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Interview du groupe Mustang pour la sortie de l'album Memento Mori

Interview du groupe Mustang pour la sortie de l'album Memento Mori  en concert

Montreuil 19 mars 2021

Interview réalisée le 19 mars 2021 par Pierre Andrieu



Après une (trop) longue absence, le groupe Mustang coupe court aux rumeurs de mort prématurée (autrement appelée "split" in english) et revient enfin avec un nouvel album sous le bras le vendredi 19 mars 2021 : ce long format de haute tenue s'intitule "Memento Mori" ("souviens-toi que tu vas mourir" en latin, chronique du disque à lire ici) et a la particularité d'être truffé de tubes potentiels sertis de textes bien épicés : "Pas cher de la nuit", "Pole Emploi/Gueule de bois", "Dissident" etc. Jean Felzine, Johan Gentile et Rémi Faure ont, certes, mis le temps pour l'enregistrer puis trouver une structure pour le sortir, mais ça valait le coup d'attendre ! Pour fêter cette bonne nouvelle, on a appelé Jean Felzine via skype et il a fort aimablement décroché pour échanger à propos du disque bien évidemment, mais aussi sur différents sujets brûlants comme David Lynch, le fait d'être un connard arrogant (ou pas), Hank Williams, le complotisme, Julee Cruise, le milieu du disque, Camélia Jordana, les home studios, la politesse, Sleaford Mods, la grossièreté et les magasins Lidl...



Salut Jean, ça va ? Tu as combien de temps à m'accorder ?
Jean Felzine : Salut Pierre, ça va et toi ? C'est comme tu veux, j'ai du temps, je dois juste aller à Lidl après, mais à part ça...

Cool ! On va commencer par le début : après pas mal de projets solo (avec Jo Wedin et tout seul), qu'est ce qui t'as donné envie de reformer le groupe Mustang ?
Jean Felzine : En fait, on n'a pas reformé Mustang, c'est l'impression que ça donne de l'extérieur mais on a commencé cet album là ("Memento Mori") tout de suite après l'EP ("Karaboudjan") qu'on a fait en 2017. On a terminé de mixer notre nouveau disque début 2020, donc en fait le groupe ne s'est jamais arrêté, on avait toujours des chansons sur le feu. Il y avait deux ou trois concerts de temps en temps, donc on répétait et on en profitait pour mettre en forme de nouveaux morceaux. C'est toujours comme ça avec Mustang : on a des compos en stock et au bout d'un moment il faut bien les enregistrer et les mettre sur un disque !

Vous avez trouvé un nouveau label pour publier le disque...
En fait, on a "à moitié" un nouveau label... On a produit le disque un peu avec nos sous trouvés à droite à gauche, plus quelques coups de main, et ensuite il a fallu trouver quelqu'un pour nous aider à le sortir. Il se trouve que Christophe Lameignère (qui a été le boss de Sony pendant longtemps, il s'était éloigné du monde de la musique puis il a décidé de revenir) a monté une petite structure au sein de Sony nommée Prestige Mondial, et on a fait une coproduction. On reste producteurs mais on a un petit pied dans la major et ça nous permet de sortir l'album.

Il y a un nouveau line up dans Mustang, vous avez changé de batteur... Tout a été fait avec le nouveau batteur, Nicolas Musset, sur le disque ?
Rémi, le batteur historique si je puis dire, a enregistré l'album avec nous, et c'est par la suite qu'on s'est séparés.

Tu peux parler de l'écriture du disque ? Tu es arrivé avec la plupart des morceaux, mais Johan Gentile a lui aussi participé je crois...
Oui, Johan a composé trois titres ("Pas de Paris " etc.), il a toujours des compos sur nos disques. Comme il n'est pas auteur ça prend un peu plus de temps, mais il amène toujours des propositions musicales intéressantes. Et puis, moi, j'écris toujours un peu en continu, donc il y avait pas mal de nouvelles chansons. Mais ça remonte à loin : les premières chansons, qui sont "Fils de machin", "Pas cher de la nuit" et "Memento Mori", elles datent déjà de trois ou quatre ans.

