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Entretien avec le groupe Cheveu à propos de l'album BUM

Entretien avec le groupe Cheveu à propos de l'album BUM en concert

La Coopérative de Mai, Clermont-Ferrand Avril 2014

Interview réalisée le 14 avril 2014 par Pierre Andrieu




Très fan des disques et des concerts de Cheveu, on avait déjà parlé avec les zigotos du groupe en 2011, à l'occasion de la sortie de l'album 1000, un véritable chef d'oeuvre à écouter absolument par tout fan de punk 'n blues électro qui se respecte... Pourquoi ne pas récidiver à l'occasion de la parution début 2014 de l'excellent lui-aussi album BUM et de la tournée 2014 ? Rendez-vous est pris avec David Lemoine, Etienne Nicolas et Olivier Demeaux lors de leur passage à la Coopérative de Mai, à Clermont-Ferrand, en février 2014 pour causer de l'album BUM, des invités présents sur le disque, de Bertrand Blier, d'Harmony Korine, de Todd Soondz, de Daft Punk, d'Israël, des USA, de Winter Family, de vidéos, de garage crasspouet, de mp3 tout cheapos, de Bernadette Chirac, de Claude Pompidou et de pleins d'autres trucs fort intéressants... Rencontre conviviale avec des gens sympathiques et drôles (mais pas que) :






" Y'a 2 ou 3 morceaux sur le disque où je fais des gimmicks vendeurs et séduisants à l'oreille, et voilà, c'est ce qui va nous permettre de devenir millionnaires en six mois ! "



Parlez-nous de l'élaboration de l'album Bum, qui a été plutôt longue visiblement...
Olivier Demeaux : Sur les derniers disques de Cheveu, on avait un peu tendance à faire des compilations de ce qu'on avait produit avant : il y a 5 ou 10 ans par exemple, on sortait des 45 tours sur des petits labels américains parce qu'on tournait là-bas et du coup on mettait vraiment tout ce qu'on pouvait sur les disques, pour que ça remplisse... Et là pour le dernier album, on est partis de zéro et ça a pris du temps ! Enfin, plus de temps que d'habitude...

Bum est très bien produit, est-ce que c'est ça qui a pris du temps également ? Qui se charge de ce boulot de prod d'ailleurs ?
Olivier Demeaux : D'habitude, c'était bricolé à la maison et là, pour ce disque, on est allé en studio. Du coup, on a bossé pendant pas mal de temps, genre 6 mois, on est allé en studio, on a enregistré et, après, pour faire les mix, on a intégré au fur et à mesure les voix, les chœurs et l'orgue. On a fait un ping pong entre l'ingé son et moi, qui avais l'habitude de faire les mix. Et puis on a finalisé le mixage au studio.

Les chœurs ont été arrangés à Tel Aviv par Maya Dunietz, qui s'était chargée des cordes sur l'album 1000... Vous pouvez nous en parler ? Et sinon, que va t-elle faire sur le prochain ?
Etienne Nicolas : De la trompette... (rires) La rencontre avec Maya Dunietz s'est passée pendant notre tournée pour le 1er disque de Cheveu en Israël, on était invités par Ilan Volkov, qui est un chef d'orchestre assez réputé dans le monde entier et qui a un club où il fait des concerts de rock noise. Il nous a invités à jouer là-bas et on s'est rendu compte qu'il était chef d'orchestre. On avait des mp3 tout cheapos de ce qui allait devenir l'album 1000, on s'est dit qu'on aimerait avoir des arrangements de cordes sur ce disque, on lui a demandé, mais il était occupé et il nous a orientés vers sa compagne, Maya, qui avait déjà bossé avec John Zorn, Mike Patton etc. On s'est retrouvé en studio avec le 1er violon de l'orchestre national d'Israel qui jouait sur nos mp3 tout pourris avec des pains, et qui suivait les pains ! On a adoré le travail de Maya Dunietz et on a sympathisé. Sur l'album Bum, on lui a proposé de travailler sur les choeurs. Sur 3 titres, elle a produit de super arrangements...
Olivier Demeaux : ça fait un peu de présence féminine parce qu'en général ça sent un peu trop la chaussette quand on enregistre !

