Accueil Chronique de concert Wovenhand
Mardi 5 novembre 2024 : 7058 concerts, 27217 chroniques de concert, 5420 critiques d'album.

Chronique de Concert

Wovenhand

Espace Doun - Rognes 8 juin 2007

Critique écrite le par

Wovenhand ou la colère de Dieu


Vous souvenez-vous de Klaus Kinski dans Aguirre où la colère de Dieu, le chef d'œuvre de Werner Herzog (1972)? Au XVIe siècle, dans la jungle amazonienne, une expédition espagnole part à la recherche du mythique Eldorado sous les ordres de Pizarro. Après de multiples avaries, Pizarro, dépositaire du pouvoir royal, donc du pouvoir divin, renonce à l'expédition. Un de ses lieutenants, Aguirre prendra la tête d'une révolte et convaincu d'être ni plus ni moins que bras vengeur de dieu, entraînera une partie de l'expédition vers une quête où seule la mort sera au rendez-vous.


Lors du concert de Wovenhand à l'espace Doun de Rognes, nous étions ces membres de cette expédition David Eugene Edward, chanteur, oh combien habité, était Aguirre.


Avec ses cheveux d'un blond immaculé, son regard bleu perçant et son visage tout en angles carrés (qui fait également penser au non moins expressif Willem Dafoe), David Eugene Edwards nous a entraîné durant 1h30 dans sa quête d'absolu et de rédemption. Son arme à lui, c'est un Gretsch rouge qu'il pousse dans ses derniers retranchements.


Derrière lui, les portes d'Ades tonnent dans la caisse claire du batteur, tandis que le bassiste, avec sa coupe de cheveux courte et son bouc, a tout l'air d'un curé missionnaire.


A sa droite, le second guitariste, plus jeune, forcément discret, s'attachera à soutenir le déluge de larsens qui a envahi la cave de l'Espace Doun.


Quand ils menaient les 16 Horsepower sur un versant rock, David Eugene Edwards jouait en parallèle pendant 10 ans avec Woven Hand. 4 albums sont sortis et il est bien difficile de faire une différence avec le son du 16 horsepower.


Ça sent le blues du Mississipi, la peur et la sueur des marais de Floride, ça sent l'aridité du Texas, ça sent la quête mystique qui empoignait également Harvey Keitel dans le Bad Lieutenant d'Abel Ferrara ou les personnages de Et l'Âne vit l'ange, le seul roman de Nick Cave. Ici en rien l'homme n'est bon, il doit chaque jour prier pour son salut alors que ses actes sont dictés par des pulsions destructrices.


On savait un peu tout ça avant d'assister au concert, on se disait qu'on allait un peu à la messe. Mais putain, si ce genre de messe avait vraiment lieu dans les églises, j'y serais tous les dimanches matins !


Parce que Wovenhand a un peu fait résonner l'apocalypse à l'Espace Doun. Et le rock, à ses débuts, était la musique du diable. Elvis, Johnny Cash, Carl Perkins n'étaient pas forcément bien vu du côté des pasteurs de Memphis...I Walk the line...


C'est avec cette tradition que l'on a renouée lors du Concert d'Wovenhand. Le groupe arrive sur scène à 21h30 et dès le premier morceau, le son est incroyablement fort, la tension est palpable. David Eugène Edwards, barrette dans les cheveux et tatouages sur chaque biceps termine le premier morceau avec cette question "Is it loud enough ?"


En fait, ça n'arrêtera plus d'être de plus en plus loud. Alors que son dernier album Mozaic est plutôt apaisé avec des morceaux courts, là, ils peuvent durer jusqu'à 10 minutes et nous voilà parti à nouveau sur le radeau d'Aguirre.


A un moment, à la fin du 4e morceau, David Eugene Edward a un problème avec sa gretsch. Ça dure quelques minutes, on est un peu inquiet et puis on respire aussi, se disant qu'il va un peu relâcher la tension.


Sans perdre une seule seconde sa concentration, il empoigne sa mandoline électrique pour un morceau plus apaisé pendant que le second guitariste essaye de réparer l'arme rouge.


Au morceau suivant, David Eugene Edward reprend la Gretsch, ça grésille encore un peu, on tapote sur l'ampli, on trifouille les putters et finalement ça redémarre. A la fin du morceau, il se lève et joignant les mains, semble remercier Dieu.


L'Apocalypse de Wovenahnd se construit d'abord sur cette nappe de basse lancée par un petit sampleur. David Eugene Edward commence à chanter, passant du micro radio qui lui déforme la voix et un micro normal. Il lance sa gretsch avec plein de réverb et on croit entendre un orgue d'église.


Et puis ça lancine et puis la basse s'invite et d'un seul coup, la batterie martèle et l'autre guitariste s'invite. Le mur du son se construit devant nous et David Eugene Edwards chante de plus en plus fort, son cou est rouge, les carotides sortent, ses pieds s'agitent dans tous les sens, il a les yeux le plus souvent fermés, comme s'il était en transe et quand il les ouvre, mon dieu, son regard est habité... et ça fait peur. La chanson redescend et puis remonte comme ça plusieurs fois.


Pas besoin d'en faire plus en matière de jeu de scène. La musique de Wovenhand et la personnalité de David Eugene Edward suffisent largement à nous scotcher.


