Interview d'Elliott Murphy
L'intégralité de cette très longue interview + photos (retranscrite en sa version plus "light", ici !) est d'ores et déjà disponible sur le site officiel de Kollectiv'Mode :
https://kollectivmode.com/elliott-murphy/
Comme il semble en avoir pris l'habitude, c'est aux environs de son home "sweet" home Parisien que l'Elliott nous a fixé rendez-vous : à quelques pas du Grand Rex et du New Morning où il vient tout juste de donner deux magnifiques et intenses shows (ces 14 & 15 mars 2014) en compagnie de ses fidèles et talentueux Normandy All Stars. Hier, il aura sans doute fêté dignement son 65e anniversaire dans l'intimité familiale toute proche, après avoir entendu, la veille, une salle entière et réjouie entonner pour lui le traditionnel "Happy-y-y Beur-eur-eurthday to-ou... you ! Happy-y-y Beur-eur-eurthday to-ou... you !" - comme il en a pris l'habitude depuis qu'il a décidé de le fêter chaque année sur ses terres de conquête, en son Murphyland d'état virtuel où il fait bon vivre, où les arts et le respect d'autrui font autorité, en lieu et place des "places" boursières, vues à court terme et viles théories avides de "toujours plus"...
Paris lundi 17 mars (temps nuageux et léger vent frisquet, histoire de parler un court instant d'autre chose...).
Casque sous l'bras et bandana bien vissé sur crâne, il s'avance en souriant, toujours visiblement sous le charme de ces deux soirées réussies et d'un déluge d'attentions en provenance de ses proches et Fans Hardcore, dont beaucoup ont tenu à le gratifier gentiment d'un présent, à cette annuelle occasion...
Suite à un échange détendu et un retour animé de concert sur ce weekend plus qu'accompli, place à ce qui suit, après les traditionnels tests "son", d'usage...
Tu viens de donner deux magnifiques shows "anniversaire" au New Morning, à l'occasion desquels tu viens également d'y fêter tes vingt-cinq années de présence sur cette même scène, cette année...
Elliott (pensif) :
Vingt-cinq années...
À cette occasion, tu as pas mal changé de répertoire, introduit des chansons oubliées ou laissées de côté pendant longtemps... comme Sonny ou Hardcore ; des chansons venues de toutes les périodes, en gros...
Elliott :
Oui ! On a essayé, en fait... jeudi soir, nous étions près de Caen, où nous avons joué et essayé pas mal de chansons différentes, tenté des choses à chaque fois, et... nous aurons donc changé de répertoire chaque soir, oui !
Tu m'as eu l'air très ému, ce samedi soir, vers la toute fin du show...
Elliott :
Oui ! Peut-être parce que ces shows "anniversaire" représentent beaucoup pour moi. Ils sont spéciaux, depuis dix ans ! Et puis, réaliser que j'y joue depuis vingt-cinq années, désormais, au New Morning... et que tout cela va s'arrêter, le samedi soir, puisque cela fait maintenant cinq ans que nous jouons deux soirs de suite... ce samedi soir, donc, vers la fin du show, j'ai réalisé que cela touchait à sa fin, et bien sûr... tu ne veux absolument pas quitter la scène, même si tu sais que tu dois le faire, c'est comme ça, mais... c'est toujours difficile !
C'était perceptible, et partagé...
À propos de ce tout nouveau EP, nommé Intime... tu as tout d'abord écrit une longue "lettre" à destination des Fans, sur ton site officiel (www.elliottmurphy.com) : expliquant, avec force détails : le pourquoi du comment du disque, sa genèse, les raisons qu'y t'y ont poussé, etc. Dis-moi, tu penses aux journalistes, en faisant "ça" ? Qu'est-ce qu'il nous reste à raconter, après, à faire découvrir ou expliquer aux lecteurs ? Tu y dis presque tout !
Elliott :
Tu veux dire que je joue ton rôle...
... Ou que tu m'empêches de le faire, en fait ! Tu me remplaces, sans me laisser aucune chance, en plus !