En fouillant sur votre bandcamp (legroupemustang.bandcamp.com/album/live-in-the-u-k), j'ai vu que vous jouiez déjà "Fils de machin" en première partie de Blondie fin 2017...
Oui, on a sorti un disque live ("Live in UK") vendu à prix libre sur bandcamp avec un petit carnet de route sur la tournée en Angleterre et les dates en première partie de Blondie là-bas. C'est ce qui nous a permis de financer en partie le nouvel album d'ailleurs !

Il s'est bien vendu ce live ?
Bah, bien, heu, en tout cas suffisamment pour qu'on ait une poignée de centaines d'euros pour aller en studio pour vraiment pas très cher avec Steve Surmely, qui a fait la prise de son, et qui était notre ingénieur du son sur la tournée avec Blondie.



Je vois que tu es dans ton home studio, il y a plein de guitares derrière toi, tu as enregistré chez toi ?
Je travaille souvent dans ce home studio pour mes trucs solo où j'utilise pas mal de machines, mais ici je ne peux pas enregistrer de batterie, je suis en appartement. Donc, pour le disque de Mustang on est allés faire des prises live guitare/basse/batterie dans 2 ou 3 studios. Et ensuite on a fait pas mal de post prod ici : les synthés etc.

Comment as-tu créé ton studio perso et dans quel but ?
J'avais remarqué que pas mal de musiciens de mon âge qui avaient commencé en même temps que moi s'étaient créés très vite des petits studios à la maison. J'avais beaucoup de retard là-dessus : au niveau technique, je ne comprenais pas comment ça marchait. Ça ne date pas du confinement, mais j'ai bien senti qu'il fallait que je devienne plus autonome si je voulais être capable de sortir plus de choses, si je voulais avoir la main sur les sessions d'enregistrement. Donc, petit à petit, quand j'ai déménagé ici à Montreuil avec Johanna, j'ai acheté un peu de matos et j'ai commencé à monter un petit truc qui permet de faire un peu de voix, de synthés et de guitare ici. J'ai fait une formation de prise de son pour pouvoir faire tout ça.

C'est toi qui a assuré la production des chansons de l'album et les arrangements ?
C'est nous, c'est Mustang. Les idées générales de production, c'est nous oui. C'est pour ça que ça a pris du temps : parce qu'on a fait des conneries ! On a enregistré les voix seuls, et je ne l'avais jamais fait, il y avait toujours un ingénieur du son qui était là, qui appuyait sur "record". Et là, livré à moi-même, j'ai chanté du mauvais côté du micro. Résultat : trois jours de prises foutus en l'air, j'avais enregistré toutes les voix de l'album, et il a fallu tout refaire. J'ai fait ça dans le studio du mixeur, qui s'appelle Etienne Caylou.

La prod est bien foutue et radiophonique... Il y a un disque qui vous a influencé sur ce point ?
Pas vraiment, non. On a toujours eu un petit peu de mal à penser la production d'un disque, on travaille plutôt chanson par chanson. Et là, par la force des choses, comme beaucoup des synthés ont été faits chez moi, on était tributaires du peu de matériel que j'ai, donc c'est peut-être ça qui a fait le son du disque. On voulait synthétiser le son du groupe : guitare/basse/batterie et un peu de synthétiseurs, il n'y avait pas de grandes idées de production ou de références en particulier. Et de toute façon, je pense que c'est quelque chose qu'il faut un petit peu éviter : les citations, les références directes. Y'a des gens qui après coup, quand ils ont écouté le disque, ont parlé des Cars, de rock fin 70's où il y a un peu de synthés mais quand même des guitares et une vraie batterie. C'est peut-être un des disques les plus cohérents qu'on ait fait, mais c'est arrivé plus par la force des choses que parce qu'il y avait une grande vision derrière.

Comme toujours chez Mustang les textes sont très osés et potentiellement sujets à controverse (comme "Salauds de pauvres" ou "Le pantalon" précédemment... ). Sur "Loyal et honnête", tu emploies le "je" dans le texte et tu balances un peu sur le milieu de la musique. A quel point tes paroles sont autobiographiques ?
C'est un truc que j'ai vraiment ressenti. Si tu veux, les chansons, c'est quelque chose qui vient de ce qu'on connaît, de ce qu'on vit et puis après on exagère, on transpose. Il y a une impulsion qui est inspirée par l'expérience et puis ensuite on déroule. Un texte, ça se déroule un peu tout seul. J'exagère, je transpose mais évidement ça parle de trucs que je connais. Et effectivement je me suis demandé à moment donné, si ça avait servi à quelque chose de toujours avoir voulu être réglo.

