Entretien avec Jennifer Charles et Oren Bloedow du groupe Elysian Fields à l'occasion de la sortie de l'album For House Cats And Sea Fans
Les disques de Jennifer Charles et Oren Bloedow avec Elysian Fields nous accompagnent intimement depuis un certain bout de temps, leurs concerts en forme de grand messe pop jazz 'n rock nous font frissonner de plaisir à tous les coups (Elysian Fields sera d'ailleurs en tournée française en mars et avril 2014 !) et leur dernière production en date est une véritable petite perle nommée For House Cats And Sea Fans et venant tout juste de sortir sur le label Vicious Circle... Il fallait donc sans tarder saisir cette réjouissante opportunité pour se livrer au jeu des questions /réponses avec Jennifer C. et Oren B. ! En voici le résultat, où il est question de Cormac McCarthy, de Jeff Buckley, de poules, de James Chance, d'oreilles, de Ricardo Muti, de Jean-Louis Murat, de musique habitée, de Caroline Polachek, de PJ Harvey, de transmission d'énergie, de Tinariwen, de BumCello, de Nick Cave et de "truc excitant", entre autres sujets :
" C'est notre truc à nous : les poules pondent des ufs, nous on écrit des chansons ! "
Qu'est ce qui vous a influencé durant l'enregistrement de l'album For House Cats And Sea Fans ? Disques, films, albums...
Jennifer Charles : Je suis constamment influencée par des stimuli extérieurs, que ce soit un livre, une expo d'art ou l'éclosion d'une nouvelle fleur. Je lis chaque jour, je vais voir des concerts, je me rends dans des musées, je cuisine et je fréquente mes amis ou ma famille, j'écoute la radio ou des disques, je marche... Il y a tant de choses qui rentrent en ligne de compte, qui te stimulent, que c'est vraiment difficile de savoir ce qui a déclenché telle ou telle idée ! Parfois cela prend des années pour créer quelque chose. Et tu n'arrives pas à sa savoir avant des années ce qui t'a parlé et t'a donné une idée de chanson. Cela dit, dans la chanson " Love Me Darling ", je fais référence au livre de Cormac McCarthy " The Road " dans le refrain quand je chante "I hold the fire".
Parlez-nous des excellents musiciens qui vous accompagnent sur ce disque (James Chance, Ed Pastorini, Matt Johnson, Sarah Murcia... )...
Oren Bloedow : Alors... Ed Pastorini est l'un de musiciens préférés dans la catégorie " rock "... James Genus a joué avec tout le monde dans le milieu du jazz et se produit beaucoup à la télé. Sarah Murcia, qui vit à Paris, est l'un des meilleurs musiciennes françaises et elle compose une musique qui est très sophistiquée... Matt Johnson joue de la batterie pour de gros projets rock, il évoluait en compagnie de Jeff Buckley quand nous étions tous jeunes et que nous traînions beaucoup tous ensemble. Je fréquente toujours beaucoup Matt, qui comme tous nos potes musiciens, est de très bonne compagnie ! James Chance, j'ai grandi en allant voir ses concerts dans les clubs de dance, même si j'ai appris à éviter le premier rangs... J'ai commencé à jouer de la basse en jouant par dessus son disque " Buy " (avec The Contortions).
Quel est selon vous le meilleur endroit, le meilleur moment ou le meilleur état d'esprit pour écouter et bien appréhender votre denier opus ?
Jennifer Charles : Ah, ça c'est vraiment quelque chose de très personnel, non ? Je ne compte pas essayer d'apprendre aux gens comment ils doivent aborder l'art, je n'ai pas cette prétention ! Mais j'aime à dire que le titre de l'album, For House Cats And Sea Fans, m'est venu en pensant à une audience idéale pur celui-ci. Pour bien écouter notre disque, il faut juste écouter ses oreilles, et les croire... Ne pas écouter les oreilles des autres, hein, juste les siennes !
Sur scène vous avez l'air totalement habités par votre musique... Vous en sortez vidés ?
Jennifer Charles : Oui, parfois ! Mais l'expérience du live est surtout exaltante ! C'est une histoire de transmission d'énergie...
On ne s'en plaint pas (bien au contraire!), mais vous tournez vraiment très souvent en Europe... Comment ça se passe ?