Elliott (il fait la moue, puis s'en amuse) :
C'est peut-être vrai. C'est vrai, mais... j'ai toujours entretenu une bonne relation avec mes Fans, ils aiment savoir ce qui se passe "derrière" ! Et puis, tu sais... j'aime écrire ! Écrire ce type de messages pour eux me plait beaucoup. Beaucoup. Je suis aussi un écrivain, comme tu le sais, et... je préfère d'ailleurs donner des interviews par écrit, en fait. Parce que... cela me permet de prendre le temps d'exprimer plus précisément et correctement ce que je pense !
L'un n'empêche pas l'autre ! Je les trouve complémentaires, ces deux "modes"...
Elliott :
Peut-être bien, oui. À propos de cet EP, Intime... Je tenais absolument à ce que nous sortions quelque chose de nouveau au moment de ces shows à donner au New Morning ! Gaspard (Murphy) a alors suggéré que nous sortions un EP !
Parce que vous étiez à "court" de temps... d'argent, également ? De...
Elliott (moue fataliste) :
À tous niveaux ! Tous ! Temps, argent... nous ne savions même pas où nous allions l'enregistrer ! Heureusement, Gaspard travaillait alors dans un studio situé pas très loin d'ici appelé Question de Son... il y travaillait sur un album à sortir de la chanteuse de Superbus, Jennifer Ayache ! J'ai alors pris la décision, pendant quelques semaines, d'écrire une chanson chaque jour ! C'est ce que disait Johnny Cash : "si vous êtes un songwriter, vous vous devez d'écrire une chanson chaque jour !". Nous avons travaillé sur dix ou douze chansons, au final, puis... Gaspard et moi avons choisi les cinq que nous préférions, et puis, vu que les possibilités et disponibilités étaient minces, nous avons finalement enregistré ces cinq chansons en deux jours !
Ça fait "court", effectivement ! Et concernant le reste du "processus" ?
Elliott :
En dehors des deux jours de studio, nous avons également travaillé dessus à la maison... ajouté quelques "overdubs" plus tard, ici et là, et... un jour pour le mixage, UN !
Ça fait "court", là aussi, non ?
Elliott :
Très, oui ! Françoise (Viallon-Murphy) ma femme, a alors pris cette photo destinée à la pochette du disque... Cette fenêtre qui donne sur la rue, devant laquelle je m'assois quand j'écris des chansons... On peut donc dire que l'ensemble du projet Intime, nous l'avons entièrement imaginé, planifié, enregistré et finalement sorti, entre décembre et mars ! Plutôt rapide...
... Surtout au vu du résultat final, vu qu'il est superbe et contient de fantastiques chansons ! Il a également l'avantage d'être plutôt "sobre", en termes de production : juste quelques ajouts, instruments ou sons, ici et là, en dehors des bases rythmiques d'Alan Fatras (Batterie) et Laurent Pardo (Basse) et des guitares d'Olivier, bien entendu !
Elliott :
Oui, c'est volontaire, c'est exactement ce que je voulais : que ce soit différent, enfin, que cela "sonne" différemment... j'ai d'ailleurs depuis décidé de sortir désormais un EP tous les six mois, dans cette même veine ! À la place d'un LP par an, comme je le faisais jusqu'ici...
On va déjà voir ce que vont en penser mes Fans. Voir si cela les intéresse, cette nouvelle façon de procéder.
À propos de cet EP, et plus précisément de Benedict's Blues, qui est ma préférée de l'album...
Elliott :
... Tu sais, à propos de cette chanson, je ne me souviens même pas comment elle en est arrivée à ce qu'elle est ! J'avais cette suite d'accords... non, j'ai même eu le refrain, d'abord ! Et... je ne sais pas pourquoi... vu que je ne suis pas catholique et ne connais pas grand-chose des Saints... je ne sais toujours pas pourquoi celui-ci (Benedict = Benoît en Français) m'est resté fiché dans la tête...
(NDLR : peut-être bien parce que le 16 mars, date de naissance d'Elliott, est également celui de la Sainte Bénédict(e), chez-nous ?)