Pas d'ironie ou de cynisme sur le milieu de la musique sur ce titre ?
C'est plus général, c'est vraiment un questionnement moral de se demander si ce n'est pas un peu vain de vouloir à tout prix être le plus réglo du quartier, comme c'est dit dans la chanson. Ça me fait penser à Poni Hoax dont j'étais très fan et dont j'avais rencontré le chanteur et le batteur, qui est assez marrant et un peu grande gueule. Il disait dans une interview qu'il voyait tous les groupes de petits jeunes qui disaient bonjour à tout le monde jusqu'à la sécu en arrivant dans les salles alors qu'eux ils débarquaient un peu comme des voyous. C'est vrai que chez Mustang on avait cette habitude de dire bonjour à tout le monde.

Je trouve ça normal de dire bonjour aux gens qui bossent avec toi, l'ingé son, le lighteux, c'est le minimum à mon avis...
Oui, mais les gens font souvent ça par intérêt. Cela dit, on avait la réputation d'être des petits cons arrogants par une espèce de retournement bizarre, parce qu'on n'a jamais été dans la lèche. On a toujours été assez nuls en politique en fait, au sens américain, au sens des relations publiques. Mais dans les faits on était des mecs réglos, et, donc, dans la chanson on se demande si le crime ne paie pas.

Se comporter comme un connard avec les gens, c'est pas payant sur la durée...
En France, on a ce truc bizarre, il faut avoir l'air sympa. J'ai toujours eu le sentiment que dans le fond on l'était beaucoup plus que les espèces de sourires sur pattes qui sont les artistes préférés des Français, les Matthieu Chédid etc. Ces gens-là ont l'air incroyablement sympas mais...



J'aime beaucoup également la chanson "Pole Emploi/Gueule de bois", qui est une sorte de tube corrosif. Comment est-elle venue ?
Je l'avais d'abord écrite pour mon disque solo et puis finalement dans cet album sorti sous mon nom j'ai voulu éloigner tout ce qui était grossier et violent.

Tu gardes la grossièreté pour Mustang ?
Ouais, c'est un choix esthétique parce que les champs lexicaux, la manière d'utiliser les mots, c'est comme des couleurs, donc dans mes trucs solo j'avais envie de choses moins violentes, je trouvais que ce morceau allait mieux à Mustang. J'étais très fan du film "Die Hard" quand j'étais petit, j'adorais Bruce Willis, c'était mon idole. Au début de "Die Hard 3" il disait c ette phrase : "vous êtes en train de me gâcher une gueule de bois comme je les aime !". Ça me faisait marrer... Moi, je ne bois plus, j'ai longtemps bu et beaucoup, mais parfois je me demandais pas si je ne buvais pas pour avoir la gueule de bois, un truc un peu maso. Et en même temps, le gueule de bois c'est une sorte de droit de ne rien foutre que tu t'octroies. C'était ça le point de départ de la chanson.

Qu'est ce que tu as eu comme retours sur le morceau "Pole Emploi/Gueule de bois" depuis qu'il est sorti ?
Bah, les gens l'aiment bien je crois ! Il est assez catchy, ça les fait marrer et il tombe à pic puisque beaucoup de gens sont au chômage, il y en a pas mal qui ont sombré dans l'alcoolisme pendant le confinement (il y en a aussi beaucoup qui ont arrêté... ). De toute façon, je m'en fous un peu, le morceau vit sa vie, les gens se débrouillent avec.