En invité sur le disque, il y a également Xavier Klem à l'orgue...
Olivier Demeaux : En fait on a fait un concert pour Sonic Protest, qui est un super festival à Paris, et ils nous ont invité à jouer dans l'église Saint Merry. On s'est dit qu'on pourrait jouer avec un orgue... On connaît le mec depuis un petit peu de temps, il a un groupe qui s'appelle Winter Family, qui a déjà fait des concerts dans des églises avec sa copine. Du coup, on a bossé avec lui, il avait préparé pas mal d'arrangements et on s'est dits : " pourquoi ne pas les mettre sur l'album ? " On a enregistré les pistes pour quatre morceaux en une après midi.
David Lemoine : C'est marrant, parce que le boulot de Xavier, ça contribue à faire du disque un truc franco israélien. Xavier est la moitié du duo Winter Family et ils sont franco israéliens. Si l'on, ajoute Maya, qui est basée n Israël...
Etienne Nicolas : C'est moins ricain ! Là, il y a des arrangements plus typés Europe de l'Est...
David Lemoine : C'est clair que le son a vachement évolué depuis les débuts garage crasspouet du premier album. Ce n'est pas là où on était attendus mais on arrive sur des compositions un peu chiadées. Avec le côté clean du son studio qu'il y a sur ce nouveau disque, ça contribue à nous placer loin de notre petite place Lo Fi et de cette image qui nous collait aux baskets !


Vidéo CHEVEU " Polonia " ( OFFICIAL ) :




Dans les textes, tu évoques Bertrand Blier et Harmony Korine, tu peux en parler ?
David Lemoine : Le film de Blier, Buffet Froid, est un peu déconstruit... C'est marrant, il y a des moments où tu décides de choper un truc et de le foutre dans une chanson. Au début, tu réalises pas trop et après tu vois des ponts entre la structure des films et l'esprit général des chansons. J'ai l'habitude de prendre pas mal de dialogue de films, quand je trouve que ça colle. Gummo, c'est un film hyper déconstruit et à un moment il y a une fille albinos qui est devant une bagnole sur un parking et elle est dit qu'elle est albinos, qu'elle veut un mec sensible, qui la tapera pas, qui l'aimera pour elle même. C'est hyper touchant, hyper débile, hyper " de base " et ça allait pas mal avec ce morceau qu'on a appelé Albinos finalement. Le morceau renvoie à une sorte de truc hyper sudiste, white trash.

Et quand on utilise des dialogue de films, on paye des droits ?
(rire général) David Lemoine : C'est vraiment pas notre coup d'essai sur BUM... C'est une espèce de provoc au long cours, on va voir si ça nous tombe dessus à un moment ou à un autre... On avait aussi repris intégralement un dialogue Philippe Seymour Hoffman chez un psy dans le film Happiness de Todd Solondz. Jusque-là on n'a pas eu d'ennuis ! C'est marrant, on avait essayé, sans succès, de contacter la prod du film. Et là sur ce disque je crois que JB Wizzz a essayé de trouver le contact de Blier pour lui envoyer le morceau. Dans l'idée c'est plus un hommage que du racket, après c'est une question de point de vue !

Y-a-t il des disques qui vous ont influencé pendant l'enregistrement de l'album Bum ? Et au fait ça se prononce comment Bum ?
Etienne Nicolas : Il faut dire "l'album Bum", c'est une blague de fin de repas... En fait, on n'a pas trop écouté de musique pendant l'enregistrement du disque. On a été plus influencés par des ambiances de films, sur ce disque il y a plus d'espace, c'est plus " paysager ", il se trouve aussi que pendant l'écriture du disque, on a fait la BO d'un film ? Les Apaches, un 1er long métrage de Thierry de Peretti. Donc, l'album Bum est plus cinématographique : par exemple sur Polonia, il y a un p'tit côté " Ennio Morricone des steppes ".