Elle sonne super bien, en tout cas !
Elliott (ravi) :
Absolument. Super bien. Saint-Benoît était par ailleurs celui qui avait dicté la totalité des règles quotidiennes de vie aux moines ! C'est probablement de cela dont il s'agit ici... au niveau de cette chanson.
(Élaborée en 540 sur le Mont-Cassin/Italie, La Règle de Saint-Benoît de Nursie élabore, dans ses moindres détails et à tous niveaux, les multiples règles de la vie monastique : valable et toujours suivie par beaucoup encore aujourd'hui...).
Celles que tu dois t'astreindre à "suivre" au quotidien pour continuer ?
Elliott (sourire énigmatique en bouche) :
Qui sait ? Celles que chacun doit suivre, probablement...
Parlons de Sweet Honky Tonk, tiens... pour changer ! C'est carrément une chanson bâtie pour la scène, non ? Comment tu vois les choses, à ce niveau...
Elliott (il se redresse, approuve du chef) :
Oui ! C'est vrai qu'elle est très énergique, Live ! Mais, tu sais... quand je suis dans ce processus étrange, qu'est l'écriture d'une chanson... Je suis littéralement transporté dans un monde différent, un univers différent... je ne me regarde pas vraiment écrire, donc...
... Oui, tu es dans l'écriture... point !
Elliott :
Exact ! Je ne me souviens donc pas forcément du pourquoi du comment de son processus d'écriture... après coup. Maintenant, pour Sweet Honky Tonk... Endless Nights Were Calling, c'est la première phrase du morceau, je pense que... cela vient d'un poème... d'une poétesse Américaine nommée Emily Dickinson : connue pour avoir écrit de la poésie sans l'avoir jamais montrée à personne, parce qu'elle la cachait sous son lit, et... qui n'aura donc été connue et publiée qu'après sa mort, elle est aujourd'hui très connue... un de ses poèmes, nommé Wild, Wild Nights, était très connu (Wild Nights, Wild Nights, en réalité !) et j'y ai alors pensé.
La seconde ligne parle de corbeaux, elle, parce que... tu sais, il y en a beaucoup qui viennent à la fenêtre de ma cuisine... J'ai écrit quelques chansons à propos de corbeaux, d'ailleurs, comme Black Crow ! Ils vont et viennent sans arrêt à ma fenêtre... pour une raison qui m'est inconnue...
... Tu cites également pas mal d'autres personnages, au niveau de cette chanson... Marylin, la Reine Élizabeth, "Abraham, Martin & John"...
Elliott :
Oui, mais, qui peut toujours s'expliquer, en dehors de cela, ... c'est par contre très difficile de parler du processus de création d'écriture, concernant la musique ! Tu prends juste la guitare, et... la chanson... sa mélodie, ses changements d'accords, semblent littéralement se trouver dans la guitare ! Difficile, voire impossible, de dire "pourquoi" et "comment" cela se passe, s'écrit... Parce que, à force, tu es tellement habitué à faire corps avec ta guitare, que... c'est exactement comme respirer ! Tu n'as plus à penser à respirer, tellement c'est devenu naturel... c'est un peu pareil à ce niveau : tu prends ta guitare, et tu joues...
... Tu n'es pas là à te dire, je vais y mettre "tel ou tel accord", et puis après le "sol" ou le "la majeur", j'enchaînerais avec un...
Elliott :
Jamais ! Je ne procède jamais comme ça. Bien sûr, tu penses parfois à l'accordage qui lui irait le mieux, ou celui que tu souhaiterais utiliser, mais, pour le reste, concernant le corps de la chanson, les accords qui la composent, cela se fait toujours de façon très "naturelle"... Toujours !
Concernant un autre futur "incontournable", de Intime : tu as donc finalement décidé de sortir ta propre version Démo de Land Of Nod, en lieu et place de celle enregistrée avec le groupe et ton fils Gaspard. Tu peux nous dire pourquoi ?
