Chronique de Concert
Wilco + Hanne Hukkelberg
Un putain de bon concert qui restera dans les mémoires des 2500 personnes présentes, voilà ce qu'a offert le groupe américain de country folk rock 'n roll psyché Wilco au public enthousiaste du Grand Rex à Paris... Avec une puissance de feu impressionnante, un light show très efficace, un professionnalisme à toute épreuve (tout est enchainé) et une capacité à proposer une incroyable dynamique en live (on va du rock bruitiste tonitruant à une folk song intimiste en passant par du country rock sobre et des embardées psychédéliques superbement expérimentales), Jeff Tweedy et ses cinq acolytes ont fait très forte impression lors de l'unique étape française de la tournée consécutive à la sortie de l'excellent album The Whole Love. Et oui en France, un seul concert est programmé et il n'affiche même pas complet ! Affligeant, si l'on considère la qualité des albums et des prestations scéniques de Wilco.
Après une courte et bienvenue première partie (la Suédoise Hanne Hukkelberg propose en trio une électro pop rock onirique, séduisante et marquante, grâce à une voix racée et à des arrangements aussi originaux que décalés... ), Wilco déboule sur scène à 20 heures 30 précises pour donner un show de deux heures vraiment imparables. La matériel utilisé, force amplis, synthés et guitares plus une énorme batterie, est plutôt conséquent et nécessite la présence de roadies aux petits soins pour chaque musicien. Tout cela pourrait être superflu et envahissant, sauf que dès le premier titre on comprend sa douleur, ou plutôt son bonheur : c'est un son énormissime, à la fois touffu et précis, synthétique et organique, clair et dissonant qui se propage dans la salle, ébahie par tant de classe. Art Of Almost permet d'entendre pour la première fois de la soirée la voix - entre John Lennon et Neil Young - de Jeff Tweedy, aussi discret dans sa présentation (il reste caché sous son chapeau) que doué pour trousser des morceaux longs en bouche et personnels, qu'ils soient acoustiques ou traversés de stridences soniques. Le titre précité joué en ouverture est un modèle du genre : les synthés et les bidouillages électroniques servent de rampe de lancement à une sorte de rock noisy à la Sonic Youth/Crazy Horse, dont les effets sont appuyés par un light show démentiel utilisé à bon escient. Dès le début, on a compris : le professionnalisme de Wilco sert de base arrière pour mieux partir dans de fréquents dérapages stylistiques. Lors de ce concert d'exception le combo américain évite donc l'écueil du classic rock (sauf peut être lors d'un solo un peu trop démonstratif et propre du guitariste lead, par ailleurs irréprochable) pour mieux offrir sa vision perso du rock stonien, de la pop, de la country à la Byrds, de la folk, du punk rock, de l'expérimental et du bruit. Et c'est juste gé - nial ! Les spectateurs, malheureusement assis, ce qui n'est pas l'idéal (Mr Tweedy le fera remarquer avec son humour désabusé) pour une prestation très rock 'n roll, semblent totalement envoutés par la démonstration de force et de maitrise des vétérans de la scène country rock US.
Malgré le peu de communication du groupe (le chanteur guitariste leader assure le minimum syndical en expliquant vouloir donner la primauté à la musique, et il a raison !), on sent une réelle communion entre les six musiciens et leur public, sous le charme, voire même en transe totale pour certains fans ! Cerise sur la gâteau, au fur et à mesure du déroulement de la set list (proprement divine : le meilleur du dernier album - I Might, Capitol City, Whole Love, Born Alone -, plus de nombreuses perles plus anciennes comme Misunderstood, One Wing... ), le groupe se lâche de plus en plus : les guitaristes se prennent tour à tour pour Pete Townshend des Who (grands moulinets) Thurston Moore de Sonic Youth (ballets devant les amplis pour faire larsener) ou Keith Richards des Rolling Stones (riffs cinglants), voire pour le mec des Eagles avec une guitare double manche fort heureusement mieux utilisée (pas d'Hotel California, ouf !), les préposés au synthés les torturent admirablement, le batteur métronomique s'énerve comme un forcené, Jeff Tweedy pousse sa voix et se met à hurler, prend des solos tétanisants avant de tenter quelques blagues ("On a vendu 2 exemplaires de cette chanson dans ce pays !", "Vous êtes 17 à avoir demandé ce titre, ça fait un joli pourcentage !") ... Après un long et jouissif rappel, la troupe regagne finalement les coulisses du Grand Rex sous les bravos et les cris hystériques d'une assistance totalement conquise. Quel CHOC, Wilco en live !
Set List :
Art Of Almost
I Might
I Am Trying to Break Your Heart
One Wing
Bull Black Nova
At Least That's What You Said
Black Moon
Spiders (Kidsmoke)
Impossible Germany
Born Alone
Laminated Cat (aka Not for the Season)
Via Chicago
Whole Love
Box Full Of Letters
Capitol City
Handshake Drugs
Dawned On Me
A Shot in the Arm
Misunderstood
Jesus, etc.
Theologians
Heavy Metal Drummer
I'm The Man Who Loves You
I'm A Wheel
Wilco en concert privé au Grand Rex par telerama
Liens : wilcoworld.net, www.facebook.com/wilcohq, www.hannehukkelberg.com, www.facebook.com/hannehukkelberg, www.legrandrex.com, www.pias.com/fr.
Critique écrite le 06 mars 2012 par Pierre Andrieu
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> Réponse le 06 mars 2012, par Yann
[Le Grand Rex - 5 mars 2012] Un concert incroyable du point de vue du groupe, en effet, qui a joué extraordinairement bien. Maintenant, ce qui était affligeant, c'était une partie du public qui a refusé de se lever et s'est même permis d'insulter les personnes qui, emportées par le concert, voulaient exprimer leur joie autrement qu'en s'engonçant dans leurs fauteuils. Par ailleurs, la sécurité a refroidi le public, fonçant sur n'importe quelle personne qui avait un téléphone portable à la main pour le lui arracher et qui a empêché les personnes de se déplacer à l'avant de la scène pour rendre le show un peu plus vivant. Jeff Tweedy était visiblement agacé de cela et c'est ce qui explique ses remarques narquoises et désabusées. Heureusement, l'apathie collective s'est finalement dissipée quand les remarques de... La suite | Réagir
> Réponse le 06 mars 2012, par robert
Wilco ne fait pas sold out ? Étonnant ?? Il faut dire que lors de la tournée "Sky Blue Sky" (ils nous ont zappé pour Wilco the album), c'était au Bataclan, à moins de 25 euros la place. Ok, la réputation de Wilco a grossi et son succès est mérité, mais même si je fais partie des amateurs de la première heure, désolé 38 euros, les temps étant ce qu'ils sont, je préfère les investir ailleurs. Tweedy se moque gentiment du confort du Rex mais nous on peut se demander ce que Wilco fait au Rex... Bon j'arrête mon mauvais esprit car je l'ai un peu mauvaise de ne pas y être allé mais je persiste à penser qu'une place de concert à 40 euros ou presque, ce n'est pas très décent. En tout cas, merci pour le billet, ça avait l'air effectivement très bien. Réagir
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