Chronique de Concert
Bror Gunnar Jansson + Yannick Owen
De la musique, authentique, ressentie, éprouvée, présentée par deux musiciens, avec tout d'abord la folk de Yannick Owen pour se mettre en appétit, jeune artiste venu avec sa guitare présenter ses compositions... Un jeu de guitare solide, techniquement abouti en finger picking, joliment exécuté pour accompagner une voix qui marque immédiatement les esprits... D'une justesse et précision impressionnante, elle s'avère être un support parfait pour y étaler des textes très personnels, qui fixent l'attention du public rapidement... oui, qu'elle voix ! on en ressent rapidement quelques influences, un peu de Cat Stevens peut-être, Neil Young et Lou Reed aussi, les morceaux s'enchaînent, rendant le personnage attachant et sympathique par une certaine réserve s'en émanant... Quelques jolis riffs entraînants, une valse aussi, un peu bossa même, les neufs morceaux se sont enchaînés avec un peu de la mélancolie que génère ce style et déjà sonne la fin du set...
Un seul petit bémol pourtant, venant peut être d'un jeu de guitare trop plein parfois, car avec une telle voix, l'accompagnement pourrait se passer de remplir un espace qui deviendrait alors plus aérien... mais la tâche est ardue lorsque l'on se présente avec son seul instrument acoustique, sans effets, avec alors un son unique... une belle prestation, et la promesse d'un EP qui sortira en décembre, avec un accompagnement complet autour de lui... il a réussi son coup, la curiosité qu'il a généré ne me fera pas passer à côté de la tentation de l'écouter plus "habillé"...
Mais la place est au blues désormais, celui que tout le monde est venu écouter, Bror Gunnar Jansson, ce grand Suédois au charisme immédiat qui va se charger de nous transporter dans cet univers, qu'il a construit autour de son image... des lumières au style vestimentaire, de son faciès froid presque sans expression à cette démarche lente pour monter sur scène rejoindre tous les instruments qui l'accompagneront, il crée une atmosphère... Du blues sombre, râpeux, rugueux, qui revient aux racines du genre, un style inimitable, une profondeur saisissante... on pourrait se surprendre s'imaginer au temps de la prohibition aux Etats-Unis et voir débarquer la police venue chasser des contrebandiers...
Autour de lui, une caisse claire au pied gauche, une grosse caisse et un charley au pied droit qu'il commande indépendamment avec l'avant ou l'arrière du pied ou ensemble, et deux belles guitares qui ajoutent à l'effet produit, des danelectro avec leur look bien vintage... branchées dans deux amplis minuscules sans marque (dont un 5watts de marque chinoise inconnue, copie de Fender Champ des années 50 câblé point par point à la main paraît-il) quelques effets gérés à la main, un bottleneck évidemment et voilà tout pour le son... c'est déjà pas mal ! Sa voix, passant elle par deux micros, l'un avec de l'écho et l'autre sur une saturation... ça promet !!!
Il vient présenter son troisième album, désormais sous un nouveau label, lui donnant les moyens d'une production plus poussée... Moins brut que les deux précédents, il en garde l'essence et en ajoute une dimension qui pourra sans doute empêcher le bluesman de s'enliser dans un style très particulier et typé... Tout de suite, le ton est donné, le set débute par ‘Pretty Polly' du premier album, un blues profond, presque tribal, une incantation... Efficace, au rythme lourd, que déjà l'on voit sa tête partir en arrière, les yeux clos, chercher l'immersion... Un son pareil, c'est bluffant... Riche, plein d' harmoniques, précis, avec un grain fabuleux... Le deuxième morceau vient du nouvel album, on le sent encore chercher des sensations, tenter de lâcher prise, on aperçoit parfois ses yeux révulsés lorsqu'ils ne sont pas clos... Vient ensuite ‘ain't no grave' efficace, parfait, sans doute son morceau le plus connu, en tous cas le plus regardé sur un site bien connu de vidéos, et à partir de ce moment la magie qui avait alors déjà pris, opère et l'univers enveloppe tout le public... Il ne lâchera plus prise... Son set est juste, son intention aussi, il en est parfois difficile de réaliser qu'il réussit à soutenir le rythme avec ses pieds tout en réalisant cette performance à la guitare et envoyer un chant si habité... crier sans hurler, sans agresser, juste exprimer comme une douleur... juste... il joue juste... dans l'émotion et l'intention...
Au milieu du set, c'est en enlevant son chapeau qu'on le découvre marqué, il se montre, se livre, alterne les morceaux lancinants, pesants, sombres avec ceux plus rapides, pleins de force... un univers qui parfois pourrait nous amener les images d'un film de Tarantino dont il ornerait alors bien aisément la bande son, y compris ce morceau joué avec son "expensive guitare" (le ukulélé blues) qui enlève toute la dimension de jouet ou de gaieté à cet instrument, et changera le regard que l'on peut en avoir tant il parvient à en extraire un blues authentique, traditionnel, un retour aux origines... Les morceaux se suivent, un boogie pour terminer et c'est l'heure des applaudissements... Longs, mérités, ovationnants... Avant deux morceaux pour la "vraie fin" qu'il fusionne en y mêlant des solos, se permettant encore plus de détours... On peut alors faire le constat qu'il ne noie pas ses morceaux dans trop de chant, trop de notes, il laisse respirer chaque accord, chaque souffle, les laisse s'exprimer grâce à un énorme travail sur le son qui imprègne le public et transmet efficacement les intentions...
Ce troisième album, apparaît alors cohérent par rapport aux précédents, ne dénotant pas, mais se révèle plus mature, ouvrant plus de voies, plus de profondeur, peut être plus construit, tout en permettant d'en ressentir autant ses ‘tripes'... l'épreuve de la scène est un succès... le personnage termine, épuisé, assis longuement sur le rebord de la scène qu'il mettra très longtemps à quitter... on a le sentiment qu'il a donné beaucoup, il nous l'a montré et nous le prouve... Je rentre avec l'envie de brancher mon ampli, jouer du blues, fort, inspiré, retrouver ce son... L'envie d'y revenir aussi, la prochaine fois... sans faute... Bravo !
Critique écrite le 22 novembre 2017 par Nino
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