Jennifer Charles : Je ne pense pas que l'on tourne de manière aussi acharnée que pas mal de gens... On essaie de se laisser du temps pour profiter des endroits où l'on joue... Et on essaie de bien se reposer aussi, pour être en forme sur scène. Le fait d'être enfermé dans un petit van pendant de longs trajets est particulièrement fatigant pour le corps. Et comme chanter, c'est un truc physique, il est important d'avoir de l'énergie pour être bon sur les planches...
Comme vous le savez sans doute, vous avez beaucoup de fans en Europe... Etes vous plus populaires ici que dans votre propre pays ?
Oren Bloedow : Non, je ne pense pas... La différence entre les deux, c'est qu'en Europe vous avez plus de subventions pour la culture, donc c'est plus facile de tourner chez vous. Une grand part, sans doute la moitié, du courrier et des mails de fans que l'on reçoit vient des USA, ce qui semble plutôt normal comme on est de New-York. On a pas mal de fans en Afrique du Sud, mais on n'a pas encore pu aller les voir. Cela dit, on n'a jamais reçu d'argent provenant de ventes de disques là-bas...
Quels sont les endroits où vous préférez jouer ? Pays, villes, salles, festivals etc ?
Jennifer Charles : En fait, on adore jouer à peu près partout ! Particulièrement dans les villes chargées d'histoire. Cela dit, si on prend le temps de les découvrir, la plupart des endroits ont des charmes cachés... Pour les concerts, j'aime jouer dans des salles où le son est excellent, qui ont du cachet, où il y a une âme et où on peut créer une vraie d'intimité avec notre public. Chaque endroit et chaque concert est différent, mais c'est aussi ça qui rend le truc excitant !
J'ai un excellent souvenir du concert de Jennifer avec Jean-Louis Murat au Café de la Danse à Paris, juste après la sortie de l'album Bird On A Poire... Y-a-t-il une autre collaboration dans l'air?
Jennifer Charles : On adore Jean-Louis ! J'aime vraiment beaucoup son dernier disque, Toboggan. En ce qui concerne une éventuelle collaboration, on ne sait jamais ce que le futur nous réserve...
Avez-vous fait de belles rencontres artistiques lors de vos tournées incessantes ?
Oren Bloedow : Mon meilleur souvenir est d'avoir assisté par hasard à une répétition des voix de Cherubini avec le chef d'orchestre Ricardo Muti. Et ce pendant l'un de nos passages à la Maison de La Radio à Paris pour une émission sur France Inter... On a passé un moment hyper agréable avec Ricardo Muti et les chanteurs, et la musique était juste divine ! Sinon, on, a aussi rencontré le groupe français BumCello lors d'une tournée en France. Le super violoncelliste Vincent Ségal est quelqu'un avec qui j'essaye de collaborer...
Quel est le plus beau compliment que l'on vous ait fait ?
Jennifer Charles : Il y a en a tant, et des très précieux pour moi, c'est trop sacré pour les partager... Je crois que ça serait un peu gênant de les répéter. Cela dit, ça n'a pas de prix quand des gens vous disent que votre musique est très importante dans leurs vies et qu'elle les a accompagnés dans les joies et les peines de leur existence. C'est touchant de savoir qu'on est écouté et qu'on émeut les gens avec notre travail !
Avez-vous eu parfois des mauvaises critiques ou des commentaires désobligeants ?
Jennifer Charles : C'est une question marrante... Juste pour que vous le sachiez, je ne raisonne pas en termes de compliments ou insultes. A partir d'un certain point tout s'annule si vous vous intéressez trop aux critiques et si cela vous tient trop à cur. Sinon, oui, cela m'est arrivée d'avoir à subir des commentaires peu sympathiques, mais fort heureusement très peu. Et même si l'on sait que la personne qui nous agresse n'est pas très finaude, c'est toujours irritant de se faire agresser verbalement ! Malheureusement, en tant que femme, on doit faire face à ce genre de choses assez souvent, plus que les hommes je pense.
Existe-t-il des musiciens ou des producteurs avec lesquels vous révériez de travailler?
Oren Bloedow : Est-ce que ça ne serait pas génial de bosser avec Owen Bradley ?
Parlez-nous des groupes qui vous ont inspiré et donné envie de jouer de la musique à vos tout débuts...