A mon avis c'est un tube mais j'avais peur que ça soit trop trash pour passer à la radio, sur France Inter par exemple...
Sur France Inter peut-être, mais Radio Nova semble le passer. "Trash", heu, moi je n'ai jamais eu de limites dans le texte, j'ai toujours dit que je voulais prétendre à la même liberté de ton que celle qu'on autorise aux rappeurs, il n'y a pas de raison ! Sauf que dès que tu es un peu dans la chanson, d'un coup on s'attend à ce que tout soit suggéré, métaphorique. Je ne vois pas pourquoi. Ça peut être bien aussi, hein, mais je suis pour qu'on ait tous les droits dans l'écriture. J'ai quand même l'impression qu'aujourd'hui ça passe mieux. Ça ne doit pas être une obligation non plus, tout dépend du contexte, de ce qu'on a envie de raconter, ça dépend de l'émotion qu'on veut provoquer chez l'auditeur. Quand tu commences une chanson par "je vais péter sur mon sofa...", ça crée un suspens.

Ah ça, c'est sûr ! Y'a une autre chanson où tu y vas fort, c'est même celle qui est la plus "choquante" à mon avis, c'est "Dissident"... Je trouvais ça assez bien envoyé sur les complotistes et nazillons etc. comme Zemmour, Faurisson, Soral, Dieudonné... Comment c'est venu ?
Ces mecs-là ont vraiment pénétré les esprits et gagné la bataille au début des années 2010, même si Soral a pris une peine de prison et si Dieudonné a moins de succès qu'avant. Eric Zemmour est, lui, devenu le maître à penser de toute une droite française. La politique, ça m'a toujours intéressé, quand j'avais écrit "Le Pantalon" il y a plus de 10 ans, c'était un peu un commentaire sur la campagne de Sarkozy qui battait son plein quand on a commencé Mustang, le discours sur la droite décomplexée, tout ça. Soral et Dieudonné, j'ai vu arriver les trucs, avec les gens autour de moi qui commençaient à regarder leurs vidéos, moi ça m'a intéressé, j'ai tout regardé. La conclusion que j'en ai tirée, c'est le propos de la chanson, c'est que ces gens qui se disent "esprits libres" ou "dissidents" ont en fait vraiment leurs gourous. On a tous vu cette femme qui disait que les masques étaient un truc pédo sataniste, non ? Ce langage un peu QAnon complotiste, ces types là sont vraiment responsables de son succès en France. Ça m'intéressait d'explorer ça parce que j'ai pas la réputation d'être de gauche, il y a des gens qui sont persuadés que je suis fasciste ou je ne sais pas quoi. Récemment, j'ai fait une interview avec Jérôme Reijasse de Rock&Folk, et on n'était pas d'accord, il n'a pas tellement aimé cette chanson, il me disait "tu crois vraiment que ce sont les ennemis eux aujourd'hui ?" Moi, je pense que oui, qu'ils ont vraiment gagné une bataille des idées. Sinon, Christophe Conte de Libération a, lui, beaucoup aimé la chanson.

En ce qui me concerne, je la trouve super. J'ai trouvé que tu mettais Zemmour & Co face à face avec leur connerie. Sinon, j'ai lu une interview des Sleaford Mods par Jérôme Reijasse et dans l'intro il sous-entendait qu'on avait été confinés pour rien, c'était légèrement complotiste son propos...
Je me suis demandé, effectivement... Sinon l'interview avec lui était super. Avec Mustang, on se tue à dire qu'on parle du monde dans lequel on vit et pas du tout des diners US ou des voitures américaines qui filent sur la route 66, ça ne m'intéresse pas de parler de ça. Le conspirationnisme a pris une ampleur délirante jusqu'à cette espèce de climax qu'a été la prise du Capitole à Washington, je trouve que c'est un vrai sujet.



C'est un sujet qui m'intéresse également et dont j'aime bien parler avec mes potes. J'ai déjà parlé à quelqu'un qui m'a ressorti l'argumentaire de la vidéo qui prétend que les vaccins anti covid sont munis d'une puce 5G qui permet au gouvernement de pister ceux qui se sont fait piquer...
J'aime bien écouter les conférences d'astro physique ou de trucs comme ça parce que j'étais nul en sciences et je me dis qu'en ce moment il y a tellement de gens qui sont anti scientifiques que c'est intéressant de se refaire une culture scientifique, surtout quand on n'en a pas, comme moi. Il y a un mec dont j'écoute les conférences, c'est Etienne Klein, il a une émission sur France Culture, son domaine de prédilection c'est la physique quantique. Il a fait une conférence sur le hasard où il disait que le complotisme c'est croire que le hasard ne peut pas exister, c'est une sorte d'hyper rationalité : on imagine que tout à une explication logique et rationnelle qui est partagée seulement par un petit groupe de personnes. C'est absurde parce qu'on constate au quotidien que l'incompétence et la connerie sont à tous les niveaux, administratif, politique etc. Ça, on y fait face tous les jours : les gens qui orthographient mal ton nom, un courrier qui n'arrive pas au bon endroit. Donc, imaginer qu'il y a des puces dans les masques ou que la CIA ait monté le 11 septembre, je trouve ça absurde.

