Dub Inc (Interview)
Comme promis, suite au compte-rendu du fameux concert des Stéphanois Dub Inc le 23 novembre dernier, nous voilà donc dans les loges de la Cigale à deux heures à peine de leur deuxième concert donné d'affilée dans ce lieu. Zigo le batteur va répondre en une petite demi-heure à toutes nos questions. Un vrai bon moment passé avec lui, un bel échange et Zigo va nous parler du concert de la veille, du nouvel album, de leur séjour en Jamaique et de l'influence qu'il a eu pour le nouvel album du groupe "Hors contrôle". Dub Inc est devenu au fil des années une référence de la scène française, européenne alors sans plus attendre, entretien:
Lebonair : Salut Zigo. Alors, c'était comment votre concert hier soir, ici dans cette même salle ?
Zigo : "c'était mortel et complet, les gens étaient bien chauds. On revient de trois semaines à l'étranger, on arrive en France, c'est un peu mieux, on se rend compte que les gens connaissent notre album et que c'est mieux que ce que l'on imaginait. Ca fait plaisir de les entendre chanter les paroles de ces nouveaux morceaux.
Lebonair : Pour ceux qui ne vous connaissent pas, une petite présentation me semble nécessaire. Je ne suis pas un spécialiste du genre alors votre musique ne serait-ce pas une sorte de Steel Pulse qui aurait mangé du Capleton ?
Zigo : Steel Pulse nous a beaucoup influencés. David Hinds le chanteur, on a déjà fait des trucs avec lui, ce sont des références qui nous plaisent, comme Capleton également.
Après, on est 7, 8 avec l'ingénieur du son qui fait vraiment partie des musiciens. On a commencé il y a 11 ans en indépendant, on a suivi un peu cette ligne de groupes autoproduits, qui se construit plutôt sur scène que sur les ventes de disques.
Lebonair : Cela ne s'est pas fait d'un coup, explique-nous un peu cette évolution par rapport à votre notoriété ?
Zigo : On est de St-Etienne, on fait un style de musique qui n'intéresse pas vraiment les médias, notre développement passe par le bouche à oreille, forcément, ça ne se fait pas rapidement. Le but, de toute façon, c'était pas d'aller vite, on avait pas de plan de carrière, nous, ce qu'on voulait, quand on a commencé, on avait 19 piges, on avait envie de faire des concerts, c'est ce qui nous plaisait, on avait pas de structure pour nous aider. En fait, ça s'est très bien passé, l'amour des planches et de la route ont fait que, tous, on a tenu bon. Les 4/5 premières années, c'est hyper difficile, économiquement parlant, c'est mort, il faut avoir la motivation, le fait que l'on fonctionne en famille, ça nous a aidé à tenir.
Lebonair : c'est important cette notion pour tenir, ne pas lâcher ?
Zigo : C'est clair, parce qu'au début, genre, il y en a trois de motivés et les deux autres, ils aimeraient bien mais en même temps, il y a les études, ça flotte donc ça va pas dans le même sens. Je comprends, c'est pas simple car pour se lancer dans ce genre d'aventures, faut être vraiment motivé au début, y a des sacrifices. C'est donc le problème de beaucoup de groupes qui commencent. Pas qu'au début d'ailleurs, tout le temps en fait, tu vois, quand on part 5 semaines en tournée, perso, j'ai un petit, il faut mentalement... aimer cela, sinon tu ne peux pas continuer. Nous on kiffe, je crois que dans le groupe, yen a pas un qui est lassé de tout ça.
Lebonair : tous les membres étaient là au démarrage ?
Zigo : Pratiquement oui. On a changé de bassiste il y a 2 ans, c'est un nouveau, il est de Munich en Allemagne ; sinon oui, on a tous démarré ensemble.
Lebonair : Comment perçois-tu votre reconnaissance internationale symbolisée par des featurings sur vos albums avec des artistes tels que David Hinds dont on vient de parler, Omar Perry, Lyricson, Tiken Jah Fakoly ?
Zigo : Les featurings, c'est pas vraiment de la reconnaissance, c'est juste des choses qui se font beaucoup entre les groupes, tu rencontres des gens sur la route, à force de faire des festivals et des concerts, il y a des affinités qui se créent, avec tel ou tel artiste, et pour marquer cela généralement, y a des featurings.
Lebonair : Enfin, ces gens là, ils ne font pas cela s'ils n'aiment pas le groupe ?
Zigo : c'est sûr, quand David Hinds débarque dans nôtre studio à St Etienne, pour nous, c'est clair, on est comme des gamins. Des gens comme lui qui ont influencé notre musique mais pas simplement, nôtre vie aussi. Ils ont été des exemples pour nous. Oui, pour nous, c'est une forme de reconnaissance mais après, la vraie reconnaissance, elle vient surtout du public.