Avez-vous d'autre projets ciné avec des réalisateurs ?
Olivier Demeaux : En fait, on bosse avec une petite boite de prod qui sort des films d'artistes et on va faire plein de clips avec eux... C'est une boite qui s'appelle Red Shoes, et qui est basée à Paris. On a déjà fait trois clips avec eux. On a un quatrième projet, qui va être un dessin animé, par un dessinateur qui s'appelle Pierre Ferrero. A terme, on aura un clip pour chaque morceau de l'album. On fait ça pour essayer d'ouvrir un peu le disque avec des images. Parce qu'au delà du son assez policé du disque, il y a quand même des intentions assez diverses, ça part dans tous les sens et ça nous évoque des choses et on a envie qu'il y ait des images qui aillent avec...





J'aime beaucoup la chanson Madame Pompidou... Comment est-elle née ?
David Lemoine : C'est marrant, j'avais vu un documentaire qui s'appelait L'amour au coeur du pouvoir ou un truc comme ça et y'avait un truc avec Bernadette Chirac en présentatrice (il éclate de rire... ). Y'avait un truc hyper émouvant où cette femme, Madame Pompidou, se retrouvait prise en otage dans une histoire sordide de cul qu'elle avait pas méritée et pour laquelle son mari se vengeait en prenant le pouvoir. L'histoire, c'est que des photos de partouze de Madame Pompidou sont sorties sans qu'elle se soit faite prendre en photo, enfin sans qu'elle ait partouzer... C'était des fausses photos !

Sur excellent titre Albinos, le riff de guitare évoque fortement d'I wanna be your dog des Stooges...
Etienne Nicolas : C'est marrant parce que là on travaille l'intro du set... On veut le faire " rock à l'ancienne ", du coup on travaille le riff ralenti... et je me suis effectivement dit " Waouh, ça ressemble à I wanna be your dog ! " (rires) Mais, bon, après, ce genre de descente c'est assez familier dans le rock 'n roll, j'ai envie de dire (rires). Et pour le coup, on utilise un pont qui est pompé sur Let there be rock d'AC/DC, mais voilà hein...
Olivier Demeaux : A la base le morceau c'était plus à la Wooden Shjips, le genre de groupe de groupes qui recyclent des riffs puis les joue en boucle sur ses morceaux....

A mon avis, le tube de Cheveu, c'est Monsieur Perrier, avec un riff qui rend hystérique...
Etienne Nicolas : Je dirais que le riff est assez basique... A mon avis, ce qui fait la force du morceau, ce sont les arrangements de voix de Maya, c'est ce qui fait décoller le morceau. Au début, il y avait une 1ère version avec le riff très en avant, et on a demandé une autre version avec les chœurs mixés plus hauts. C'est ce qui rend le morceau fou ! On a l'impression d'un gars qui entend des trucs dans sa tête...


Vidéo CHEVEU " Madam Pompidou " :




Les sons de synthès sont assez eighties... Ils évoquent Elli & Jacno, notamment sur Stadium...
Olivier Demeaux : ça nous concerne tous les deux avec David. On aime bien Elli & Jacno mais on écoute très peu... On sonne comme ça parce qu'on utilise les claviers qui sont à portée de nos mains, et ça sonne de cette manière parce que c'est joué de manière un peu enfantine. On ne s'inspire pas d'eux !
David Lemoine : Y'a 2 ou 3 morceaux sur le disque où je fais des micro boucles, des micro mélodies, que ce soit sur Monsieur Perrier ou Stadium, des trucs de 3 notes, qu'on ne faisait pas trop avant. Ce sont des espèces de gimmicks vendeurs et séduisants à l'oreille, et voilà, c'est ce qui va nous permettre de devenir millionnaires en six mois ! (rires)

Parlez-nous de la pochette, très réussie, où vous avez l'air bien débiles...
David Lemoine : Elle est signée par un artiste alsacien, David Koerkel, qui fait des pliages, un peu comme un autiste... Il plie à longueur de journée de affiches qui représentent des mannequins vedettes, des filles " papier glacé ", et il les rend monstrueuses en les pliant dans tous les sens. Il a fait un peu le même truc avec nous, mais il partait de moins haut, et ça donne un truc encore plus " interpellant ".

