Chronique de Concert
TTC
Tout commence un peu après l'heure officielle (une habitude parisienne), laissant le temps de voir un public (plus jeune que pressenti) à deux tiers de dominantes masculine attendre paisiblement l'ouverture de la salle, tout en répondant à quelques sondages ici ou là, qui font penser qu'après tout, même les programmations alternatives ont bien le droit d'essayer de se structurer un peu dans la capitale.
C'est encore (pour l'instant) le type de concert où une notoriété encore relative du groupe permet à ses membres d'évoluer tranquillement dans le public, de se mêler au mix electro en première partie sans déclencher de réaction particulière, libérés du syndrome "TaVuSaTeteAlaTélé".
Tout commence donc par une phase DJ, qui mélangera pêle-mêle electro-clash, break-beat, dub, electro-pop et autres... Il y aura même (regrettablement à mon sens) un set de dance daubesque typique des dancefloors 90's (peut-être pour savoir si la conscience du public était éveillée ?). Bref... ils sont donc 4 à se relayer aux platines, glissant ça et là quelques remixes ès-TTC dans les playlists. En ce qui me concerne, je mise sur DJ Orgasmic (qui oeuvre depuis un moment déjà), et la découverte de Tekilatex (l'un des TTC) aux platines, qui balancera quelques sets du meilleur effet ! Un résultat au global plutôt sympa, car bien éloigné de l'archétype des mixes électros qu'on entend un peu partout actuellement. Certes, un peu condensé (certainement par manque de temps), mais il y a clairement des pistes fraîches explorées dans le style et le choix de tracks qui ne demandent qu'à s'étendre sur plus de temps pour toucher enfin un peu de fraîcheur dans un panorama electro actuel bien trop lisse...
Phase suivante, et c'est du plaisir, deux court-métrages qui rappellent l'âge d'or du rock alternatif en France ; on trouvait à l'époque ça et là ce genre d'initiatives dans les festivals dignes de ce nom. Là, en lieu et place des psychédéliques délires de plasticiens, se colle visuellement le décor d'une banlieue, balançant sur ses codes médiatiques et la jeunesse locale pour livrer la machine à une folie grimpante. Ca s'emballe - rapido - pour y accoupler le non-sens et l'extrapolation sous acides et muter en crise de rire : le public parisien à tendances (devenir ?) apathique se débride enfin !
Au passage, à la question "mais que se passe-t-il donc en banlieue ? hein ?" - si chère à nos journalistes et théoriciens bobos en manque de sensations à contre-courant - la réponse arrive peut-être enfin : "tout ce qui ne se passe plus" dans le confort de l'addiction du SMS-mail-loungy raffarinée ; la créa que le rock n'insuffle plus dans les salles de concerts, le dadaïsme que la techno des majors et autres labels d'Ibiza ont tué dans leurs prods à la chaîne bien trop commerciales pour être vivantes et consistantes. Comble de l'ironie, c'est de cet écran, et servis sur le mode "Pizza Hut" que les TTC entameront leur live, comme quoi on peut encore mixer du son, de l'image, et la réalité vraie pour nous surprendre dans une soirée : bravissimo aux TTC, qui mettent un soin particulier à éviter les "cuts" au niveau des transitions entre tous les intervenants sur scène ce soir là.
Voilà donc le plat de résistance, et je ne peux retenir une petite déception - péché de gourmandise un peu trop prématuré par rapport à l'ancienneté du groupe - on se retrouve en face d'une configuration hip hop type, à savoir un DJ et trois chanteurs. S'il y a quelque chose qui mériterait d'être approfondi, à mon humble avis, c'est un passage du mix au "pur" live dans le soutien musical, tant les tortures musicales de TTC sont intéressantes, riches et différentes. Le coté "bandes son" est certes le gage de l'efficacité (et il aura fallu "lutter" avec les responsables de la salle pour obtenir le volume nécessaire), mais je ne peux qu'imaginer toute l'ampleur supplémentaire qu'aurait un concert de ce type si le son était produit en direct... (façon Thomas D, qu'on attend toujours et encore à Paris).
Devant DJ Orgasmic, ès-"découpeur de fils de pute comme un chich-kebab", on trouve les trois TTC. Tido Berman, avec un faux air de Ben Harper, qu'on imagine tenir la tendance la plus littéraire des trois est relativement le moins expansif, mais pas le dernier à prendre du plaisir sur scène. Cuizinier, le plus hip hop des trois, s'agite dans une sortie de désert où il fait chaud, superposant un maillot de basket sur le reste de ses fringues, son tee-shirt sur la tête pour se protéger du soleil nocturne, naviguant en bonhomme un peu désarticulé et affichant une attitude déconnante, un peu destroy mais assez désabusée au finish. Enfin, Teki Latex dont physique rappelle François Hadji-Lazaro possède un flow impressionnant, qui enlève chaque composition du TTC comme une épice ultra-forte, de quoi scotcher sur place n'importe quel adepte de rap ultra-chiant en la matière : ce type a de l'avenir, ce type a de l'avenir devant lui.
Et là, comme sur disque, les lyrics sont autant de pépites d'intelligence, de confrontations de mots donnant naissance à du sens et du non-sens plein de sens, ça délire de tout coté en bonne proximité sur les planches, et on touche du doigt des choses qu'on n'avait plus rencontré depuis, par exemple, certains moments de la Mano Negra. On sent bien qu'on n'en est qu'au tout début, mais pourvu que ça dure, que ça chemine, car tout laisse à penser qu'il y a là un vrai potentiel, quelque chose qui peut prendre une ampleur qu'on espère et qu'on attendra dans les années à venir.
Pour se faire plaisir, les TTC auront amené avec eux quelques guests (dont "La Caution"), qui auront certainement parlé aux amateurs du genre, peut-être un peu moins à ceux qui aiment surtout cette spécificité qui fait de TTC un groupe hors-norme dans l'hexagone actuellement.
Bref, pour conclure, il y a là quatre étoiles en guise de notation "Concerts & Co", et si cinq étoile eussent été possibles... il y en aurait eu quatre quand même ;o) , car tout ceci ne demande qu'à grandir encore. Un bon moment en tout cas, à tarif alternatif (et ça, c'est aussi appréciable), pour jeter un oeil et découvrir un groupe qui a, je le crois, potentiellement quelque chose à faire, dire et amener à la scène musicale dans les années à venir !
Critique écrite le 13 mars 2003 par Rotten
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