Chronique de Concert
Tracy Chapman
L'ouverture des portes était prévue à 20h30 et à cette heure là, quelques 300 à 500 personnes s'agglutinaient déjà devant les 3 pauvres portes fièrement gardées par le personnel de sécurité. Après une bonne demie d'attente dans le froid, nous parvenons enfin à pénétrer à l'intérieur de l'enceinte. Nous prenons place sur les dernières mesures d'un morceau fabuleux de deux purs rastas, uniquement accompagnés par leur guitare folk. Malheureusement, ce morceau était le tout dernier de cette première partie. Pas moyen de savoir de qui il s'agissait ni si tout était aussi bien que le morceau de sortie.
Toujours est-il qu'il faut patienter encore 20 bonnes minutes avant "la révélation". Cela peut paraître exagéré mais il est très difficile de décrire ce qu'on peut ressentir quand on découvre pour la première fois sur scène quelqu'un qui nous berce par ces mélodies à la fois simples et angéliques, depuis plus de dix ans. Peut-être savez ce que c'est de passer plus d'une heure et demie avec tous les poils du corps hérissé simultanément, moi je le sais car c'est à peu de choses près ce qui s'est produit pour ma moitié et moi durant ce spectacle.
Celui débute tout tranquillement dans la pénombre, avec In the Dark un titre (extrait du dernier album Let it rain) très planant par ses sonorités trip hop notamment au niveau de la voix filtrée par le vocodeur. Puis la lumière se fait verte pour Across the lines, un des nombreux tubes (j'ai un mépris absolu pour ce terme) de cette artiste splendide, rouge pour Say halleluyah et bleue pour Can I hold you tonight, un autre "hit" (ce terme est peut-être encore pire que l'autre). Tracy se décoince petit à petit devant le magnifique accueil réservé par un public marseillais rarement aussi bon et éclectique, et elle commence à communiquer, nous dit qu'elle est très heureuse de débuter sa tournée européenne à Marseille alias "the capital of the world... better than Paris, better than Lyon" comme elle dit.(là, il va de soit qu'elle en rajoute mais l'audience est ravie, comblée et survoltée).
Elle enchaîne ensuite sur Subcities non sans avoir rappeler sa position sur la guerre en Irak (du bon côté, bien entendu). Les musiciens s'éclipsent le temps d'un Behind the wall a capela d'une beauté absolument indéfinissable. Après le retour des excellents musiciens qui l'accompagnent [l'incontournable Joe Gore à la guitare électrique et électro-acoustique plein de jolis petits soli discrets et harmonieux, un dénommé Butch, il me semble, impressionnant derrière ses percussions avec ses gros bras de catcheur, un bassiste/contre-bassiste( toujours le plus bel instrument de l'histoire du monde à mon goût ) merveilleux, une choriste (Kate Adams, je crois) une peu en sourdine malheureusement, un très bon batteur et un homme à tout faire tour à tour à l'orgue, à l'accordéon, à la guitare et au piano], c'est I will come for you, Hard wired (une nouvelle et assurément l'une des plus belles et des plus abouties, avec ses changements de rythme et cette mélodie entêtante) et Fast Car.
Le concert est déjà bien lancé et il prend une ampleur encore plus magistrale lorsque la lumière devient bleue océan puis des mers du sud et que retentissent les premières notes de You're the one, le "single" (encore un terme capitalistique de merde) extrait du denier opus. A ce moment là, tout le monde se lève pour se mettre à danser et personne ne se rassiéra plus jusqu'à la fin et c'est déjà l'euphorie, la liesse quand arrive la cerise sur le gâteau (que dis-je la pièce montée) à savoir le mythique, cultissime Talking'bout a revolution. La première partie se termine sur She's got her ticket dans une version très blues-rock avec un très bon passage reggae, Telling stories interprétée d'une manière très rock et Give me reason to stay here, and I turn my back around (dont je ne me souviens plus le titre comme vous pouvez le constater) également très rock, blues et reggae pour conclure et rallongé d'au moins dix bonnes minutes pour l'occasion.
Après 5 longues minutes de "ohohohoho, ohohohoho...", "Tracy, poum poum poum, Tracy, poum poum poum..." et autres, la formation au complet est enfin de retour avec le public toujours inéluctablement debout, enflammé et totalement conquis jusqu'à la moëlle. Je ne me souviens plus du premier morceau du rappel, une chose est sûre : le bouquet final est Get up, Stand up de l'irremplaçable Bob Marley. Et à vrai dire, quand j'ai entendu cette interprétation de ce morceau d'anthologie, je me suis dit que l'on avait longtemps cherché un successeur au grand Bob sans jamais le trouver (mis à part son compère Peter Tosh) car personne n'avait regarder au bon endroit. Je pense en effet que plus que Lauryn Hill, Tracy Chapman est la digne héritière de son aîné jamaïcain à la différence près que les concerts de ce dernier ne coûtaient pas 300 balles et duraient souvent bien plus d'1h45 et 16 morceaux (seuls points noirs de la soirée).
En fait, s'il avait duré une bonne demie heure de plus voire une heure, ce concert aurait sans doute été le meilleur de toute ma courte existence. Or, ce n'était pas le cas mais il atteind tout de même les portes du podium. Merci à Tracy Chapman, à ses musiciens ainsi qu'au public, exceptionnellement bon et connaisseur.
A noter que le son du Dôme était pour une fois quasi irréprochable. Reste à espérer que ça continue comme ça.
P.S : un autre bonne nouvelle pour l'acoustique du Dôme, Jean-Pascal de mes couilles a annulé son semblant de concert faute de pré-ventes suffisantes. Ca, c'est une bonne nouvelle !!!
Critique écrite le 11 février 2003 par Ed Dazuntski
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