Accueil Chronique de concert Entretien avec Irma à l'occasion de sa tournée 2014/2015 pour présenter l'album Faces
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Entretien avec Irma à l'occasion de sa tournée 2014/2015 pour présenter l'album Faces

Entretien avec Irma à l'occasion de sa tournée 2014/2015 pour présenter l'album Faces en concert

Bourse du travail, Lyon Décembre 2014

Interview réalisée le 21 décembre 2014 par Lily Rosana




Juste avant son concert à Lyon ce mardi 16 décembre, nous sommes partis interviewer Irma à l'occasion de la fin de tournée qui l'emmena jusqu'en Chine. Retour sur la conception de "Faces", son second album, jusqu'à ses souvenirs de scènes et ses nouveaux projets.




Faces : de New York à Paris.


Tu es partie enregistrer ton deuxième album, Faces, à New York.
Dans quel état d'esprit es-tu allée là-bas ?

Je suis partie remplie de tout mes souvenirs, d'énergie morale mais physiquement épuisée. Je n'avais pas d'autres buts que de continuer à bouger. Je sortais d'une tournée de quatre ans non stop, hyper intense. J'avais besoin de me sentir étrangère quelque part, sans inhibition. Être dans la redécouverte, recommencer, me créer de nouveaux repères.

Street lights est une chanson qui parle de New York. Tu dis : "Same fears and different hopes / A just moment to a bigger box (Même peurs et espoirs différents, un moment juste pour une plus grande boîte) Qu'est-ce que tu ressens lorsque tu écris ça à ce moment là ?
Je réalise à ce moment là que je suis à New York dans une ville géniale, ville dont on parle comme de la ville de toutes les inspirations, etc... Et que dans un même temps, je n'avais jamais vu autant de misère dans les rues qu'ici. C'est quand même assez paradoxal. Lors de mes rencontres, beaucoup me disaient qu'ils venaient à New York pour faire carrière et qu'ils avaient été déçus.
C'est pour cela que j'écris qu'en fait j'ai juste déménagé dans une plus grosse boîte. De rêves, de merveilleux mais aussi de désillusions et de drames humains.

Tu as organisé quelques concerts sauvages dans les métros de New York. Ont-ils été des étapes importantes dans la conception de "Faces" ?
Oui, très importantes. D'ailleurs à New York, lors de ces scènes, beaucoup de chansons n'étaient pas encore terminées. Cela me permettait de les faire exister ailleurs que dans ma chambre. Il y a eu beaucoup d'impros et j'en ai des souvenirs incroyables.

Pourrais-tu nous faire part d'un souvenir qui t'as particulièrement marqué ?
J'ai le souvenir de quelqu'un qui vivait visiblement dans le métro et qui est venu, m'a écouté et m'a donné une pièce. Parce qu'il voulait me montrer son soutien et qu'il avait passé un bon moment, il m'a donné quelque chose d'important pour lui alors qu'il n'avait déjà pas grand chose. J'étais abasourdie. Ça m'a énormément touchée.





Faces est-il un album qui a été conçu pour la scène ?
Oui, dès le début de leur création, j'ai imaginé le rendu des chansons sur scène. Après cette tournée, j'étais forcément dans une logique scénique. J'avais dans la tête tous les moments de scène, ce qui a beaucoup contribué à concevoir "Faces" de cette manière.

À quoi pourrais-tu comparer la scène ?
J'essaye de me dire à chaque fois : imagine que tu es dans ta chambre. J'ai encore un trac de ouf même si ça fait un bout de temps que je joue. Mais avec les années, je maîtrise mon appréhension de mieux en mieux. Je suis beaucoup plus détendue qu'avant. Mon équipe de musiciens est incroyable et plus je tourne avec eux, plus je me sens à l'aise. Ils me renvoient beaucoup d'énergie.

