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Interview de The Bellrays à l'occasion de leur concert à Marseille

Interview de <i>The Bellrays</i> à l'occasion de leur concert à Marseille en concert

Lollipop Store - Marseille 15 Décembre 2008

Interview réalisée le 24 décembre 2008 par Matthieu

Ambiance cosy et salon de thé au Lollipop qui reçoit les Bellrays en showcase après leur passage mouvementé sur la cité Phocéenne. L'ambiance contraste légèrement avec le concert de la veille au Poste à Galène. Tout a démarré en grande pompe mais s'est fini sur les chapeaux de roue avec une Lisa Kekaula au bord de la furie, s'en prenant à un jeune punk qui a eu le malheur de la bousculer lors des ses déambulations au sein de la fosse (voir chronique). Je reçois donc non sans appréhension Lisa la tigresse et Bob Vennum (guitare) pour une rencontre des plus chaleureuses. Ouf !



Vos albums sont réputés pour leurs sessions d'enregistrement relativement courtes ainsi que pour leurs techniques minimalistes. Est-ce que ce n'est pas une manière de capter au mieux l'énergie ?

Lisa : Je pense que c'est tout d'abord par question d'économie, par rapport à nos moyens, mais ce qui est sûr c'est que nous avons toujours voulu enregistrer de la même manière que nous jouons et au final nous avons réussi à la capturer, à la retransmettre est cela n'aurait pas été possible d'une autre manière.

Bob : On essaie de jouer sur scène tel que nous l'avons toujours entendu. Lorsque l'on répète les morceaux à notre manière, on se rend compte que le résultat est génial et nous voulons vraiment capturer cette essence primaire, alors on installe le matériel d'enregistrement directement dans la pièce afin de mieux capter cette énergie. C'est souvent comme ça que nos enregistrements se passent.

Pouvez vous me parler de votre slogan qui, selon moi, est très vrai : "Blues is the teacher, Punk is the preacher" ?

Bob : Cette phrase signifie pour moi qu'il y a plusieurs niveaux dans notre musique, vous avez le blues et le punk. Le blues est très émotionnel, et le punk est très énergique, en bref vous avez l'émotion et l'énergie. En mélangeant les deux vous obtenez cette mixture particulière. Et lorsque l'on parle de l'enseignant (the teacher) et du prêcheur (the preacher), c'est un peu la même chose. Le prêcheur a un caractère très spirituel et solennel alors que l'enseignant a un caractère plus intellectuel. Nous assemblons le spirituel et l'intellect et vous obtenez cette phrase.



Marianne Faithfull a dit dans une récente interview que la jeune génération de rockeurs n'est plus directement influencée par le blues, et que de cette ignorance d'héritage le rock va subir une sévère mutation. Etes vous d'accord avec cette idée ?

Lisa : Oh oui, je suis entièrement d'accord avec elle !

Bob : Je crois que cette mutation s'est déjà produite.

Lisa : C'est en train de se produire et c'est peut être la raison pour laquelle beaucoup de musiques actuelles n'ont plus cette durée de vie si longue, il n'y a plus cette profondeur avec laquelle on pouvait aller au-delà de ses simples influences. Vous devez revenir aux classiques, et si vous voulez jouer du Rock'n'Roll, vous devez connaître le blues. C'est une partie intégrante de ce langage musical, et si vous ne le connaissez pas, cela sera beaucoup plus dur pour vous. Je suis prête à parier qu'il y a plein de gens qui ont créé leur propre identité musicale comme James Brown, mais dans tous les cas, tout est enraciné dans le blues. Il faut connaître le rythme, il faut aussi connaître cette voix musicale particulière. Vous ne pouvez pas jouer tout simplement en échantillonnant la musique des autres juste parce que vous avez entendu quelqu'un d'autre le faire.

Bob : Ce qui se passe avec cette nouvelle génération, c'est qu'elle est en train de perdre ce vocabulaire musical. Il y a des gens qui disent " On adore James Brown " et au final ils balancent Sex Machine toute la nuit mais James Brown faisait aussi d'autres trucs et les faisait aussi bien même avec une simple ligne de basse, et rien que ça, ça pouvait faire danser les gens toute la nuit.