Lebonair : Comment s'est fait la rencontre avec Tarrus Riley ?
Zigo : Elle s'est faite par le biais de Sam clayton qui a enregistré notre deuxième album, un ami jamaïcain, ingénieur du son, qui connait très bien Dean Frasser, producteur, manager, mentor de Tarrus Riley, qui est un saxophoniste mythique, et donc on s'est mis d'accord pour faire un featuring ensemble déjà. Eux, ils étaient en Jamaïque, on leur a envoyé des bandes du morceau avec des trous à des endroits ou Tarrus Riley pouvait placer sa voix, dans la foulée, ils nous ont renvoyé leur version, et pour finir, on a réenregistré le morceau selon ce qu'ils ont fait pour que l'ensemble devienne homogène.
Suite à ça, je suis parti avec Kakim, un des deux chanteurs au Portugal, on a été les rencontrer car ils étaient en tournée là-bas, ça s'est super bien passé, ils étaient content du morceau, nous aussi. Eux aussi, c'est vrai, ils sont comme nous, avec un emploi du temps de fou, on est tout le temps sur la route, eux aussi. On prévoit de faire quelque chose ensemble sur scène mais c'est dur à organiser, c'est compliqué, ça peut couter très cher de faire venir 2 personnes juste pour un morceau, on va quand même essayer de faire quelque chose qui sorte du commun, dans le courant 2011 normalement.
Lebonair : Quel est l'accueil du public à l'étranger d'ailleurs et notamment par le fait que vous chantez dans une langue moins universelle que l'anglais ?
Zigo : On a commencé à jouer à l'étranger vers 2005, on a fait un échange avec un autre groupe allemand, on est parti 3 semaines en 1ere partie avec eux et eux, ont fait 3 semaines notre première partie en France, à cette époque là, on pensait que les textes en français, en Kabyle, ça allait être compliqué à l'étranger, et en fin de compte, ça s'est passé super bien. Du coup, on a essayé à d'autres endroits, on est reparti au Portugal et à pleins d'endroits, petit à petit, on s'est décomplexés. On s'est rendu compte que la musique, finalement, les gens la ressentent, que nous-mêms, on ne parle pas bien anglais, on comprend deux mots dans un texte, suffit de comprendre deux-trois phrases pour saisir le sens de la musique, on s'est donc décomplexés, ça va mieux maintenant du coup.
Justement, d'être indépendant, nous permet d'investir notre argent dans des tournées à l'étranger, plutôt que dans des gros salaires, comme ça, on est parti à New-York l'été dernier, 5 dates, des trucs qu'une maison de disques ne nous permettrait pas de faire.
Pour développer, il faut du temps, par exemple, au Portugal, ça fait 4 ans qu'on y va et on commence à ne plus perdre d'argent quand on est là-bas. Tu vois, une maison de disques ne nous le permettrait jamais. Nous, notre but, c'est de faire ça partout maintenant, se faire plaisir à voyager, quand on nous propose un concert en Afrique, on sait très bien qu'on va tout payer mais ça nous fait plaisir de le faire, d'amener nôtre musique là-bas, même si, financièrement, on récolte rien, au niveau de l'expérience, des rencontres, on y gagne beaucoup, niveau motivation, c'est le genre de choses qui nous poussent à aller plus loin.
Lebonair : Avez-vous eu l'impression d'avoir fait évoluer votre musique au fil des années ?
Zigo : On pense que oui, sur l'album précédent Afrika, , on s'était un peu lâché sur la world music, les gens qui nous écoutaient au début, qui sont plus de nôtre génération, ont plus apprécié cet album que celui encore d'avant, très world music, un peu plus mature et puis en 2009, avant de se remettre à enregistrer le nouveau disque, on est parti 3 semaines en Jamaïque. Je pense que c'est un voyage qui nous a vraiment marqués, parce que c'était un moment où on avait un nouveau bassiste, un petit chamboulement dans nos vies donc, ça nous a beaucoup influencés pour ce nouvel album, là, on s'est plus rapproché du reggae, des trucs jamaïcains.
Lebonair : j'ai trouvé d'ailleurs que c'était plus engagé sur le dernier disque comme par exemple la chanson "Tout ce qu'ils veulent".
Zigo : là, c'est beaucoup plus lié à l'actualité par contre.
Lebonair : il est plus nécessaire qu'avant de s'impliquer contre le système aujourd'hui plus qu'hier ?