Elliott :
Tu connais déjà en partie l'histoire, j'en ai parlé sur le site : nous étions en studio, avions bossé près de trois heures sur celle-ci, et, rien à faire... je commençais à me sentir réellement frustré par cela : commençais à hurler après Alan, puis après Laurent : "vous n'y êtes pas du tout ! Ça ne swingue pas ! Ça ne fonctionne pas !" ; après Gaspard également, chargé de produire l'album, et... finalement, rien n'arrivait à retrouver l'émotion de la version Démo ! Nous avons donc commencé à travailler à partir de celle-ci, sur celle-ci. J'ai même joué de la basse dessus et Olivier a ajouté des parties de guitares... Blissed Out In The Land Of Nod ! Tu sais, ce EP est vraiment truffé de références bibliques...
... Je l'avais noté, oui !
Elliott :
C'est venu juste comme ça, sans que je sache réellement pourquoi...
... En lien avec quelque chose que tu étais en train de lire, peut-être ?
Elliott (dubitatif) :
Non, pas vraiment, non ! Je ne sais vraiment pas pourquoi il contient toutes ces références bibliques, je ne suis pas du tout quelqu'un de religieux et n'entre dans les églises qu'à l'occasion des enterrements ; trop souvent, malheureusement ! Quoi qu'il en soit, cela provient de l'histoire de Caïn et Abel., et... après que Caïn eut tué Abel, il fût envoyé sur la terre de Nod, qui a été localisée à l'Est D'Eden... qui est également un film, avec James Dean, et... je ne sais pas exactement comment, mais il y a un peu de tout cela dedans... Même s'il m'est difficile d'en parler...
C'est également une façon de pointer les choses, de relier ce genre d'évènements à notre époque perturbée...
Elliott (il lève les yeux au ciel, secoue la tête) :
Nous vivons dans un monde où l'homme tue encore et toujours son frère, tout comme Caïn. Et il existe de multiples façons d'être "Blissed Out" ! Ce qui signifie ici : "sortir de l'état de félicité", de la terre bénie d'origine ! Nous avons aujourd'hui de multiples possibilités et façons de nous divertir, oui, mais nous vivons encore dans un monde de guerres et meurtres, nous y tuons nos frères, et, quoi qu'il en soit... ces temps sont durs ! Mais, je me sens encore et toujours optimiste, sur ce sujet : des temps meilleurs viendront.
Des temps meilleurs... avec les hommes ?
Elliott :
Oui ! Je reste résolument optimiste à propos de l'humanité...
Je le pense également... "nous" trouverons bien une façon de changer tout cela un jour...
Elliott :
... Oui ! Nous trouverons un moyen, j'en suis sûr ! Il en va de même au niveau de ma vie : je suis optimiste. Lorsque je suis venu à Paris, il y a vingt-cinq années de cela... jamais je n'aurais imaginé y habiter aussi longtemps... jouer au New Morning... à l'occasion de ces shows "anniversaire"... mon fils partageant la scène avec-moi... j'ai été "béni", d'une certaine façon !
Est-ce qu'à cette "fameuse" époque, tu imaginais seulement pouvoir encore être sur scène à 65 ans ?
Elliott (il souffle, lève les yeux au ciel, sourit...) :
Je n'imaginais même pas pouvoir remonter sur scène un jour, à cette même époque, alors être encore-là, toutes ces années plus tard, imagine un peu... Mais, tu sais, j'adore le Blues et j'ai toujours écouté ces gars jouer, comme Muddy Waters, et... plein d'autres ! Ils étaient tous vieux !
... Et jouent, ou joueront tous, jusqu'à la fin !
Elliott (moue fataliste) :
Oui ! Parce qu'ils n'ont pas d'autre choix : ils jouent pour gagner leur vie, et, dans un sens, c'est ce que je fais aussi : c'est mon travail !
C'est aussi LE thème central de ton livre Marty May (Joëlle Losfeld Ed./2013) avec celui, sans pitié, du milieu de la musique... des divers chemins à prendre ou choix à effectuer tout du long d'une carrière... des fortunes diverses des musiciens : ceux qui dédient leur vie à la musique, en tout cas...