Lisa : C'était la même chose pour les Who et tout ce qu'ils ont fait. Ils ont encré leurs influences en profondeur. Ils sont revenus aux sources du blues, du Rythm & Blues, de la soul aussi, et ils ont étudié tous ces courants. Keith Moon par exemple pouvait aussi bien jouer du jazz. Ils avaient vraiment un large panel d'influences. Lorsque vous avez un bagage musical aussi vaste, votre ne musique ne peut que s'en ressentir.

Bob : Cela doit être aussi étendu que possible.

Lisa : Lorsque les gens reviennent aux sources et qu'ils utilisent ce qu'ils ont appris d'elles, cela laisse place à de nouveaux genres. Regardez le rap ou la musique électro et la house ; ce sont juste des courants qui sont nés de la même manière que le rock'n'roll. Il y a heureusement des gens qui continuent de faire ça, mais je ne vois hélas toujours pas ça sur MTV ! (Rires)



Vous êtes Californien, mais votre musique est très proche de la scène de Detroit, et je ne fais pas qu'allusion à la scène proto-punk et garage comme les Stooges, Rationnals et autres MC5. Vous avez à bien des égards cette façon d'appréhender la musique comme les groupes du label soul et R&B Motown. Quelle influence a eu ce label sur votre état d'esprit ?

Lisa : Cela me rappelle mes premiers souvenirs d'enfance, lorsque j'étais à la maison et que je regardais les disques, je me souviens du logo. On écoutait beaucoup de groupes de ce label ; il a eu une énorme influence sur moi.

Bob : J'écoutais beaucoup de radios populaires un peu comme tout le monde, et Iggy and the Stooges et les MC5 étaient connus eux aussi, ils étaient en quelque sorte originaux par rapport aux groupes Californiens, et puis on pouvait également trouver leurs albums dans les grands magasins de disques ; mais quand on entendait toute la journée la radio, c'était constamment des groupes de Motown.


C'est amusant de se dire que finalement c'est une bonne réussite pour un petit disquaire de Detroit qui avait décidé d'enregistrer dans sa boutique les groupes locaux afin des les produire et les vendre directement...

Lisa : Oui c'est exactement cette approche. Ils ont tout fait eux même. Ils ont décidé de faire la même chose pour les artistes et leur musique, ils ont enregistré en une journée et ils l'ont fait directement là-bas, et ils les ont vendu là-bas. Tout à la maison en quelque sorte. Des vrais cerveaux ces gars ! (Rires)


Que pouvez vous dire à toutes les personnes qui n'ont de cesse de vous comparer simultanément à Aretha Franklin, Tina Turner avec des groupes tels que ceux que nous avons évoqués ?

Bob : S'ils trouvent qu'il y a ces références dans notre musique, tant mieux, je ne veux pas leur jeter la pierre.

Lisa : C'est vrai en quelque sorte, et ils ont peut être raison puisqu'ils le pensent. C'est plutôt un beau compliment qui nous définit finalement assez bien. D'un côté, je n'entends personne avoir des compliments comme ça, et nous, nous les avons ! (Rires)



Que pensez vous de la phrase préférée des passéistes à propos de la musique : "Le futur de nos jours, c'est hier" ?

Lisa : Le futur de nos jours, c'est hier... Hmm je ne suis pas entièrement d'accord avec cette idée. Peut être que je suis trop optimiste, je ne sais pas ! (Rires)

Bob : C'est un peu ce que je vois depuis ma chère et tendre enfance. A la fin des années 60 et au début des années 70, beaucoup de gens s'attardaient sur les années 50, comme s'ils pensaient avoir laissé quelque chose derrière eux et il y avait plein de conneries comme Sha Na Na . Mais d'un côté, en revenant en arrière, on arrive souvent à de nouvelles choses. Prenez par exemple le grunge : c'est venu d'une certaine frustration. Il y a gens qui voulaient jouer des trucs comme Chuck Berry en se disant que c'était plutôt dur de jouer comme lui ou d'autres classiques, alors ils l'ont joué à leur sauce en mettant le volume à fond et vous obtenez indirectement le grunge.

