Chronique de Concert
Thérapie Taxi + Arthur Ely
Je me souviens très bien de la première fois que j'ai entendu le nom de Thérapie Taxi c'était le 23 septembre 2018 à la base de loisir de Moncoutour pour les 40 ans de Tom, Nichol et Jamal. Croyant halluciner en entendant les paroles de Salop(e), que beaucoup semblaient connaître, j'avais demandé qui pouvait chanter un truc pareil. Et puis quand la date de Marseille a été annoncée, j'ai été surpris lorsque Lumak m'a dit qu'il aurait aimé couvrir la date. Ma réaction a naturellement été de me demander qu'est ce qui peut pousser des gens normalement intelligents et un minimum cultivés à écouter des paroles pareilles... Cela dit, à bien y réfléchir c'est normal ce qui choquait il y encore quelques temps chez JuL est maintenant admis et il fallait bien qu'un groupe s'empare de ce créneau pour récupérer le public non-rap sur ce thème.
N'ayant pas envie de creuser la question en écoutant les clips et ainsi leur donner des vues / clics supplémentaires (ce qui explique que je n'ai toujours pas entendu le moindre morceau de JuL), j'ai donc décidé d'aller découvrir ça sur scène. Comme ça je verrai aussi de quoi est composé le public ; pas pour me moquer ou être méchant, vraiment parce que j'étais curieux de voir quel était le public cible (ou en tout cas touché). Je m'y rends donc comme un peu dans le même état d'esprit que lorsque je suis allé voir Rihanna (cf la chronique ici).
Au départ, j'avais prévu de commencer la soirée au Lollipop Music Store pour la soirée hommage aux Kinks, mais étant seul avec les 3 enfants depuis le début de la semaine lorsque j'ai été prêt à partir de la maison je me suis rendu directement à l'Espace, surtout que ce soir j'étais aussi chargé par l'Espace de couvrir la soirée en image pour eux (visiblement, ils avaient bien aimé la couverture du Lux Botté show). En arrivant, un peu moins de monde que ce que j'imaginais devant l'Espace. La date affiche complet. Je récupère mon pass (pas de limite sur le nombre de morceaux - signe d'un groupe qui a compris l'importance de l'image et de sa diffusion) qui ne me donne finalement accès qu'à la fosse (ce qui me va très bien), passe devant le stand merchandising (T-shirt 20 euros, briquet 3 euros... ) et entre dans la grande salle. En fait tout le monde est déjà à l'intérieur.
A 20 heures les lumières s'éteignent et ... Arthur Ely qui a la chance de faire leur première partie sur une petite dizaine de dates débarque. Je ne sais bien évidement pas à quoi m'attendre. Mon diagnostic ne tarde pas à tomber je note sur mon téléphone qu'on est dans la catégorie "Beau gosse prétentieux et volontairement mal fagoté" ; lorsqu'on prend des notes on fait un peu des raccourcis, c'est bien sûr un peu exagéré, mais c'est un peu l'impression qu'il donne. Il va et vient sur la scène avec plusieurs couches de vêtements pour le haut (entre veste de sport, chemise à dentelle et t-shirt basique), joue un peu de guitare, à des machines réglées très fort.
Je note "Bouillie sonore avec beaucoup trop de basse même avec des bouchons". Les gens autour de moi qui n'en ont pas pour la plupart n'ont pas l'air d'en souffrir, ah si quand même quelques-uns. Après ce qui était en fait une intro, pendant laquelle il a commencé à s'adresser au public en lui demandant s'il est chaud, il annonce le premier morceau. Si j'ai bien compris la première phrase en sera "Je me vois dans le futur on baise" et s'en suit tout un tas de rime en "èze" ... balèze, malaise, ...
Le chant est souvent plus rapé / slamé que chanté et quand il ne chante pas il se la joue un peu guitare-hero mais sans que ça soit vraiment impressionnant ni que ça sonne, en tout cas ça passe bien en dessous des machines (en ça sa me rappelle un peu le reproche que je faisais à Nasser ou Husbands). Quand les morceaux s'arrêtent, ouf ! quel soulagement, ça fait du bien. Le public dans sa majorité me parait assez indulgent, en tout cas on va dire qu'il ne réagit pas comme moi qui suis en plus un peu agacé par le personnage.