Elliott :
J'en parle beaucoup dans Marty May, oui ! D'une certaine façon, le Blues est la plus pure forme d'expression musicale, parce qu'il est essentiellement NON commercial ! Ces musiciens doivent donc jouer, point ! Pas d'autre choix pour eux...
Jusqu'au bout... sans se soucier aucunement de leur âge, ou de leur condition physique, aussi, parfois...
Elliott :
Regarde BB King, par exemple... toujours-là ! Toujours en tournée... je suis comme lui, je ne peux pas m'offrir le luxe de penser à quitter la scène... j'y gagne ma vie...
... Ce n'est pas juste cela, non ?
Elliott (il s'éclaire) :
Non ! Regarde Picasso, il a continué à peindre jusqu'au bout, jusqu'à ses 92 ans ! Qu'est-ce que je pourrais faire d'autre ?
... Composer, écrire et jouer. C'est sûr !
Elliott :
Traîner dans les cafés et regarder les jolies filles passer, ou celles assises à côté, voilà ce que je devrais faire...
... C'est bien aussi, on a vu pire !
Elliott (en riant) :
C'est plutôt bien aussi, c'est vrai...
Pour en revenir à Intime : Every Little Star, qui clôt le EP, est une chanson très intéressante, très "douce amère" et décalée à propos du succès... de la réussite, ou de ce que l'on nomme "réussite"...
Elliott :
C'est la première chanson que j'ai écrite pour Intime... je ne la trouvais pas si "bonne", mais, Gaspard lui, l'a aimée, nous l'avons donc enregistrée ! Elle contient cette ligne que tu aimes bien et que je trouve très vraie : "Est-ce que tu préférerais être heureux, ou bien dans le vrai ?". C'est une bonne question !
Une question "clé" à laquelle tu as déjà trouvé une ébauche de réponse, ou bien LA réponse ?
Elliott (il écarte les bras, comme impuissant) :
Bien sûr que non ! Je ne connais pas les réponses, pas une de celles que j'ai posé dans mes chansons, seulement les questions ! J'ai coutume de dire, que : "j'aimerais parfois être celui qui s'exprime dans mes chansons !"... (il rit franchement à cette évocation). Ce qui ne m'empêche pas d'aimer mes chansons...
Quoi qu'il en soit, c'est une très belle ligne... qui pourrait occuper une vie, enfin, on pourrait dire que c'est l'histoire d'une vie, ce questionnement...
Elliott :
C'est ça, oui : l'histoire d'une vie...
Tu dois par contre, pouvoir être capable de répondre à ma prochaine question, je crois... Lorsque j'écoute ce EP, je me dis que tu es l'un des rares, parmi les artistes Rock "majeurs" en provenance des 70's, à encore et toujours garder ce niveau d'écriture ! Tu me parlais de Bruce, tout à l'heure, il a beau être exceptionnel sur scène, ses disques actuels ou récents n'ont plus la même acuité, la même qualité d'écriture... Dylan, lui, sort toujours quelque chose d'à moitié réussi et à moitié dispensable... depuis Time Out Of Mind et par rapport à ses hauts standards passés ! Clapton est en roue libre, Neil Young sur courant "alternatif"... Mc Cartney fait du "1 sur 3 !", au mieux... Les Stones, eux, se sont perdus totalement et depuis longtemps... En ce qui te concerne, par contre, tu ne faiblis pas : on pourrait aisément caser des chansons comme Land of Nod, Sweet Honky Tonk ou Benedict's Blues, au sein de n'importe lequel de tes albums les plus reconnus ou "réussis" ! Comment tu expliques cela...
Elliott (il secoue la tête, puis sourit malicieusement) :
Je pense que c'est parce que je suis très "limité", en tant qu'artiste ! (sourire énigmatique)... Je ne suis capable de faire des choses, que lorsque je me sens passionné pour elles. Dans le cas contraire, impossible ! Donc... à chaque fois que je sens le besoin de sortir un album, je veux absolument qu'il soit LE meilleur de tous... comparé à ceux que j'ai enregistré jusqu'ici. J'écris chaque nouvelle chanson en voulant qu'elle soit LA meilleure de toutes. Je crois fortement en ces chansons, toujours, tu sais...