Lisa : Il faut dire que la génération culturelle d'aujourd'hui est un peu fainéante !
(Rires ironiques) Vous ne devez pas prétendre à être le nouveau Chuck Berry . Mais plus sincèrement, je pense que beaucoup de gens regardent l'industrie du disque comme si c'était le meilleur moyen de trouver de musique de qualité, mais ce qu'ils ne comprennent pas, c'est que c'est à eux de trouver la musique qui leur correspond. Et l'inconvénient avec l'industrie du disque, c'est qu'elle recherche ce qui semble le mieux pour la masse. Dès qu'ils ont trouvé quelque chose, ils la vendent, la balancent sur les ondes, et le vrai problème c'est que tout le côté excitant de la découverte artistique n'existe plus chez les gens. De plus, l'industrie du disque en laisse plus d'un sur le carreau.

Bob : D'un côté, cela a toujours été le cas. Les gens pensent que l'industrie du disque va donner le nouveau courant porteur. Ils vont dans les clubs pour voir les groupes, et dès qu'il en a un qui sort du lot, on le signe et espère leur faire vendre un paquet de disques et d'entrées pour leurs concerts, et les gens pensent que c'est un nouveau phénomène. Du moins c'est comme ça que ça se passait. Désormais, les représentants de labels ne vont même plus aux concerts, ils vont sur myspace, ils regardent le nombre d'écoutes d'un groupe. Myspace fait de la pub à des groupes qui sont potentiellement dignes d'intérêt pour les labels. C'est en quelque sorte la même chose si on y réfléchit bien.

Lisa : C'est une affaire de business, pas de musique. (Rires) Les choses changent, mais elles ne changeront jamais la qualité d'un groupe.

Bob : C'est la même idée, mais ce n'est plus le même type de fonctionnement. Vous n'allez plus dans les clubs, vous allez sur myspace. C'est maintenant le meilleur moyen de trouver des gens que vous n'auriez jamais pu écouter auparavant.



D'après vous quel est le nouvel épicentre du rock en 2008 ?

Lisa : Je suis peut être la mauvaise personne pour répondre à cette question. J'ai toujours été dans des endroits où il y avait toujours un intérêt pour le rock. D'après moi, on peut trouver de la bonne musique partout, dans n'importe quelle ville. Le problème, c'est que lorsque l'on joue quelque part, tout le monde nous demande d'où nous venons, comme si c'était leur première préoccupation.

Bob : Vous venez de nous parler de Detroit, et tout le monde nous dit que nous venons de là bas, même les magazines, mais NOUS NE SOMMES PAS DE DETROIT ! L'épicentre du rock est selon moi dans la tête, dans l'esprit.

Comment percevez vous ce regain d'intérêt pour le mouvement garage sixties ? Est-ce en quelque sorte une réaction à l'industrie mainstream ?

Bob : La première fois que j'ai vu ce mouvement revival, ou ce que l'on peut qualifier de revival, les labels signaient ces groupes en disant "Hey voilà un nouveau mouvement !" alors que les fans étaient là bien avant eux. Dix ans avant et dix ans après, ces groupes sont toujours là. Ce n'est pas vraiment du revival, ce n'est pas non plus que plus de personnes fassent du revival, c'est juste qu'ils ont toujours été là. C'est juste une question de choix médiatique.

Lisa : Les New Bomb Turks ont toujours fait la même chose et ils continuent toujours de jouer en faisant des concerts qui déchirent toujours autant. C'est pareil pour les Hives . Avant qu'ils ne soient célèbres, ils étaient comme les New Bomb Turks mais ils continuent de faire aussi la même chose. Quoi qu'il arrive, de toute façon les média de masse appelleront toujours un mouvement comme ils l'entendent.

Bob : Maintenant, on a l'impression que ces groupes disparaissent. Pareil pour le Hip Hop dont on a accordé tant d'importance ces dix dernières années. Ce mouvement s'essouffle. Et là les labels se disent : " Oh il faut trouver quelque chose de nouveau. Tiens voilà les Hives ..."

Lisa : Il y a une chose essentielle : Nous avons joué avec tellement de groupes venant de l'underground que je peux vous assurer qu'il y aura toujours une avant-garde quoi qu'il arrive. En ce qui nous concerne, nous faisons simplement ce que nous avons toujours voulu faire. Nous voulons rester nous-même.


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