Samedi 21 septembre, 16 heures, L'Épée, supergroupe composé d'Emmanuelle Seigner, The Limiñanas et Anton Newcombe, s'apprête à donner le soir même son premier concert officiel en tête d'affiche du festival Levitation France, et ce en avant première de sa grande tournée française prévue en novembre/décembre. Le but de ce show très attendu (et réussi, chronique ici) au Quai d'Angers est de jouer en live les titres du très marquant premier album psyché pop de la troupe, "Diabolique", sorti il y a peu, le 6 septembre. C'est aussi une occasion idéale pour poser quelques questions aux quatre protagonistes du combo, qui sont réunis autour d'une table basse sous une tente située dans l'agréable patio du Quai. Il fait beau et presque chaud, il y a une légère brise, Emmanuelle Seigner, Anton Newcombe, Marie et Lionel Limiñana sont de bonne humeur, souriants et ont envie de parler. Anton est même taquin : entre deux photos prises avec son téléphone, il se foutra gentiment de notre gueule sur twitter pendant l'interview, "à cause" d'une question où on lui demande s'il aime Iggy Pop, le nouveau pote des Limiñanas. L'iguane, un des nombreux sujets abordés dans l'entretien qui suit :



Comment vous sentez-vous à quelques heures de votre premier concert avec L'Epée ?
Anton Newcombe  : On est crevés, on a passé beaucoup de temps à répéter pour ce concert à Levitation ! Mais on va faire un petite sieste et après ça ira. Siesta puis fiesta, donc...
Emmanuelle Seigner : C'est excitant de jouer ce soir, mais, bien sûr, il y a toujours un peu d'appréhension.

La résidence à Perpignan pour préparer la tournée s'est bien passée ?
Emmanuelle Seigner : C'était super, on a vraiment beaucoup travaillé. C'est pas un set qui est facile, mais on a bien répété.
Lionel Limiñana : Nous, avec les Limiñanas, on bosse les rythmiques et les arrangements depuis déjà des mois, mais tous ensemble avec Anton, on a eu une semaine de répétitions...

Ce soir ce n'est pas vraiment votre premier concert : vous avez fait un show case lors du dernier jour de la résidence...
Lionel Limiñana : Oui, c'était un show case pour des amis, une heure dans la salle ElMediator à Perpignan devant 50 personnes. Et puis le lendemain on a fait un concert surprise d'une demi heure pour l'ouverture de la saison de la salle de concert. Mais dans des conditions comme ce soir à Levitation, dans une salle énorme et tout, c'est la première fois !
Emmanuelle Seigner : Ouais, dans une grande salle avec plein de monde, ça fait peur !



Serez-vous rejoints par Bertrand Belin (qui participe au disque de L'Epée) ce soir ou sur la tournée  ?
Anton Newcombe : Il ne sera pas là ce soir à Angers mais j'ai demandé à ce qu'on le contacte. Le problème c'est qu'il est très pris : il tourne énormément en ce moment pour jouer sa propre musique. J'ai dit à Lionel de lui faire savoir qu'il pouvait venir quand il voulait avec nous sur scène, donc on verra !
Lionel Limiñana : Je pense que ça se fera !
Emmanuelle Seigner : On espère l'avoir sur scène avec nous au moins pour Paris, à la Cigale, le 14 décembre...
Lionel Limiñana : Il est déjà venu sur scène plusieurs fois avec les Limiñanas.
Emmanuelle Seigner : Oui, au Trianon, il était là pour faire la chanson "Dimanche"...

Bertrand Belin a écrit 3 textes pour le disque de L'Epée et chante sur "On dansait avec elle" et sur le tube "Dimanche" des Limiñanas. Comment travaillez-vous avec lui ?
Lionel Limiñana : C'est pareil qu'avec Emmanuelle et Anton... Quand on a fait le disque, on a enregistré deux fois plus de maquettes que ce dont on avait besoin (comme on le fait toujours). Et puis, après, quand les maquettes ont passé le cap des écoutes à la maison (je fais ça en préparant à manger ou en faisant autre chose... ), j'en ai proposé deux ou trois à Bertrand. Il a écrit des textes, "pensé" les mélodies de voix et a renvoyé les titres maquettés. Et comme d'habitude, c'était mortel ! Avec Bertrand, ça marche vraiment, c'est d'une facilité déconcertante de bosser avec lui.