Dans une interview, le mec de Sleaford Mods, Jason Williamson, disait à propos de Boris Johnson qu'il ne pensait pas qu'il soit fasciste, mais plutôt qu'il était incompétent et idiot.
Oui, le mec de Sleaford Mods est intéressant. J'ai un copain qui l'a comparé à Johnny Rotten, c'est une voix qui compte ce gars, il a l'air sain d'esprit, c'est peut-être l'enjeu pour une rock star aujourd'hui, plutôt que d'avoir l'air fou. Johnny Rotten, quand il arrive dans les années 70 il a peut-être l'air fou au milieu des autres mais en fait c'est lui le plus sage.

Toutes les conneries complotistes sont souvent véhiculées par les réseaux sociaux... Après avoir longtemps été sur facebook sous un pseudo, j'ai vu que tu avais maintenant un compte twitter à ton nom où tu partageais tes pensées du moment...
Oui, je ne voulais plus d'anonymat et facebook me gonflait, je me suis fâché avec un copain, bref. Quand on aime bien écrire des chansons, Twitter c'est un peu du même ordre, il faut faire des phrases courtes. C'est un plaisir coupable d'avoir un flux de pensée public, c'est à la fois affreux et assez excitant quand on aime bien écrire

Je voudrais qu'on parle maintenant du très bon titre intitulé "Memento Mori", qui donne son nom à l'album et qui veux dire "souviens-toi que tu vas mourir". C'est osé pour un titre de disque, tu n'as pas eu un peu peur au moment de le choisir ?
On a su assez vite qu'on voulait l'appeler comme ça et qu'on voulait cette pochette parce que ça résonnait bien avec le groupe : pas mal de gens croyaient que Mustang s'était séparé ou n'existait plus alors que donc, je le répète, on n'a jamais cessé d'exister. On trouvait que le titre marchait bien, ça faisait comme s'il y avait un concept derrière le disque alors qu'il n'y en avait pas vraiment. Ça donnait une illusion d'architecture profonde au track listing et à la pochette, ça tombait à pic !

C'est une des meilleures chansons du disque, non ?
Oui, pour moi c'est peut-être la meilleure chanson du disque...

Ce que j'aime dans le morceau c'est le côté surf et les chœurs élégiaques, ça fait beaucoup penser à la manière dont Angelo Badalamenti et David Lynch font chanter Julee Cruise...
Oui, c'est vrai. J'adore Julee Cruise, on en a parlé tous les deux sur twitter l'autre jour : "Fire walk with me", c'est un de mes films préférés au monde, c'est un de ceux que j'ai vus le plus de fois. Je suis tombé dessus par hasard à la télé, jusque-là j'avais juste le dvd de "Sailor & Lula" que j'adorais, je me suis mis à écouter Elvis à cause de Nicolas Cage dans ce film, et j'ai eu une espèce de coup de foudre pour "Fire walk with me". Pour l'actrice, pour le film, pour tout dedans, alors que je n'avais pas vu la série. Je l'ai vue plusieurs fois après, mais le film garde un truc spécial pour moi : je continue de penser que c'est le meilleur film de David Lynch.

J'aime beaucoup mais c'est pas mon film préféré de Lynch...
C'est un de ses films où il parle de quelque chose de vrai, c'est l'histoire d'une gamine violée par son père et assassinée par lui. C'est quand même ça le fond de l'histoire et c'est fort d'avoir fait de ça une espèce de fresque fantastique, une tragédie. C'est très beau, ça me plaît plus que les histoires méta sur le cinéma comme "Mulholland Drive", je trouve que ça parle plus de la réalité. On a tous connu des filles comme Laura Palmer, c'est un personnage sublime parce qu'il est vrai.