Pour en revenir à Cet Intime me semble un peu à part, en termes de "son"...
Elliott :
Exactement ! Avec ce Intime, d'ailleurs... la façon dont ces cinq chansons fonctionnent ensemble, me semble très différente de It Takes A Worried Man... Tout me semble différent, en fait, cette fois : à la fois le son et les chansons, le sont ! Parce que... Quand j'ai écrit ces chansons, j'étais seulement armé d'une guitare à cordes de nylon, à cause d'acouphènes gênants qui me handicapaient pas mal à ce moment-là et en jouant tout doucement dessus, assis à la table de ma cuisine.
C'est perceptible avec Every little Star, par exemple, durant laquelle on peut aisément t'imaginer te la chuchoter dans l'intimité de ta cuisine...
Elliott :
C'est vrai, oui...
En parlant de "production", comment est-ce, de travailler aujourd'hui avec ton fils Gaspard, dont l'importance ne cesse de croître au fur et à mesure de tes "sorties"...
Elliott :
... Depuis It Takes A Worried Man, il a acquis pas mal d'expérience, et donc... il continue à en accumuler, à apprendre, parce qu'il est encore très jeune, tu sais, donc... et le fait de le faire avec-moi est peut-être le meilleur moyen pour lui d'avancer et proposer... Pourtant, tu sais... autant j'adore composer et arranger, sortir des disques, autant je déteste enregistrer en studio, parce que c'est le procédé le moins "naturel" et frustrant qui soit !
Parce qu'il faut sans arrêt rejouer la même chose, encore et encore ?
Elliott :
Oui ! Il faut sans arrêt reprendre, rejouer les choses en boucle, tout en tentant d'en garder la passion initiale... entouré de tous ces micros, ces amplis, cette sorte de surenchère technique ! Ce qui fait que, je ne me suis jamais senti tout à fait à l'"aise" en studio... de moins en moins, en fait ! J'ai de plus en plus horreur de "mixer"... j'aimerais juste revenir à la fin, écouter et dire "on devrait ajouter ceci ou enlever cela !", juste ! Concernant Gaspard, l'avantage, c'est que ma musique est pour lui l'équivalent de ce qu'est la neige à un Eskimo... il a toujours baigné dedans, cela lui est naturel...
... Comme une bande-son de sa vie...
Elliott :
Oui, mais, je ne pense pas qu'il serait d'accord avec ça ! Le premier disque qu'il a acheté était un disque des Spice Girls ! (rire franc !).
Puisque nous parlons des moments "historiques" de la vie des Murphy... Il y a quelques mois de cela (fin 2013) un livre nommé Hardcore, revenant sur ta carrière et ta discographie, a été publié par Charles Pitter : livre empli d'anecdotes, révélations, mots choisis, interviews et chroniques, entre autres choses... je voulais savoir quel aura été ton rôle : ce que tu y a amené et comment tu trouves le résultat, au final ?
Elliott :
Hardcore a commencé à exister au travers d'une série d'articles écrits par Charles Pitter pour son site littéraire "online" Zouch ; ces articles ont par ailleurs reçu un tel accueil, que cela l'a poussé à écrire un livre complet sous forme de biographie. J'y ai participé autant que faire se peut (ainsi que des fans de longue date, comme Pierre & Xavier, au niveau de ma discographie). J'y suis donc présent tout du long. Mais il représente bel et bien LA vision de Charles et son livre porte la marque de son très beau style. Un peu comme si L'Attrape-Curs (Salinger) se mêlait au Chronicles de Dylan croisant au plus proche du Mrs. Dalloway de Virginia Woolf.
Est-ce que tu as déjà envisagé de travailler sur une autobiographie basée autour de ton art et de ta vie ?
