Accueil Chronique de concert Daniel Darc (+ Ludéal)
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Chronique de Concert

Daniel Darc (+ Ludéal)

Daniel Darc (+ Ludéal) en concert

Le Poste à Galène, Marseille 25 avril 2008

Critique écrite le par


Avis de gros week-end de rock à Marseille : Daniel Darc et Nick Cave, deux soirs, deux légendes vivantes. On s'était amusé à l'avance entre collègues et amis à constater que "tout le monde allait aux deux", ou peu s'en faut. En première partie de Daniel Darc donc, un certain Ludéal, chanteur à guitare de facture classique, accompagné d'un autre guitariste-choriste. Probablement de jolis textes mais un voix assez banale pour les défendre et pas franchement de conviction - pas envie de les écouter, donc. En outre la gageure de se découvrir devant un public de fanatiques impatients, et un petit côté frimeur cynique (C'est la dernière, vous êtes contents hein ?) qui achève cette première partie, courageuse mais pas vraiment inoubliable.


Daniel Darc, outre un 45 tours cultissime, c'est une poignée de disques formidables dont deux dans ce siècle, qui nous accompagnent et nous tiennent chaud. De Darc sur scène, on n'avait par contre qu'une vague expérience en plein soleil (pas vraiment son écosystème préféré a priori...) ainsi qu'un ratage dû à un mauvais timing (à la même heure que les White Stripes à Rock en Seine...). Nul doute que c'est sur une petite scène comme celle du Poste que l'animal trouvera sa juste valeur...


Il arrive toutefois avec un air "fatigué", T-shirt sombre et croix huguenotte ostensible, semblant se cogner partout sur scène, chantant relativement faux sur La Main au Coeur... Une petite inquiétude pointe quand à son état de forme, heureusement il est soutenu par un quarteron de musiciens impeccables et tout à son service : mention spéciale au guitariste grisonnant et follement classieux, Alice Botté - l'incarnation de la rock star, le seul visuellement à la hauteur du mythe qu'il accompagne, les autres ayant l'air un peu trop verts et trop sages... Une collègue nous reparlera d'ailleurs en fin de soirée de ce très stylé musicien, avec des étoiles plein les yeux...


En attendant, les réparties assez cinglantes du chanteur aux vannes venues de la salle montrent en tout cas qu'il est bien là et en éveil - nous voilà rassurés. Enchaînement sur Les Remords qui passe un peu mieux, puis après avoir cherché en vain un électeur de Sarko, une très jolie La Pluie qui tombe - une fois acquis le principe qu'il allait plus parler que chanter, on s'habitue et on apprécie la façon dont il habite ses textes malgré tout - ses regrets nous iront aussi droit au coeur que sur le disque... 1 an et 1 jour, intro qui rappelle Bashung et où s'illustre le clavier (un type qui fume et joue des soli au piano en même temps... très technique donc) : la déclaration d'amour fait merveille et ce coup-ci, on a décollé pour de bon !


J'irai au Paradis, naïve et finalement touchante de sincérité, mais carrément pas autant que Je me souviens, je me rappelle qui nous a de toutes façons toujours bouleversé - une bonne minute de chair de poule à la clé - on avancera l'hypothèse hasardeuse que ceci pourrait être la plus belle chanson de Daniel Darc, même s'il fait un peu le pitre vers la fin, comme pour dédramatiser. L.U.V. sans Alain mais avec Alice Botté ça le fera très bien ! Le titre est joué sâlement groovy, on y reconnait des citations des Stooges qui nous avaient échappé - c'est génial, Gainsbourg aurait adoré.


Puis une chanson qui démarre comme un HeartBreak Hotel déglingué et s'avère être Nijinsky... à notre décharge le disque relativement introuvable de Nijinsky emprunté un jour à la bibliothèque de Marseille était tellement usé qu'on a jamais pu l'écouter... Bref très chouette chanson au son carrément garage - ça le fait. La vie est mortelle, plus apaisée, poème parlé sur une jolie balade. Un peu c'est tout, nettement plus sombre, lancinante ; pardonnons à ceux qui nous ont ENFANTES, répète-t-il avec hargne... et en chantant finalement de mieux en mieux.


Eclaircie passagère avec les plus optimistes (toutes proportions gardées) Environ, puis La seule fille sur terre qu'il nous présente comme la plus belle qu'il ait jamais vue, créature rebelle à ses assauts et couverte de tatouages... Heureusement qu'il n'a pas repéré l'ancienne/nouvelle barmaid du Poste (à moins que ce soit une dédicace ?). Un titre ancien très pêchu, pas reconnu, avec de l'harmonica (où il n'est vraiment pas manchot !), et le voilà sorti de scène après une grosse heure. Bien entendu le public le fera revenir bien vite - il commence en interprétant tout seul et presque juste, une jolie Redemption Song (mais oui, c'est bien cette vieille scie de Bob Marley, devrai-je me convaincre). Tout seul, il continue avec la déchirante Jamais, jamais, et là c'est juste ... presque sublime.


Le piano l'accompagne encore sur une chanson, Il y a des moments, avant que la grosse artillerie ne revienne pour un Cherchez le Garçon, comme à l'accoutumée électrique, bringuebalant, plutôt chic même s'il est manifeste que Daniel Darc n'a pas une folle envie de chanter son tube insubmersible. On songe à notre 45 tours qu'on aurait pu amener pour une petite signature - enfin il n'est pas sûr qu'on aurait osé déranger la bête pour une chose aussi triviale... A propos message privé à celles et ceux qui ont cette vieille chose quelque part - la face B, soit le chanteur tout seul avec un orgue, est magnifique, à redécouvrir !


En tout cas il semble plus inspiré à la lecture du fameux Psaume 23 : tel Johnny Cash qui profitait d'une salle entière de taulards subjugués pour donner à entendre la parole de son dieu, Daniel Darc n'a pas peur d'exposer sa foi à une salle entièrement pendue à ses lèvres, dans un très joli moment. Il sort de scène après une heure et demi de bonheur presque intégral... et à la demande générale reviendra une fois encore pour finir sur un grand classique de jazz, My funny Valentine, magnifiquement illustré au piano.


Pour conclure, s'il est arrivé en ayant manifestement un peu trop chargé la mule, peut-être pour se donner du courage, le chanteur a peu à peu repris ses esprits en même temps que possession de la scène, parsemant sa performance de petites vannes sympas (par exemple, se présenter comme étant le tragique Renan Luce), pour donner au final un concert d'une grande intensité, qui a répondu à toutes les attentes et toutes les espérances. Gageons qu'on retrouvera Daniel Darc dans les mêmes dispositions la prochaine fois qu'on va le croiser, et bonne route à vous, Monsieur. Et pour vous le dire simplement : nous vous aimons.


Photos by Emmy Etié and/or Pirlouiiiit (plus en cliquant ici)

A lire par ailleurs, une interview toute fraîche de Daniel Darc sur le site !

Bonus vidéo :


et une petite de Ludeal :


Bonus diaporama :



> Réponse le 28 avril 2008, par Chloro Phil

Juste deux petites précisions pour compléter cette excellente chronique : le "titre ancien très pêchu, pas reconnu, avec de l'harmonica" est sans doute "N'importe quel soir", extrait de Seppuku qu'il interprète lors de cette tournée. "Redemption song", la "vieille scie" de Bob Marley a été reprise par... Johnny Cash et Joe Strummer (dispo dans le coffret Unearthed qui rassemble des bijoux enregistrés par J. Cash à la fin de sa vie). J. Cash que DD adore, et qui a une histoire tellement proche de la sienne...  Réagir


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