Chronique de Concert
Massilia Antifa Fest : Ya Basta, Zbeb
Ce soir, c'est la revanche, avec la nouvelle édition du Massilia Antifa Fest featuring locaux et banlieusards. Des banlieusards qui m'ont fait me replonger presque quinze ans en arrière quand moi aussi je l'étais, banlieusarde, et que je ratais souvent la fin des concerts pour choper le dernier train.
Avant eux, les marseillais de Zbeb et leur punk de pirates prolos. Les angles sont légèrement arrondis, voire floutés par la Heineken en pagaille, et le sax pas ou peu sonorisé s'égosille sans bruit, camouflé sous des couches d'accords agressifs et de chant mixte d'une redoutable efficacité. C'est hargneux mais sensible, et en bons Marseillais, droit au but ; d'ailleurs le public suit sans mal, rehaussant les chœurs. Du haut de sa révolte céleste, Léo Ferré a dû entendre son oreille siffler.
Une pinte plastique plus tard et la scène se peuple ; les neuf zicos de Ya Basta prennent rapidement leur marque, rodés par des années de bourlingue musicale avec différents line-up, et entament in medias res leur lucha y fiesta plus que contagieuse. Ol et K-no chauffent la foule à tour de rôle, skankant furieusement sur les cuivres. Ballades ska et hymnes punk se succèdent, les apostrophes aussi. La harangue "Y a-t-il des ouvriers parmi vous ?..." amènera un concert de "ouaiiiiis" qui aurait très bien pu être la réaction type au classique "Ça va Marseille ?" ou bien "Vous êtes prêts à faire du bruit ?..." ; enfin vu le contexte, la question sonnait plutôt comme une exclamation libertaire version "El pueblo unido jamás será vencido" et chacun y a trouvé son compte. Ouvriers ou pas, des chœurs d'anti-fas bien répétés se forment entre chaque chanson, tandis que les coudes se lèvent bien haut et que le pogo s'anime. "Antifascistes nous sommes, antifascistes radicaux, pour la dignité des hommes et pour qu'ils soient tous égaux" résonne comme un cri de guerre la veille du second tour de vote, surtout dans notre PACA à un doigt version majeur de la Lepenisation.
Sur scène on voyage, des Chiapas jusqu'à Barcelone avant d'atterrir après deux rappels et une petite recette de Cocktail Molotov qui met tout le monde d'accord. K-no donne du sien, la tête la première à l'horizontale, et l'énergie est tellement communicative qu'on ne remarque même plus les petits pains à la batterie (tu ne m'en voudras pas, Niko !) ; Dim le saxo-remplaçant local se joint aux chœurs et tous ensemble, la force de frappe est sans conteste bien vivante.
Deux concerts parisiens pour boucler la boucle de leur come-back attendu et réussi ; ce soir, ils nous ont bien prouvés qu'ils sont, comme en 2004, toujours debout . Comme dirait MAP , salutations révolutionnaires !
Au milieu des barricades, mon chemin n'a pas croisé celui de Paranoï/Davaï et pourtant je suis restée tellement longtemps au Molotov que je faisais partie des murs. Annulation de dernière minute ou GHB dans mon verre ? Le mystère reste entier.
Quant à Toko Blaze , il est une victime collatérale de l'étrangeté du line-up qui fait passer du reggae, aussi bien fait soit-il, après du ska-punk. Le dernier train vient de partir... Des échos, des morceaux de voix, un groove saccadé nous parviennent, guère plus. Une autre revanche s'impose.
Le Molotov remballe les fracas de la fièvre populaire, tandis que le public peu à peu se désagrège et qu'en bons piliers, on en est toujours à chercher un manteau égaré qu'on troquera finalement contre le clone marseillais d'Olivier Ya Basta ...
Critique écrite le 14 décembre 2015 par odliz
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