Elliott : J'y pense beaucoup et j'ai même commencé à en écrire une, dès 1973, nommée Seeds of Discontent, j'ai désormais besoin de la terminer. J'ai également travaillé (avec Éric Smets) sur une Bio en Français qui devrait sortir l'année prochaine... une magnifique expérience, également. Sans oublier que le fameux réalisateur Espagnol Jorge Arenillas travaille actuellement sur un documentaire revenant sur ma vie en Europe, qui s'intitule : Le Second Acte d'Elliott Murphy. L'année à venir sera forcément une année axée sur l'introspection, au bout du compte, en ce qui me concerne, ainsi que pour tout ceux qui se sentiront intéressés...
Tu penses qu'il est de ton "devoir" de le faire un jour, de sortir cette Bio, ou que quelqu'un d'"extérieur" doit s'atteler à le faire avec-toi ?
Elliott :
Je pense que tout un chacun devrait écrire ou dicter sa propre autobiographie, ce serait pour moi plus important que d'aller voter !
Quels sont les livres traitant de musique les plus réussis, selon toi...
Elliott : Je viens tout juste de finir Backstage Passes, de Al Kooper, qui m'a réjoui parce que je connaissais tant et tant de personnages qui y figurent. J'ai aussi aimé celui de Geoff Emerick à propos des Beatles à Abbey Road (En Studio Avec Les Beatles) et, bien évidemment, le Life de Keith Richards. Le problème restant, que, lorsque des musiciens deviennent trop riches et trop (re)connus, leur vie ne peut devenir qu'ennuyeuse à raconter à leurs lecteurs : "J'ai donc acheté cette nouvelle maison à la Jamaïque... et puis j'ai volé dans mon jet privé jusqu'à Cannes...", et ainsi de suite... Par chance (ou malchance) je n'ai pas ce type de problèmes. C'est bien malheureux que Robert Johnson n'ait pas écrit de livre, lui...
Ok ! Une dernière pour la "route" à propos d'Intime, cette fois :
Il s'appelle Intime : parce que ces chansons ont été écrites dans l'intimité de ta cuisine...
Elliott :
Oui, assis à la table de ma cuisine, récemment : qui est tout simplement la plus grande (table) de toute la maison.
Intime : parce qu'à cette occasion très spéciale, tu as beaucoup écrit sur toi et tes sentiments les plus personnels, carrément intimes !
Elliott :
J'ai toujours plus ou moins écrit sur des sentiments très intimes, mais, au cours des jours et semaines durant lesquels j'ai écrit ces douze chansons, dont cinq ont atterri sur cet EP... pour une raison ou une autre, je me suis senti toucher au plus proche de mon intimité en regardant au travers de cette fenêtre, ces volets...
Intime : parce que tu n'es pas, par chance, artistiquement parlant, Lady Gaga ou Daft Punk, Taylor Swift ou Pharrell Williams... au niveau célébrité et en termes de ventes...
Elliott :
Qui est chanceux ? Jimi Hendrix ? Jim Morrison ? Amy Winehouse ? Tous ont pourtant été de gros vendeurs. Je pense que chaque Fan est aussi important, ou vaut bien, n'importe quel autre, ça n'est pas important de savoir combien vous vendez et à qui. Je veux dire... Léonard de Vinci n'a eu qu'à vendre Mona Lisa à un unique acheteur et il est aujourd'hui le peintre le plus connu en ce monde.
Intime : parce qu'il a été juste "à l'heure" (In Time, en Anglais) pour tes deux shows "anniversaire" annuels du New Morning ?
Elliott :
Oui. J'aime ça ! Je déteste être en avance et me sens mal quand je suis en retard. Cette fois, donc, j'étais juste... à l'heure ! (In... Time !).
Intime : parce que tu l'as bâti et partagé avec ton fils Gaspard (ingénieur du son sur ce EP).
Elliott :
C'est vrai. De père à fils, et puis de nous à vous. Plutôt direct.
Intime : parce que tu vis en France depuis tellement d'années, que tu en maîtrises parfaitement la langue aujourd'hui...
Elliott (rigolard) :
Voilà ! Enfin le verite essentiel !*
*(Pas retouché : en Elliott "Français" dans le texte !).
Interview réalisée le 15 avril 2014 par Jacques 2 Chabannes
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