Au niveau des textes (car là je parlais surtout de la musique voire du son) je le trouve plutôt honnête avec son ego trip permanent assumé comme sur A raison ou à tort où il explique qu'il "il faut que j'écrive une putain de chanson, il faut que cette fille en perde la raison" ... et un peu plus loin "j'ai laissé ma modestie à la maison" ... "maintenant je fais ça pour la thune mais au début c'était une passion"... Faute avouée à moitié pardonnée ? Les morceaux suivants tourneront autour des mêmes thèmes : lui qui veut être sur le devant de la scène, en fait lui qui semble faire sa psychanalyse en public. Une sorte de mise à nue derrière des attitudes cools et un gros beat, des mouvements amples, des doigts levés (le pousse et le petit doigt genre je téléphone) comme pour masquer la gêne que de tels propos pourraient générer.
Il commence à faire chanter le public "je dis Ar-thur vous dites Elyyyyy". A peine le public a commencé que le morceau est fini. Qu'il s'accompagne à la guitare ou pas de change pas grand-chose étant donné que ‘l'essentiel est sur les machines. Le dernier homme (qu'il sera lorsque nous serons tous morts et que ce ne sera pas plus mal et que les muses feront la queue pour l'écouter chanter), puis A la vie à la mort sur lequel il prend le temps d'appuyer sur certains mots lentement pour leur donner plus de sens ... Une partie du public est sur facebook depuis un moment mais encore une fois une bonne partie semble avoir été touché par cette forme de nombrilisme ultradéveloppé que je pensais réservé à la sphère du numérique. D'un autre côté c'est idiot ce que je dis, les chanteurs n'ont-ils jamais chanté autre que chose qu'eux même ?
Après une bonne demi-heure de changement de set pendant lequel certains iront acheter à boire ; moi je resterai calé devant à gauche. Autour de moi public assez féminin, jeune mais pas que ; certains sont venus entre potes, d'autres en famille (parents, filles) ce qui me fera cogiter à l'écoute des textes des morceaux qui suivront. Je suis à la fois interloqué et touché par ce niveau de complicité intergénérationnel, même si ni je m'imagine, ni ne pense avoir envie de danser un jour avec ma mère ou ma fille sur des chansons qui parle explicitement de masturbation ou de filles qui se font prendre par des mecs qui ne les font pas mouiller.
Sur scène sont arrivés un guitariste (à gauche), un batteur (à droite) et un gars aux machines ou à la basse (au fond). Puis elle fera son entrée, un peu avant lui. Elle et lui, car si sur les affiches ils sont 3, le blond décoloré sur la droite ne semble plus faire partie de l'aventure et le groupe est véritablement mené par elle et lui. Impossible de vous dire par quel morceau ils ont commencé puisque je ne les connais pas et n'ai pas réussi à photographier la setlist.
J'ai noté qu'assez tôt dans le concert il lâchera un elle est "Très joli cette petite salle" ce qui donne une idée de type de lieux dans lequel ils ont déjà l'habitude de jouer. Il fera aussi allusion que le batteur et lui sont du sud. La preuve un peu plus tard dans le show il nous présentera sa maman (qui a visiblement assisté à tout le concert depuis la console son et lumières). Un concert presque à la maison et le premier à Marseille donc.
"On compte sur vous pour nous dépuceler salement !". Et effectivement les textes sont crus, parlent de sexe, d'alcool, de changer de partenaire, d'amour qui n'est plus là, de masturbation, de soirée, de drogue ... Beaucoup des thèmes abordés et la façon dont ils le sont ne passent que parce qu'ils sont deux et de sexes opposés. Si elle est un peu froide, sinon en tout cas distante, lui en revanche est vraiment proche du public.
Je ne fais pas allusion au fait qu'il enverra des bouteilles de rhum coca dans le public, qu'il y descendra pour faire boire les gens au goulot (et là non plus pas de l'eau), qu'il finira torse poil ou qu'il embrassera quelqu'un au premier rang, non je parle de sa façon de communiquer avec le public. Il y a quelque chose chez lui d'innocent (je sais avec les textes ça peut paraître étrange) en tout cas sans filtres qui le rend (et donc les rend) terriblement attachant.