Jennifer Charles : J'ai été très influencée par de nombreuses chanteuses et chanteurs de jazz, comme Anita O'Day, Billie Holiday, Frank Sinatra et Peggy Lee. Par des musiciens de blues aussi. Des artistes qui n'avaient pas peur de mettre leurs émotions au service d'une chanson. C'est ça qui touche les gens ! J'ai aussi été inspirée par des artistes plus contemporains qui sont apparus quand j'étais plus jeune, comme The Lounge Lizards, Nick Cave, Lydia Lunch, Foetus, Siouxsie et The Captain. Il y a aussi beaucoup de musique en provenance du monde entier qui me rend dingue et qui m'inspire... Le flamenco par exemple. La musique que j'aime doit passer par la spiritualité, elle doit être habitée. Quand on a commencé Elysian Fields, on écoutait pas mal PJ Harvey, qui est vraiment habitée quand elle chante. A nos débuts à New York, on faisait partie d'une grande communauté de musiciens et on pouvait s'inspirer les uns les autres. Jeff Buckley était un ami proche, et, forcément, il nous a inspirés. C'était quelqu'un qui était toujours très excité par les belles choses qu'il pouvait écouter.
Donnez nous une liste de titres parfaits selon vous et que vous mettriez dans votre top 5 ?
Oren Bloedow : A ce moment prévis, sans trop y réfléchir, voilà ce que ça donne, si vous me posiez la question un autre jour, ce serait probablement différent...
Ed Pastorini: Lorelai
Tom Waits: A Soldier's Things
Joni Mitchell: Last Time I Saw Richard
Leonard Cohen: Suzanne
John Lennon: Julia
Quels sont les vos albums cultes, ceux que vous écoutez très souvent ?
Oren Bloedow : Beaucoup des disques que l'on aime ont peu vendu, ils peuvent donc être considérés comme " cultes "... Les albums récents que j'apprécie sont ceux de Famille Lela De Permet, Mike Dumovich et Horace Silver.
Parlez-nous de vos coups de cur musicaux du moment...
Jennifer Charles : J'ai bien peur de ne pas être le genre de personne qui écoute les disques " du moment " ! Je n'ai jamais fonctionné comme ça. Parfois je tombe par hasard sur une chanson récente qui me plaît, mais c'est tout. Enfin, c'est déjà beaucoup d'arriver à écrire une bonne chanson ! C'est déjà énorme ! Cela dit, il y a tant de musique incroyable dans l'univers, comment choisir ? Bon, j'imagine que tu veux quand même des noms d'artistes récents. Il y a une chanteuse qui s'appelle Caroline Polachek (la chanteuse de Chairlift, ndr) et qui se trouve être une cousine éloignée d'Oren. Je pense qu'elle a beaucoup de talent et qu'elle interprète des chansons qui sont très originales. Ils ont vraiment du talent dans cette famille ! Sinon, je suis très fan du nouvel album de Tinariwen et j'ai des billets pour aller les voir sur scène bientôt. Ils sont incroyables à mon avis !
La composition de nouveaux morceaux a-t-elle déjà débutée ?
Jennifer Charles : Oren et moi, on écrit tout le temps ! Bien sûr, on n'utilise pas tout ce qu'on écrit, ça nous prend pas mal de temps de finaliser les choses. C'est notre truc à nous : les poules pondent des ufs, nous on écrit des chansons ! Enfin, on écrit pas autant que les poules pondent des ufs... La moyenne est d'un uf par jour mais la production des poules baisse avec l'âge et elles ne vivent que 5 ans. Même en intégrant ça, les poules pondent quand même plus d'ufs que nous pondons de morceaux. Trêve de plaisanterie, heu, les chansons viennent comme elles doivent venir, je ne crois pas qu'on doivent forcer le processus. C'est comme une naissance : certains arrivent sur Terre plus vite que d'autres. Et oui, pour répondre à ta question, on a déjà fini deux nouvelles chansons pour le prochain disque ! Une des deux étaient en projet depuis très longtemps et vient juste de voir le jour ! Pourquoi ai-je pensé qu'on avait besoin de placer ici la blague sur les poules ?
Liens : www.elysianmusic.com, www.facebook.com/elysianfieldsnyc, twitter.com/elysianfieldsny, https://www.viciouscircle.fr, www.facebook.com/viciouscirclerec, twitter.com/Vicious_Circle...
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