Les premiers rangs sont sagement assis, mais derrière, ça trépine dans les bassins. Mais franchement, impossible de danser sur Winter Shaker ou Dirty Blue ? On sent bien l'énergie, mais tout est si...intériorisé.


Voilà, Wovenhand, c'est pas vraiment un concert de rock, c'est pas vraiment une messe, c'est pas vraiment un film, c'est un peu de tout ça en même temps et nous là, pauvres païens, on assiste à l'un des moments les plus intenses qu'ils nous ait donné de vivre depuis bien longtemps...


Merci aux petits gars de Rognes pour ce concert et plus largement pour leur programmation sporadique mais oh combien exigeante...Et rendez vous dans 15 jours pour les French Cowboys... Z'ont intérêt à être à la hauteur, sinon, la colère de Dieu risque de s'abattre sur eux...


Photos Pirlouiiiit, sous le charme et sous le choc ... seduit sur la forme et sur le fond !

bonus video :

> Réponse le 11 juin 2007, par Philippe

C'était superbement habité en effet, commme cette chronique (bravo !)... la référence à Aguirre me paraît légèrement hors sujet et ostentatoire (alors, on étale ses références ? ;-) ne cherchez pas, c'est une private joke) et donc finalement, hautement pertinente : tu as raison Stéphane, D.E.E. est bien le blond le plus inquiétant et le plus maudit qu'on ait vu depuis Kinski (à l'exception notable du chanteur de Jack the Ripper, assez terrifiant lui aussi) ! Enfin qu'on ait vu, façon de parler car je n'ai personnellement (et malgré mes 187 cm de haut) jamais aussi mal vu à un concert qu'à l'espace Doun ! Evidemment fallait-il encore ne pas entrer en avant-dernier dans la salle déjà comble, ce qui fut mon sort puisque je n'avais pas réservé. Parce que oui, mes frères et mes soeurs, à...  La suite | Réagir


Woven Hand Wovenhand : les dernières chroniques concerts

Wovenhand + Christine Owman en concert

Wovenhand + Christine Owman par Karen Solvery
Epicerie Moderne, Feyzin, le 30/05/2014
L'Epicerie Moderne de Feyzin recevait le 30 mai 2014 Wovenhand, qui présentait son dernier album " Refractory Obdurate", paru chez Glitterhouse cette année. La première partie... La suite

(mes) Eurockéennes 2010 3/3 : Rien, Gallows, Julian Casablancas, LCD Soundsystem, Wovenhand & Muzsikas, Empire of the Sun, Massive Attack en concert

(mes) Eurockéennes 2010 3/3 : Rien, Gallows, Julian Casablancas, LCD Soundsystem, Wovenhand & Muzsikas, Empire of the Sun, Massive Attack par Philippe
Presqu'île du Malsaucy, Evette Salbert, le 04/07/2010
Le samedi, c'est par ici ! Se remotiver pour le dimanche est toujours une petite épreuve. Outre le sentiment de satiété qui finit généralement par apparaître après deux... La suite

Woven Hand + Birch Book en concert

Woven Hand + Birch Book par Pirlouiiiit
Oméga Live - Toulon, le 10/12/2008
Le Pinguin nous ayant fait faux bon (sans doute pour finir sa chronique en retard de OnEira) c'est donc moi qui me colle à la chronique ... même si j'aurais bien été tenté... La suite

Woven hand par Dan
Krakatoa, Bordeaux, le 03/12/2010
C'est tout simplement fantastique. David Eugene Adwards exprime son chamanisme charismatique en entrainant dans son sillon un public qui intériorise plus qu'il ne manifeste son émotion (dommage). Un grand moment de la musique ethnique. Le spectacle est également assuré par le reste de ses musiciens, avec un bassiste habité et aussi... La suite

Espace Doun - Rognes : les dernières chroniques concerts

Boy and the Echo Choir + Laetitia Sheriff + Elysian Fields en concert

Boy and the Echo Choir + Laetitia Sheriff + Elysian Fields par Chlorophil
Espace Doun - Rognes, le 23/10/2010
Les concerts de l'espace Doun sont de plus en plus rares, mais comme beaucoup de choses rares (pas toutes, mais là, oui), ces concerts ont tendance à devenir de plus en plus... La suite

Narrow Terrence / Mansfield Tya en concert

Narrow Terrence / Mansfield Tya par Jacques 2 Chabannes
Espace Doun Rognes, le 05/09/2009
" Deux Garçons, Trois Filles : 5(0000) Possibilités... " " Préquelle... " Le temps de glisser son blaze au sein du cadre de bois pendu à cet effet, et voici le Professeur... La suite

Interview d' <i></b>Elysian fields</b></i> en concert

Interview d' Elysian fields par Jacques 2 Chabannes
l'espace Doun Rognes, le 28/02/2009
"Un Duo Nommé Désir...". Immédiatement, elle se dirige vers-moi et m'interroge du regard, sourcils aux aguets. Une interrogation doublée immédiatement d'une question un poil... La suite

Elysian Fields + Thousand and Bramier en concert

Elysian Fields + Thousand and Bramier par stéphane Sarpaux
Espace Doun, Rognes (13), le 28/02/2009
L'espace Doun affiche ce soir complet pour la seconde date en France de la nouvelle tournée d'Elysian Fields, le groupe de la troublante Jennifer Charles et Oren Bloedow. Le... La suite