Chronique de Concert
Vibrion
L'obscurité nous enveloppe peu à peu, le silence se fait dans la salle et nous pénétrons dans une autre sphère...par les " Fusées " sonores, vocales, psalmodiées de Vibrion.
L'univers du groupe s'offre à nous avec une générosité tourbillonnante. Car l'univers est dense, stratifié et " vibrionnant de mille étoiles " : il mène à l'émerveillement, de celui, précieux et rare, qui ouvre le cœur, l'explose et l'explore dans les rets de sa toile à relief. Univers à étages ? Oui, d'abord, celui de la scène, simple, humaine, chaleureuse tant chacun des musiciens habite, vit son instrument, son rythme, sa voix, ses mots. Le son, à l'Affranchi, ce soir-là, est particulièrement profond. Les lumières, contrastées, jouant des ombres, concourent à l'atmosphère de plus en plus " en allée " de ces véritables " comètes ". L'air se charge d'électrons poétiques, intenses, qui électrisent de l'épiderme à l'âme endolorie ou endormie de chacun d'entre nous. Le public s'ouvre, s'approche, se resserre au fur et à mesure que les morceaux redéfinissent l'espace, notre espace, nos espaces fracturés. Car c'est cela, le deuxième étage, la puissance qui sourd de ce mélange de mélodies, de samplers, de sons détaillés, de textes magnifiques, magnifiquement rendus vivant par Frédéric Nevcherhilian, le " chanteur "(l'appellation mériterait, ici, une rectification : slamer ? troubadour moderne ? enchanteur ?) mais aussi par Eric Cartier, à la voix, lui aussi, slamer envoûtant et parolier du superbe morceau " La cage ".Mais la puissance des textes prend toute son ampleur avec la musique aux arrangements subtils et bouclés de Christophe Isselé, guitariste -elfe, habité lui aussi d'une magie vibratoire. L'électronique donne le champs de profondeur aux instruments : la basse, la contrebasse (par ailleurs objets qui méritent à eux seuls la contemplation, tant leur forme et leur matière sont étonnantes), de Stéphane Paulin, assurent à l'ensemble la pulsation vascularisant l'organisme musical.
Chaque morceau est une aventure à part entière, de " Fresque " à " Fusées ", en passant par " Large " et " L'amérique ", le voyage est varié et pourtant toujours inspiré, transportant.
C'est sur scène que Vibrion révèle toute sa force. L'album éponyme, produit maison , surprend par son aspect accompli, travaillé, mais l'univers du groupe s'épanouit dans la performance : car c'est à une réelle expérience que nous mène chacun de ses membres, transpirant le bonheur et l'extase, communiquant un appel à la vie, la mer, la liberté, enfin... Toute la poésie est là : dans la communion des mots scandés... C'est finalement à un véritable retours aux origines du poétique que Vibrion nous convie : l'alliance de la magie des mots, de leur pouvoir politique autant qu' esthétique, de la musique et de la Présence, humaine.
On ne peut que les remercier, tous, de l'émotion, de l'enchantement, de l'appel d'air...
Critique écrite le 07 juin 2004 par Delphine
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