J'ai une question sur le texte, assez mystérieux, de "Lou", qui a été écrit par Bertrand Belin... Ça parle de quoi ? De Lou Reed ?
Lionel Limiñana : Ça pourrait être une fille qui s'appelle Lou en fait.
Emmanuelle Seigner : Ouais, c'est une chanson sur la jalousie.
Lionel Limiñana : Ça pourrait être Lou Reed aussi.
Emmanuelle Seigner : Le texte parle d'un mec qui est jaloux, c'est ça que j'ai compris, moi. Et ce mec jaloux, c'est peut-être Lou Reed.

Il y a un an, le disque était déjà fini et Anton était très enthousiaste à Lévitation en faisant écouter les titres de L'Epée lors d'une interview pour le dernier album de BJM. Es-tu toujours aussi enthousiaste aujourd'hui, Anton ? Et avez-vous eu le temps d'écrire de nouveaux titres tous ensemble cette année ?
Anton Newcombe : Non, pas encore, on a pas eu le temps d'écrire de nouveaux titres, Lionel bossait sur des morceaux des Limiñanas et sur plein d'autres trucs. Je pense que c'est bien d'attendre un peu pour voir comment l'album "Diabolique" va être reçu par le public, il y a tellement de nouveaux projets que personne n'aime ! On verra à Noël, après la tournée, comment les choses se sont passées, si on a vendu des albums ou pas et ce qu'on a envie de faire. Sinon, oui, je suis toujours enthousiaste, je pense qu'il y a pas mal de bonnes chansons sur le disque, j'espère que les gens vont les aimer ! Tu sais, on vit dans un monde assez bizarre où les morceaux qui sortent se ressemblent tous, c'est juste de la musique de fond. J'espère que les gens aimeront les concerts et l'album !



J'ai appris qu'Iggy Pop allait enregistrer avec les Limiñanas, c'est une très bonne nouvelle ! Emmanuelle a déjà fait un duo avec lui, qui s'appelle "La dernière pluie". Est-ce qu'on peut espérer un nouveau duo Iggy Pop/Emmanuelle Seigner pour un futur disque de L'Epée ?
Lionel Limiñana : Pourquoi pas ? En fait, avec Iggy on a juste parlé de bosser ensemble il y a quelques semaines. Tout va dépendre de la réception de son disque (qui a l'air d'avoir de bons retours partout) : s'il a du temps, peut-être que cet hiver on arrivera à se caler quelques jours pour maquetter des trucs avec lui. Pour être franc, il n'y a rien de vraiment arrêté pour l'instant.

Mais vous avez envie de le faire ?
Lionel Limiñana : Ah oui, grave ! Franchement, je donnerai mon pied droit pour que ça se fasse ! Heu, peut-être pas mon pied droit, un doigt de mon pied droit... (rires)

Emmanuelle, ça vous direz de refaire un duo avec Iggy ? :
Emmanuelle Seigner : Bah oui, bien sûr ! J'adore !

Dans vos interviews vous dites souvent être fan des Stooges... Ça a dû vous faire quelque chose de chanter avec lui ?
Emmanuelle Seigner : C'était impressionnant, oui ! Jusqu'à ce qu'il franchise la porte du studio je pensais qu'il n'allait jamais venir !
Lionel Limiñana : C'est vrai ?
Emmanuelle Seigner : Ouais, je pouvais même pas y croire !
Lionel Limiñana : Ah, moi, je crois qu'il n'a qu'une parole ce mec ! Il a l'air carré.
Emmanuelle Seigner : Quand il est venu, il était vraiment super, il essayait de comprendre toutes les paroles, il était hyper chaleureux, très, très gentil ! C'était un bon moment.

