand même malgré tout certaines fautes de goût, comme cette reprise pas très heureuse du tube des 80's, "Maniac" (titre de la B.O du film "Flashdance", déjà bien pénible à la base) et le groupe abuse de ces sonorités et ces parties pompeuses de synthétiseurs qui peuvent rappeler celles que l'on pouvait entendre chez les effrayants Europe (oui, the Final Countdown). N'adhérant pas vraiment à cette démarche et à cette orgie sonore, je ne me suis pas longtemps attardé mais le public a, semble-t-il, massivement adhéré. En tout cas Carpenter Brut est en train de bel et bien cartonner, et bien au delà de la sphère des amateurs du genre, le groupe aurait reçu un accueil très enthousiaste lors du dernier Hellfest.
Cette session 2018 a donc été aussi réussie que la précédente. Cela aurait été dommage de louper une telle affiche et dans de telles conditions. Entre la gratuité, la beauté du site et la qualité de la programmation, le Pointu Festival a bel et bien confirmé son statut de festival qui compte véritablement.
Photos : Cédric Oberlin www.instagram.com/cedoberlin
Critique écrite le 14 juillet 2018 par Phil2guy
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