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Chronique de Concert

The Wedding Present

Cartonnerie, Reims 3 novembre 2007

Critique écrite le par

Deux autres groupes ont joué. Kim Novak et Rhesus. Je n'étais pas encore là. Je travaillais. Je filmais du hand-ball. Des filles puis des garçons. Deux victoires le même soir. Un truc très rare en Champagne Ardenne, où les performances des sports collectifs sont à l'image de l'économie et de la démographie locale.
Je n'ai vus ni Kim Novak, ni Rhesus, mais je suis bien content qu'ils aient joué. The Wedding Present a dû attendre 23h avant de monter sur scène ce qui était compatible avec mes deux matches de hand-ball.
J'aurais été bien malheureux de les rater.
C'est l'un de mes tous premiers concerts. En 1994. Saint Germain en Laye. Dans une salle qui s'appelait La Clé. Pour l'album Watusi. J'y étais allé avec Jean-Luc. Jean-Luc habitait dans un immeuble en face de chez moi. Il surplombait ma maison et ma chambre. Il avait remarqué que régulièrement, le soir venu, je sautais dans tous les sens. Et moi, tous les samedis, j'étais bien placé, depuis ma fenêtre, pour le voir, en costume, attaché case, suivre son père, sa mère et sa soeur, aller faire un peu de prosélytisme. Jean-Luc était Témoin de Jéhovah. Il n'en était pas malheureux. Il y a des chances qu'il le soit encore. Pas malheureux et Témoin de Jéhovah. C'était un très gentil garçon. Jean-Luc était aussi fan de Joy Division et de The Cure. Il m'a fait découvrir The Smiths et moi, un jour, je lui ai porté le volume 2 d'Hit Parade. Un cd blanc. Le premier est noir. En 1992, The Wedding Present avait sorti un single pour chaque mois, une composition originale en face A, une reprise en face B. Le groupe avait pas mal de fans en Angleterre et ainsi, tout au long de l'année, il était resté dans le Top 40, grâce à la sortie successive des douze 45 tours (réunis par la suite en deux cds compilatoires Hit Parade 1 et 2). Quelques uns de ces singles, Flying Saucer, Boing, Loveslave, Silver Shorts, me reviennent régulièrement entre les lèvres, en sifflotis et hurlements étranglés.



Ces disques ont aussi décoré le mur de mon salon pendant une année. Après que j'ai pu faire l'acquisition du lot complet pour une coquette somme grâce à internet. Chaque couverture porte un chiffre correspondant au mois de l'année de sa sortie. De 1 à 12. Du plus bel effet.
Ce n'est pas simple fantaisie de collectionneur. The Wedding Present est un groupe fondamental dans mon parcours de mélomane. Avec la Mano Negra, Midnight Oil, Cure, Joy Division, Pixies, il appartient à la toute première couche de groupes que j'ai aimés, avant Sonic Youth, avant Sebadoh, avant même Guided by Voices, The Fall et Fugazi. Et à l'époque, David Gedge, son leader, n'était rien d'autre à mes yeux qu'un grand homme. Je ne me suis jamais considéré comme un fan. Je ne m'amusais pas à collectionner les photos de ces types. Peu m'importait ce qu'ils pensaient du monde ou qui et comment ils baisaient. Tout au plus, je passais le temps des cours à recopier les titres de leurs chansons dans les marges de mes cahiers. Leurs chansons faisaient partie de moi, c'était déjà assez.
Mais enfin... quand, dans les toilettes de La clé, juste avant le début du concert, je reconnus David Gedge dans le type qui venait de se placer à côté de moi, pour uriner. Je fus saisi d'un drôle de sentiment. Quoi ? C'est lui le type qui a composé Dalliance ? Ce bienfaiteur de l'humanité, de mon humanité. C'est bien lui ? Et il fait pipi comme moi.
David Bowie, Mick Jagger, n'était alors rien pour moi, mais imaginez la même scène avec eux ou Thurston Moore, ou Chan Marshall...

Un choc. Un sacré choc.

1994-2007



Je n'ai jamais recroisé la route de David Gedge dans l'intervalle. Sinon sur disques. Son talent pour composer des mélodies accrocheuses s'est un peu tari. Oh rien de grave. Les chansons, toujours plaisantes, rythmées, sont moins mémorables. Après Saturnalia, en 1996, David Gedge a lancé un nouveau groupe, Cinérama, dans lequel jouait sa compagne, Sally Murrel. Il y eut trois albums. Avec moins de guitares et des arrangements plus complexes, des claviers, des cordes, des chœurs féminins. Le couple finit par se séparer. Le Cinérama fut fermé. David Gedge quitta Leeds, son Angleterre, pour l'Amérique et Seattle. Là-bas, il réactiva The Wedding Present, avec les musiciens restants du Cinérama. Un nouvel album, Take Fountain, en 2005, et des concerts.

On y arrive.

Ma madeleine qui sentait l'urine ne m'a pas déçu. Ce fut un concert idéal pour le vieux "fan" que je suis. La setlist s'est partagée en trois parties. Une volée de titres en guise d'introduction apéritive, un lapin, Georges Best, et quatre derniers titres pour assurer la digestion. Pas de rappel, suivant l'usage du groupe.

Reprenons plus en détail.

