Chronique de Concert
Wilco
Ce n'est pas bien compliqué. L'essentiel est de leur faire rencontrer Jim O' Rourke, le bisounours de l'underground. De la distorsion, une pincée de Can, et voilà les chansons simples et accrocheuses de Wilco devenues, parait-il, des monuments d'inventivité sur leur cinquième et dernier album A ghost is born, sorti l'année dernière. Ensuite, au niveau de la communication, insister sur les dissensions internes qui ont accompagné la mutation musicale, la méchanceté d'une maison de disque frileuse et surtout n'oubliez pas d'évoquer les états dépressifs du chanteur, ça, ça vous pose toujours un artiste, même en 2005, année où la dépression n'a pas fini de faire de nouveaux adeptes parmi les moins que rien. Alléché par cette réputation et par un disque que j'écoute et réécoute, sans trop savoir pourquoi, j'étais curieux de voir à quoi ressemble Wilco en concert.
Sur scène, ils sont six, souriants, et le chanteur, Jeff Tweedy, est sympa lui aussi. Ils ouvrent leur concert avec Muzzle of bees, une chanson douce avec de la mandoline. Derrière eux sont projetés des images d'abeille, en relation avec le thème des paroles. Le son n'est pas à la hauteur de la finesse des arrangements en studio. Chaque instrument est noyé par le bruit commun. Je me demande si les musiciens ne sont pas aussi en cause, s'ils ne sont pas un peu patauds dans leur interprétation. At least that's what she said, est ainsi beaucoup moins lumineux que sur A ghost is born. Ce morceau construit autour d'une cassure martelée au piano et d'un solo de guitare incendiaire est emblématique de la métamorphose de Wilco. On quitte ici les limites de la chansonnette pop pour rejoindre la quête d'un ailleurs musical. Jeff Tweedy abandonne un moment son micro, ses couplets et ses refrains pour laisser l'électricité s'exprimer sous ses doigts. Ce titre n'est cependant qu'une parenthèse aussitôt refermée. Le répertoire de Wilco est encore constitué essentiellement de pop-songs : Hell is Chrome, Hummingbird, I am trying to break your heart, Jesus etc, A shot in the arm, War on war. Des chansons faciles, dans la veine de celles de Coldplay. Non qu'elles aient été écrites par-dessus la jambe, mais il s'agit de mélodies très accessibles que le chanteur s'amuse à faire reprendre en chur par le public. Et il faut reconnaître à Tweedy un vrai talent pour composer des chansons, qui sans payer de mine, s'insinuent malgré tout entre nos oreilles. Quelques unes de ses chansons se terminent à l'Elysée-Montmartre dans un magma de larsens, à la Sonic Youth, mais leur trame reste très classique. Autour de moi, une paire d'Américains ne cessent d'ailleurs de bavasser. C'est assez énervant, mais comment leur en vouloir, la musique de Wilco est tellement ancré dans leur terroir que c'est un peu comme si ils étaient à un barbecue.
Heureusement, il y a Spiders (Kidsmoke), pour faire taire mes voisins. Spiders est le morceau de bravoure d'A ghost is born et la deuxième, et dernière, parenthèse épique de la soirée. Là encore, la musique de Wilco franchit un pallier quand Jeff Tweedy décide de suspendre son chant. Les musiciens s'affranchissent alors de leurs influences américaines étouffantes pour créer un rock plus personnel et plus aventureux. Les guitares explosent sur un motif répétitif qui s'étire sur une dizaine de minutes. Le bruit, les larsens qu'on entend à ce moment ne sont plus les fioritures inutiles qui saupoudraient les morceaux précédents, mais bien l'expression d'une musique en mouvement. Il est difficile de prédire l'avenir musical de Wilco à la vue de ce concert. Vont-ils poursuivre sur le chemin de l'expérimentation ou bien vont-ils rester fidèles à leur goût pour des compositions plus carrées, efficaces mais beaucoup moins plaisantes. En rappel, ils ont joué The late greats, I'm a wheel, Heavy metal drummer ainsi qu'une reprise, aux paroles d'une mièvrerie 100% USA.
"If all men are truly brothers
Why then can't they love each other...
Love and peace from ocean to ocean"
C'était contre la guerre en Irak. Super. A bas toutes les guerres. Cependant cette niaiserie m'a fait douter un peu plus quant au futur de Wilco.
Critique écrite le 20 mars 2005 par Bertrand Lasseguette
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