A mesure que le concert avance j'essaie d'analyser pourquoi moi qui écoute beaucoup de choses depuis plus de 20 ans et notamment du rock ("Sex and drugs and rock n roll") j'étais choqué ou énervé par leurs textes pourquoi là plus ça va moins je ne le suis. Peut-être était-ce à cause du côté cru et trop direct des textes (fini le temps de métaphore et des allusions, ici on parle de sucer des bites ou des queues, on parle de chatte, de rail de coke ...)
Mais en contrepartie, comme chez Arthur Ely finalement, il y a une forme d'intimité exacerbée par l'habitude de s'exprimer ou voir des gens le faire sur les réseaux sociaux. Et finalement de leurs chansons ne se dégage absolument rien de sexuel, contrairement à la plupart des concerts de rock n' roll. Non, sur scène on a deux gentils animateurs sympathiques en super forme physique qui pendant plus d'une heure ne vont pas arrêter de sauter, danser gesticuler pour nous amener à faire de même.
Pour tenir un show comme le leur il faut d'ailleurs être en parfaite condition physique. Car oui j'ai très peu parlé de musique jusqu'à présent. Et bien musicalement c'est hyper dansant et hyper efficace. Des sons un peu dates (80-90s) remis au gout du jour qui par moment m'évoquent un mélange entre Indochine / Louise Attaque et Ultra Orange avec un petit quelque chose à la Katerine (peut être justement le côté hyper attachant dont je parlais plus haut).
Le set est très bien construit et mené, les chorégraphies plus carrées que celles de rappeurs, il se passe des choses régulièrement : en plus des interactions avec le public déjà mentionnées plus haut il feront monter un gars pour chanter ce qui l'est d'ordinaire par Radio Elvis ou 2 personnes à la fin pour les aider à arroser le public avec de l'eau, il y aura ce moment où sur une chanson calme il allume un briquet (sur le coup je me dis "signe de reconnaissance des fumeurs ?" et puis non je me souviens qu'ils en vendent au merchandising ... malin !).
J'ai beau n'avoir écouté qu'un morceau d'eux, le fameux Salop(e) qu'ils feront vers la fin, je ne me suis pas ennuyé et j'ai pu constater qu'ils avaient déjà plusieurs des tubes du coup ça aide... Grosse chaleur dans la salle (je regrette de ne pas avoir enlevé ma polaire) ... et je ne suis pas le seul à avoir chaud si j'en juge par l'odeur à certains moments (j'ai d'ailleurs longtemps cru que c'était moi, mais j'ai pu constater avec soulagement lorsque je me suis rendu au JAM juste après pour le concert de Sandro Zerafa Quartet que l'odeur ne m'avait pas suivi)
Grosse chaleur et ambiance vraiment bon enfant. En effet rarement assisté à un concert complet comme ça où il était quand même possible de circuler un peu et où les gens ne se battent pas pour être collés devant. Bref, des fans mais qui n'ont pas forcément l'habitude d'aller à beaucoup de concerts. Ou alors des fans gentils et bienveillants comme le groupe qu'ils écoutent au final.
Groupe qui finira son set par une chanson qui parle de se faire des "bisous tendres" et qui quitte la scène en parlant d'amour ... J'étais venu sur la défensive, je repartirai finalement presque conquis et rassuré sur le fait que je ne suis pas totalement hermétique à ce qui touche les jeunes de maintenant (j'avais tellement détesté Odezenne par exemple). En sortant pour une fois je croiseraient pas mal de personne de mon boulot (du jour) ce qui ne m'arrive quasiment jamais (en dehors de Marsatac ou la Fiesta), preuve de la popularité de ce groupe dont le prochain passage est déjà prévu au Silo en mars dans le cadre du Festival Avec le Temps.
Après avoir un peu trainé dans le hall entre le merchandising et le vestiaire (tous les deux pris d'assaut), histoire de sécher et de ne pas attraper la mort dehors, je n'irai pas bien loin puisque je me rendrai une rue derrière au JAM (qui a finalement eu le droit de continuer à faire des concerts) pour découvrir le fameux Sandro Zerafa Quartet (suite de la soirée à lire par ici)
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Critique écrite le 16 décembre 2018 par pirlouiiiit
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