Doing @lepeemusic interviews in France at @levitationfr - he asked me if I like @IggyPop - I said yes. Go figure pic.twitter.com/mzpdLQCtF1

– anton newcombe (@antonnewcombe) September 21, 2019

Anton, je sais que tu es super fan de David Bowie (tu as d'ailleurs écrit une chanson là-dessus... ), mais es-tu également fan d'Iggy ?  :
Anton Newcombe : Oui, Iggy est un mec très cool ! Il est super sympa avec nous en plus. Il a une émission sur la BBC où il est vraiment enthousiaste sur la musique qu'il aime, et ça, ça me plaît vraiment ! Je respecte au plus haut point le fait qu'il soit très impliqué dans cette émission, ça sonne vrai, ce n'est pas un truc fake comme on peut en écouter trop souvent. Oui, Iggy est un mec cool, sauf peut-être pendant les années 80 : sa période heavy metal était, heu, bizarre ! Mais là, il est en forme, il a un nouveau disque qui vient de sortir et qui a l'air bien, les gens le respectent, il a enregistré son disque précédent avec des gens cotés comme Dave Catching et Josh Homme des Eagles Of Death Metal et des Queens Of The Stone Age.

Emmanuelle, vous avez déjà eu une expérience de groupe en studio et en tournée avec Ultra Orange pour votre premier album. Ça vous manquait ?
Emmanuelle Seigner : Ah oui, beaucoup ! J'ai eu du mal à trouver un nouveau groupe, il m'a fallu dix ans. Ça m'a beaucoup manqué, mais la première expérience en groupe était différente : sur scène, on n'était que quatre, c'était une toute petite formation, c'était difficile, moins confortable, plus amateur, mais du coup, ça m'a permis d'apprendre un petit peu. Commencer direct avec L'Epée, ça aurait été vraiment dur je pense. Donc, d'une certaine manière c'est l'enchaînement logique.

Vous avez laissé passer beaucoup de temps entre vos disques, c'est à cause de votre carrière au cinéma ?
Emmanuelle Seigner : Pour moi, la musique c'est vraiment les rencontres, faire les bonnes rencontres. Après mon disque avec Ultra Orange, qui a bien marché, la maison de disques voulait que je fasse des trucs qui ne correspondaient pas à ce dont j'avais envie : ils ont essayé de me faire glisser vers un truc un peu plus pop, un peu plus sucré, un peu plus "joli".

Plus commercial ?
Emmanuelle Seigner : Oui, ça m'allait pas, quoi ! La première fois que j'ai rencontré les Liminanas, je leur ai dit d'emblée que je ne voulais pas un album lisse, j'ai dit que je voulais un truc "invendable" ! (rires)
Lionel Limiñana : Et voilà le travail ! (rires)



Je trouve que la voix d'Emmanuelle fait penser à celle de la chanteuse du Velvet Underground, Nico...
Emmanuelle Seigner (elle coupe) : Je ne vois vraiment pas le rapport ! Nico avait une voix super grave !
Lionel Limiñana : C'est pas la première fois qu'on te le dit, hein !
Emmanuelle Seigner : Oui, mais moi je ne comprend pas trop pourquoi. Elle avait une voix très, très grave, alors que moi j'ai une voix presque enfantine...

Je suis le seul à qui la voix d'Emmanuelle fait penser à Nico ?
Lionel Limiñana : Non, non, on nous l'a déjà dit...
Emmanuelle Seigner (aux autres) : Vous, vous trouvez qu'il y a une ressemblance ?
Lionel Limiñana : Non, non, mais je crois que c'est pas tellement le timbre de ta voix qui fait penser à Nico, c'est peut-être plus la manière de la poser ou de l'utiliser. Parce que sinon c'est vrai que Nico avait une voix très grave !

Sinon, c'est quand même quelqu'un dont vous avez écouté les disques ?
Emmanuelle Seigner : Oui, j'adore Nico, elle est hyper inspirante ! On m'a même proposé de jouer son rôle dans un film, mais j'ai pas voulu...

Pourquoi ?
Emmanuelle Seigner : Parce que ça parlait de la période où elle était défoncée, où elle se shootait, tout ça, et j'avais pas envie de faire ce genre de choses...



J'aime beaucoup le titre "Springfield 61" et sa production à la Phil Spector. C'était un modèle pour toi sur ce morceau, Anton ?
Anton Newcombe : Oui, Phil Spector c'est cool, Lionel et moi on l'aime beaucoup. Dans les disques qu'il produisait, il empilait tout ce que les gens aimaient. Donc, on a pensé à Phil Spector, c'est vrai, mais aussi à plein d'autres artistes qu'on adore, comme Ennio Morricone, les Kingsmen, les Troggs, Jesus And Mary Chain et leur album "Psychocandy". Tu mélanges toutes ces influences avec tes propres idées, tes propres sons, et au final ça devient un truc à toi.