Il y a un morceau de Mustang qui vient d'être utilisé pour le cinéma je crois...
C'est un nouveau morceau, je ne peux pas en dire grand chose pour l'instant, je viens juste de l'enregistrer et je ne sais pas quand le film va sortir. Ça reste une chanson, hein, ce n'est pas une musique de film au sens où il faut travailler sur les images. C'est vraiment une chanson, même s'il fallait s'adapter à un timing, il fallait qu'elle ait une certaine durée...



Tu peux parler des visuels qui seront utilisés sur le disque, sur la pochette et pour illustrer chaque morceau ?
Tout ça c'est l'œuvre d'un peintre qui s'appelle David Simonetta, qui est devenu un copain et qui avait travaillé sur la pochette de mon EP solo. Comme j'aimais bien ce qu'il faisait aussi en couleurs et en peinture, pas seulement à l'encre, je lui ai demandé de faire une peinture sur chaque chanson. Ça a été un long boulot d'échange ensemble, il a beaucoup travaillé. David Simonetta a énormément de talent...

Il y a une seule reprise sur l'album c'est une cover de Hank Williams, "Maison sur la colline". J'ai l'impression que tu l'avais jouée lors des live facebook que tu faisais pendant le confinement. Tu peux en parler ?
Oui, je l'avais faite, il y a des années que je la chante. J'adore Hank Williams, au tout début de Mustang on le reprenait, c'est vraiment un des trois ou quatre meilleurs songwriters américains. Même Leonard Cohen le dit ! Ça me fait rire parce qu'il est tellement estimé, c'est LE poète, le visionnaire biblique machin truc... Pour certains c'est quasiment un prophète, comme Dylan. J'aime beaucoup Cohen, mais lui même disait "dans le building de la chanson, je sais très bien qu'Hank Williams est cinq étages au dessus...". La chanson qu'on a reprise, je suis très, très fan d'une version de George Jones, qui est vraiment un de mes chanteurs préférés de country. Donc, j'avais envie de la chanter mais en français, j'aime pas trop ma voix en anglais, donc je l'ai traduite et un peu adaptée.

On parlait de tes lives de confinement, comment tu as vécu cette période, toi ?
Le premier confinement, j'étais un peu abasourdi, j'ai rien foutu pendant deux mois, à part jouer aux jeux vidéo, me coucher à six heures du mat, rien foutre etc. Vraiment la honte ! Puis à la fin, j'ai commencé à réécrire des chansons et pour le deuxième confinement j'ai bossé tous les jours : j'ai terminé mon nouvel album solo. Pour la première période de confinement, j'avais un peu l'impression que j'avais dit à papa "je suis un peu malade ce matin" et qu'il m'avait répondu "vas-y, ça va, c'est bon, tu vas pas à l'école et t'as pas à faire tes devoirs". Je dois même dire que les concerts qui ont été annulés et qui étaient source de stress parce qu'on avait un nouveau batteur, ça m'a soulagé !

 La chanson "Pas cher de la nuit" est assez torturée et parle d'insomnie, c'est quelque chose dont tu as souffert pendant le confinement ou avant ?
Non, non, j'ai longtemps été insomniaque, mais j'ai réussi à me débarrasser de ça maintenant. C'est la plus "vieille" chanson qui figure sur le disque, elle n'a pas été écrite pendant le confinement, aucune ne l'a été d'ailleurs : si on avait pu sortir l'album il y a un an et demi, on l'aurait fait, il était fini. Tout a été plus compliqué et long que prévu...

Tu as écrit pour Camélia Jordana il y a quelque temps de cela. Tu continues à bosser pour d'autres personnes ou pas ? Il y a des choses qui vont sortir ?
Non, j'aimerais bien, parce que ça fait des thunes ! J'ai écrit il y a quelques années pour une chanteuse qui s'appelle Pomme. J'ai aussi travaillé pour Carmen Maria Vega, j'ai eu des petites expériences comme ça. Ça a marché à chaque fois quand je pouvais rencontrer l'interprète.

Tu as écrit quelle chanson pour Pomme ?
Une chanson qui s'appelle "Pauline", qui est un rip off honteux de "Jolene" de Dolly Parton...