Zigo : pas nécessairement plus qu'y hier, il y a 25 ans, c'était Renaud, y a 15 ans, c'était NTM et je pense que nous, on fait partie de cette lignée d'artistes qui ont besoin de parler de quotidien, de commenter tout ça, ceux sont des sujets qui nous touchent, on est assez fier de représenter notre génération, en toute simplicité et dans son ouverture et quand il y a des gars qui viennent nous bassiner avec des trucs, on est pas de vrais français si on ne sait pas chanter la Marseillaise, c'est pénible tu vois, surtout que nous, on est plusieurs a être issus de parents immigrés, ça fatigue de voir qu'on remet tout le temps notre place dans la société, soit disant parce qu'on est pas de souche, etc. etc. pas patriotes, on est une génération qui n'a pas fait le service militaire, on est une génération qui n'en a rien à foutre de chanter la Marseillaise, je suis content d'être Français, d'avoir gagné la coupe du monde et qu'on sait la chance qu'on a de vivre socialement ici. Nous dans le groupe, on ressent pas le besoin de revendiquer qu'on est Français. On voyage, tant que les frontières sont ouvertes partout et on a assez honte de voir que la notre est fermée à une certaine catégorie d'origine. En Afrique, c'est ouvert, on est bien accueillis et dans l'autre sens, enfin, bref, c'est un débat qui peut être long, cette histoire d'identité nationale, ça nous a vraiment touchés énormément.
Lebonair : Réservez-vous des surprises à votre public durant cette tournée ?
Zigo : Pour le moment, non, pas vraiment, à part une date à St Etienne, le 18 décembre prochain au Zénith, il y aura 2/3 invités, sinon, Dub Inc normal, voilà.
Lebonair : Dernière question, tu te sens comment deux heures avant de monter sur scène ?
Zigo : Là, je me sens hyper fatigué, ça fait 5 semaines non stop. Ce soir, c'est notre dernière date de la série, généralement, là, t'arrives à la limite. Hier soir, Hakim un des deux chanteurs s'est fait une déchirure musculaire. En fait, la dernière date, tu sais que tu rentres, je pense qu'on est tous plus ou moins cuits, en même temps, on est hyper motivés, on sait que c'est encore plein ce soir. Hier, ça l'a fait vraiment, franchement, avant les deux Cigales, on était à Rouen, on ne s'attendait pas à ce que notre nouvel album prenne autant. Là, on se sent chanceux, la dernière fois, au Bataclan, c'était pas plein et maintenant, on fait deux Cigales pleines, on fait le Zénith a Saint-é, c'est plein aussi le 18 décembre alors que la dernière fois, c'était pas tout à fait plein non plus et un autre zénith arrive avant l'été 2011 chez nous.
Quand t'es musicien, t'as toujours peur que ça redescende, là, on a passé la barrière des 10 ans ensemble, ça peut faire flipper, on est maintenant une génération au dessus de ceux qui viennent nous voir, est ce qu'on ne va pas devenir has been ? On se pose des questions, on fait un métier plutôt précaire. En tout cas, on se trouve bénis, y pas un moment ou on se dit que ça fait chier, on vit des trucs qu'on n'aurait jamais osé imaginer.
Lebonair : merci Zigo, c'était un bonheur de discuter avec toi.
Zigo : c'était un plaisir aussi.
Remerciements à Zigo pour sa gentillesse et sa disponibilité
Remerciements chaleureux à Henry Schmidt
iWelcom Promotion Agency
www.iWelcom.tv
A mon Ami Julien pour les photos
A découvrir son travail :
Myspace: www.myspace.com/monsieur_zuu
Galerie FlickR: www.flickr.com/photos/dubvision
Site Personnel: https://queyrichon.julien.free.fr/
à Maxence pour son enthousiasme et le kif
Après la sortie de l'album évènement "Hors Contrôle" le 5 Octobre dernier, voici la tournée évènement des Dub Inc ! Où que vous soyez en France, vous pourrez les voir se produire en concert :
Le Cargo / Caen (14) 04.02.2011 - Oasis / Le Mans (72) 05.02.2011 - La Médoquine / Bordeaux (33) 08.02.2011 - La Cartonnerie / Reims (51) 09.02.2011 - L'Autre Canal / Nancy (54) 10.02.2011 - Théâtre Lino ventura / Nice (06) 11.02.2011 - Théâtre Le Rhône / Bourg les valence (26) 12.02.2011 - L'Usine / Istres (13) 22.02.2011 - Transbordeur / Lyon (69) 23.02.2011 - Coopérative de mai / Clermont-Ferrand (63) 31.03.2011 - Le 106 / Rouen (76) 06.04.2011 - Casino de Paris / Paris (75) 07.04.2011 - La Trocardière / Nantes (44) 09.04.2011 - Le Chabada / Angers (49) 14.04.2011 - Les Giboulés / Le Creusot (71) 15.04.2011 - Le Quattro / Gap (05) 17.04.2011 - Les Artefacts / Strasbourg (67) 21.05.2011 - Soirée des lycéens / Niort (79) 25.06.2011 - Zénith / Saint Etienne (42)
Interview réalisée le 14 décembre 2010 par Lebonair
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