Concrètement, comment avez-vous bossé pour la production du disque, qui est très réussie ?
Lionel Limiñana : Emmanuelle est venue nous voir chez nous à Cabestany pour nous parler de son projet de faire un disque avec nous. On a dit oui ! On était en train de finir l'album "Shadow People" et on a commencé à faire des maquettes. Puis au moment de finir le disque on est allés chez Anton dans son studio, on avait déjà plein d'éléments, beaucoup trop même. On avait plein de trucs, des cloches, des guitares Fuzz. On en parlait à l'instant : on pique pas mal de trucs à Phil Spector, l'idée de doubler toutes les caisses claires par exemple, de doubler les riffs etc. On est montés à Berlin chez Anton avec tout ça et il a rajouté des tonnes de choses, puis, après, au moment du mix il y a eu un tri dans tout ça avec Andrea, l'ingénieur du son d'Anton. Il y a des choses qui ont disparu, d'autres qui sont apparues, ils sont forts tous les deux ! Car ce sont des chansons avec trois accords mais il y a plein, plein, plein d'informations donc c'est pas évident d'entendre tel ou tel truc, par exemple faire ressortir la voix dans le mixage quand tu as sept guitares, plus des cloches !
Emmanuelle Seigner : Ce qui est bien réussi je trouve c'est que la voix n'est pas devant mais on l'entend tout le temps, elle est bien placée, on comprend les textes, le mix est fait intelligemment !
Lionel Limiñana : Comme dans les disques des années 60...



Il y a une autre chanson qui est très réussie à mon avis, c'est "On dansait avec elle", un duo entre Emmanuelle et Bertrand Belin... Comment se sont passées les prises de voix ?
Emmanuelle Seigner : En fait, on n'a pas enregistré ensemble, j'ai fait ma voix et Bertrand a fait la sienne ensuite. C'est pour ça que j'aimerais bien qu'on enregistre tous les deux ! Ça doit être déstabilisant, il doit changer des trucs, mais j'aimerais bien tenter l'expérience.
Lionel Limiñana : Quand on a fait le titre "Dimanche" pour l'album "Shadow People", c'était pareil, il avait posé sa voix après, à distance. Ça fait deux ans qu'on bosse avec Bertrand, et jusque-là on n'a jamais enregistré dans la même pièce...
Anton Newcombe : J'aime beaucoup cette chanson, "On dansait avec elle" !

BJM et les Limiñanas ont déjà joué ici au Quai à Angers pour le festival Levitation France, c'est un bon souvenir pour vous ?
Lionel Limiñana : Ah oui, on a joué ici il y a deux ans, on a rencontré Doudou et René de Radical Production ici grâce à Anton. On les avait déjà un peu croisés quand on avait joué en première partie de Brian Jonestown Massacre au Trianon, mais c'est ici à Angers pour Levitation qu'on a décidé de bosser ensemble avec Radical, notre tourneur. Ici, le public est cool et passionné, on peut trouver plein de super trucs au merch' (disques, affiches etc.) et il y a très peu de festivals avec une programmation de cette qualité en France : TINALS à Nîmes, le festival Yeah ! de Laurent Garnier, le festival de Binic, Convenanza à Carcassonne...
Marie Limiñana : Les sons d'Automne, c'est cool aussi...

Ok, merci pour l'interview et à bientôt ! Je reviendrai vous voir à la Coopérative de mai, à Clermont-Ferrand, fin novembre...
Lionel Limiñana : Ah, ok, cool, on aime beaucoup jouer à La Coopé ! On est déjà passés là-bas et à chaque fois ça se passe super bien !



Photos : Richard Dumas (1), Titouan Massé (2), Mehdi Benkler (3), Rod Maurice (4, 5 et 6)

A lire également, une interview d'Anton Newcombe, qui évoque l'élaboration des derniers albums de BJM et de celui de L'Épée, lors de son passage à Levitation France fin 2018...



L'Épée est en tournée française en novembre/décembre 2019 puis en 2020, dates, billets et infos ici...



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