Cela commence avec l'arrivée d'un batteur, un premier rythme, plutôt lent, une bassiste, un guitariste, ah je connais cet air, je connais cet air... Blonde de l'album Seamonsters(1991), David Gedge, est le dernier à se présenter devant nous, pour donner de la voix et de la saturation. Seamonsters est une merveille d'album tourmenté, une exception dans une discographie assez bruyante, mais plutôt gaie.
La spécialité de David Gedge, le son du Wedding Present, c'est une manière de jouer frénétiquement de la guitare, en grattant les cordes par saccades. Ca doit faire mal au poignet, en tout cas, ça ne fait pas du bien aux cordes. A la fin de chaque chanson, pratiquement, une accorte guitar-tech, vient lui tendre un nouvel instrument, fraichement cordé.
The Wedding Present, c'est aussi la voix de Gedge. Très particulière. Ni aigue, ni grave, étouffée comme s'il avait une déformation de la gorge.
Après Blonde, il y eut Brassneck(Bizarro, 1989). L'un des morceaux que j'attendais. Il s'agit d'une lettre de rupture, ou d'après la rupture. En lisant, les paroles, on croirait un texte de Ian Curtis (quoique beaucoup plus explicite).

No, I sent you that letter
To ask you if the end was worth the means
Was there really no in between ?
And I still don't feel better
I just wondered if it could be like before
And I think you just made me sure !
But then that's typically you
And I might have been a bit rude
But I wrote it in a bad mood
I'm not being funny with you
But it's hard to be enganging
When the things you love keep changing

Brassneck
Brassneck
I just decide i don't trust you anymore
I just decide i don't trust you anymore


Musicalement, c'est à des années lumières de Joy Division. C'est nerveux, enjoué, ça donne envie de sauter sur place. Ce qu'ont fait d'ailleurs les plus jeunes d'entre nous. Peut-être pas dès ce morceau précisément. Mais, et ça m'a fait vraiment plaisir de le constater à nouveau, la musique du Wedding Present a de très directes vertus euphorisantes. Pas besoin de connaître leurs disques, ni même une seule chanson, il suffit de se laisser porter par les trépidations de la guitare de Gedge.
Et... quand même, il y a eu l'effet lapin. Etait-ce à la fin de Yeah, yeah, yeah ou bien d'une nouvelle chanson ? Un lapin géant fait son apparition sur scène. Une peluche géante et blanche, avec deux grandes oreilles, s'avance au milieu de la scène, juste derrière Gedge. Le lapin porte des cartons dans ses mains. Sur les cartons, des chiffres. 6, et 5, et 4, c'est un compte à rebours, 3, 2, 1, et là le dernier carton, Georges Best !



Georges Best est un très célèbre footballeur anglais. Manchester United lui doit sa victoire en Ligue des champions en 1968, la presse britannique, des tonnes de ragots jusqu'à sa mort en 2005, et The Wedding Present, le titre de leur premier album. En 1987.
C'est le vingtième anniversaire. Et pour fêter ça, le groupe joue l'intégralité du disque, dans l'ordre. Ils ont même monté une tournée tout exprès. Diantre. Je n'étais pas au courant. Tournée dont Reims est l'un des arrêts.
Bon, Georges Best n'est pas mon album préféré. Moi, ce serait plutôt Seamonsters ou Watusi ou encore Bizarro. L'idée de rejouer un album dans son intégralité, n'est pas non plus nouvelle. Le festival anglais All Tomorrow's Parties s'en est fait une spécialité. Slint, Dinosaur Jr, The Melvins, Sonic Youth, The Stooges se sont déjà pliés à l'exercice en rejouant bien des années plus tard, un album devenu culte.
Sauf que là, je ne m'y attendais pas. Ce fut une surprise désarmante, à l'image de ce grand lapin blanc. Surprise bonifiée, sublimée par l'image de ces plus jeunes que moi sautant sur ces chansonnettes punkys.
Et ce n'est pas tout, après avoir expédié l'album à bonne cadence, The Wedding Present conclue la soirée par une nouvelle salve de titres du reste de sa discographie, dont Perfect blue, une ballade de Take Fountain, Kennedy, un classique, oui merci, et..., et... Flying Saucer l'une de ses chansons qui a le pouvoir de me coller un grand sourire béat.
Flying Saucer, l'un des singles de 1992. Avec une intro bourdonnante. Ce groupe a le chic pour fignoler ces chansons du début à la fin.

She waited there just like she said she would
But it was all too much when she said she loved me
I felt right there and then as if I could
Reach out and touch the stars above me

And I surrender
I can't forget her
I still remember
Every word she saiiiiiid

And I want her
She kind of launched a flying saucer
Right inside my heaaaad


J'y repense... je me faisais vraiment chier en 1992. Le lycée. Un professeur de physique totalement cintré. La physique, coefficient 5 au bac. Aucune she dans mon entourage. Comment j'ai pu m'accrocher à ces chansons...
Et comme un bonheur n'arrive jamais seul, je viens de découvrir que Sebadoh va rejouer Bubble and Scrape, le 7 mai prochain à Londres. Sebadoh : the fire, the wind, the heartbeat. J'y serai.

 Critique écrite le 05 novembre 2007 par Bertrand Lasseguette


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