Je l'ai vue sur scène, j'ai trouvé qu'elle avait vraiment quelque chose, Pomme...
Oui, elle chante bien ! Et Camélia Jordana, elle a beau être un peu agaçante - je pense qu'elle ne se prend pas pour rien - elle a une voix vraiment fabuleuse ! Des cordes vocales comme ça, c'est un don de Dieu. Pomme et Camélia Jordana sont deux super chanteuses, mais elles sont un peu maniérées, il y a des choses qui peuvent m'énerver dans leur diction, mais le timbre de leurs voix, c'est du grand cru.

Après avoir parlé des chansons que tu as écrites, y a-t-il un morceau culte que tu auras aimé composer toi-même ?
Ça, il y en a beaucoup ! Je sais pas moi, il y a en a plein... Ah si, il y a vraiment un truc que j'aurais aimé écrire c'est "Bridge over troubled water" de Simon And Garfunkel. Ça me vient là parce que j'ai maté récemment un documentaire sur Paul Simon et, avec sa toute petite voix, tout en délicatesse, il parlait de la manière dont il l'a écrite. Je suis très fan de la version qu'a faite d'Elvis à Las Vegas, qui est incroyable. Pour répondre à ta question, ça pourrait être aussi "Walk On By", une chanson de Burt Bacharach. Je pourrais aussi choisir beaucoup de chansons américaines écrites dans les années 60 ou 70.

Un truc sorti récemment que tu écoutes souvent ?
Alors je vais te dire un truc, j'écoute pas beaucoup de musique en ce moment : plus j'en fais, moins j'en écoute malheureusement... Sinon, c'est sorti il y a un ou deux ans maintenant, j'ai adoré la chanson "Miami Memory" d'Alex Cameron, j'ai pas tellement aimé l'album du même nom mais ce titre est vraiment d'enfer !

Faut que j'essaye d'écouter, je déteste la musique de ce mec, je l'ai vu sur scène, il m'a fait fuir...
Ah oui ? Il a pourtant un truc ce mec ! On sent vraiment qu'il a la fibre du songwriting, un peu à la Bruce Springsteen.

Y-a-t-il une chanson que tu détestes écouter, un titre sur lequel tu tombes à la radio, à la télé ou au supermarché et qui te rend fou ?
Ah, non, je vois pas, je suis assez préservé de ces choses-là, je n'ai pas trop été exposé ces derniers temps, donc il n'y pas de chanson qui me pompe l'air en ce moment à la radio... Et puis dans mon Lidl, y'a pas de musique, donc ça c'est bien, j'esquive ! Ceci dit à une époque j'allais au Franprix et je ne sais pas pourquoi ils passaient toujours Curtis Mayfied, donc ça c'était cool !

Et pour conclure, on peut espérer vous revoir sur scène bientôt ?
On devait faire une release party les 14 et 15 avril 2021 à Petit Bain (Paris) mais je crois que c'est mort, ça va être reporté. On pouvait pas repousser la sortie de l'album ad vitam æternam, on a choisi de le sortir maintenant. J'ai vraiment hâte de rejouer sur scène, même si, bon, je vais pas chouiner sur le sort de la culture parce que ça, ça me saoule ! Ça me gonfle toujours quand la culture se plaint en France. Moi, j'ai fait un peu les Beaux Arts à l'école flambant neuve de Clermont-Ferrand avec Mac tout neufs, canapés Philippe Starck etc. En face, y'avait l'école d'archi qui était toute pourrie et nous on était 150 élèves des Beaux Arts dans l'école, on était en pleine campagne Sarkozy et les gens disaient "si Sarko passe, y'aura plus aucun argent pour la culture !" Et moi j'étais là : "Bah, y'en a de la thune, voyez l'école dans laquelle vous êtes !" Y'a un côté enfant gâté chez nous je trouve, c'est sûr que le secteur souffre en ce moment, mais y'a un truc qui me gêne un peu dans les jérémiades...





Liens : legroupemustang.bandcamp.com/album/memento-mori, www.facebook.com/legroupemustang, www.instagram.com/legroupemustang, twitter.com/legroupemustang, official.shop/legroupemustang...



Photos : Alex Pilot (1 et 3) et Marie Planeille (2 et 4).




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