Sur la dernière tournée, vous avez tenté beaucoup de choses : créations avec des artistes, cuivres etc. Est-ce encore prévu cette fois-ci ?
Etienne Nicolas : Après l'expérience avec les cordes de Maya sur l'album 1000, on avait presque envie de faire des concerts avec un orchestre philharmonique, un truc hyper grandiloquent. Et ça n'a pas pu se faire ! On a fait cette expérience avec les cuivres de Victor Michaud pour un concert à la Pèche à Montreuil... On a fait plein d'autres collaborations, on aime bien ça. Et puis, la collaboration, c'est un grand moment de l'histoire (éclats de rires) !

Pensez-vous refaire des tournées aux USA ou autre part dans le monde ?
Etienne Nicolas : Oui, on envisage de retourner aux USA mais c'est compliqué pour nous parce qu'on a eu des petits soucis sur la tournée du disque précédent : on avait prévu des concerts mais on a été dénoncés par un vilain ou une vilaine à Paris ou ailleurs. Et donc on doit maintenant avoir des visas de travail pour aller aux USA et ça change la donne : c'est pas en tournant aux Etats-Unis par les réseaux DIY underground que tu te fais de la thune ! On a des plans pour aller en Chine et en Amérique du Sud, on aimerait visiter des territoires où on n'est pas encore allés.
David Lemoine : Signe que Born Bad grossit et a des ambitions mondiales, les dernières fois on était dans une logique de territoires (on sortait nos albums chez Born bad pour l'Europe et on trouvait un petit relais ricain, comme Kill Shaman, et y'avait même une micro sortie en Chine) et là c'est plus une logique de distribution avec JB de Born Bad qui essaie de trouver des distributeurs...




Parlez nous de la tournée 2014... Vous avez l'air d'intéresser plus de programmateurs... Vous allez cartonner ?
Olivier Demeaux : Apparemment, on va faire des festivals cette année, ce qui sera la première fois pour nous... Il va falloir s'habituer à jouer devant plus de monde et à avoir des gens avec des coups de soleil dans le public !
David Lemoine : Y'a le côté " ça fait 10 ans qu'ils sont là ! "
Etienne Nicolas : Ou " Y'en a un qui va bientôt mourir ! " Y'a un papier dans Time Out aujourd'hui qui dit qu'on est connus de tous les programmateurs et les rock critics de France mais que le grand public ne nous connaît pas encore... Y'a une tentative dans ce sens, de voir si le grand public va nous aimer... On t'attend " grand public  " ! (rires)

Vous aviez joué à Rock en Seine quand même...
Olivier Demeaux : Oui, c'est vrai mais c'était notre seule expérience de concert " outdoor " (oui, je sais, je fais du sport !)...

Vous aviez repris un morceau de Daft Punk...
Etienne Nicolas : C'était un morceau de Daft Punk, donc c'était pas trop connu, heu, c'était juste One more time (rires) ! C'était une expérience parmi tant d'autres pour les dix ans de rock en seine : 10 groupes reprennent 10 titres des 10 dernières années, en 10 minutes, avec 10 secondes de solo (rires). Et on n'était pas hyper convaincus par notre prestation sur scène ! On s'est bien marrés mais le public avait l'air de se dire "  c'est quoi ça ? "


Cheveu est en tournée en 2014, toutes les dates sont ici...


Vidéo CHEVEU " STADIUM " :





A lire également, une interview de Cheveu réalisée en janvier 2011, ainsi que des chroniques de concerts au Nouveau Casino, à Paris, en mars 2011, au festival Mo'Fo 2011, avec les Black Lips et en compagnie de Frustration et Magnetix...


Liens : cheveu.bandcamp.com, www.facebook.com/pages/cheveu, twitter.com/cheveuband, www.bornbadrecords.net, www.facebook.com/pages/BORN-BAD-RECORDS...

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