De retour en France, tu prépares ta pré-tournée avec des musiciens avec lesquels tu as beaucoup travaillé. Peux-tu les présenter ?
Dakou : Nicolas Da Cunha qui est à la batterie. Il est là depuis que je joue avec des musiciens. Il est pour moi le meilleur batteur qui soit. Il est incroyable. À la guitare il y a Gauthier Vizioz, qui a une sensibilité incroyable. A la basse, il y a Elise Blanchard, que j'avais rencontrée lorsque je faisais les premières parties de -M- et qui était sur son avant-dernière tournée, une musicienne épatante. Enfin, je peux compter sur Nicolas Liena, aux claviers, et Claire Pastor, aux percus et au chant, avec laquelle j'avais travaillé sur la précédente tournée. J'ai une équipe de tueurs. Ils sont très justes dans leurs jeux. Ils accompagnent la musique et se mettent à son service.

Quels ont été les avantages de cette pré-tournée ?
Tu apprends à connaître ceux avec qui tu vas tourner. J'ai la chance d'être tombée sur des crèmes, tout le monde est facile à vivre. Et surtout ça aide à roder les morceaux. Même aujourd'hui on change encore des arrangements alors que l'on tourne ensemble depuis le mois de février.

En quelques mois tu as parcouru pratiquement toute la France et tu as aussi beaucoup voyagé. Tu as fais des scènes en Espagne et en Chine. Quels ont été tes moments les plus forts ?
Franchement, ça va paraître neuneu, mais tous. Lorsque j'étais en Chine, en Espagne ou ailleurs, je me disais que jamais je n'aurais pu penser que ma musique me mettrait sur cette scène là. À chaque fois je me faisais la réflexion. Tous mes souvenirs de scène sont marqués par ça. Qu'il y ait trois, cent personnes ou cent milles, je ressens la même chose, tout le temps. Dans ce monde, aussi compliqué soit-il, lorsque tu vois des gens qui n'ont rien à voir les uns avec les autres se retrouver dans une même salle pour écouter un artiste quel qu'il soit, tu te dis qu'il y a quelque chose de magique. C'est à ça que doit servir la musique : à unir, à rallier, à aimer.




Le retour à la source, les futurs projets.


Tu es partie au Cameroun il y a quelques mois, comment s'est passé ton voyage ?
Ça m'a fait un bien fou, je me suis ressourcée. Je suis partie seule avec mes parents, ça faisait très longtemps que ça n'était pas arrivé et ça a été un moment magique. Je suis aussi allée en studio bosser avec des musiciens. Ça m'a mise dans un état de frustration extrême de me dire qu'il y a tellement de richesses, de gens talentueux que c'est quand même un enfer que ce pays, comme d'autres, soit dans cette situation là. Je les regardais jouer de la guitare avec tellement de passion, de coeur. Ces musiciens étaient bluffants.

As-tu enregistré quelques titres là-bas ?
J'ai enregistré tout plein de sons au Cameroun. Je travaille sur plein de chansons en même temps. Je ne sais pas si elles seront dans un autre album que le prochain. Il y a des guitares de là-bas qui sont vraiment belles et qui apporteront de belles sonorités à mes titres.

Ces derniers temps, tu as posté quelques vidéos où l'on peut apprécier des sons à tendance très electro. Est-ce que tu nous prépare à un métissage electro/folk pour un prochain titre ?
J'aime découvrir de nouvelles choses et lorsque ça arrive, j'aime les partager. À force de travailler avec des musiciens, de découvrir de nouveaux instruments, de nouveaux sons, les choses se construisent petit à petit. Il y a vraiment des sonorités que je trouve hyper belles dans la musique electro. Surtout quand ça peut être mélangé à de la soul comme peut le faire James Blake par exemple.

Le métissage des sons est-il important dans ton art ?
Très. Le métissage, c'est ce que je préfère. C'est comme ça que je suis, c'est la manière dont j'ai grandi. C'est pour cela que je suis heureuse que cela se retrouve dans ma musique.





Tu as mis en ligne pratiquement tous les titres de "Faces". Il en manque cependant un, "Love me" qui est un titre que les gens aiment beaucoup. Pour quand est sa mise en ligne ?
Tu sais, c'est incroyable ce qui se passe avec ce titre. À chaque fois, les personnes me disent qu'ils l'aiment particulièrement. Pourtant lorsque je l'ai écris, je ne pensais pas en faire un titre phare. Justement, une de mes amies (nldr : Lou Séchan) a tourné un clip que je trouve très beau pour "Love me" et j'ai vraiment envie de le partager sur internet. Nous sommes d'ailleurs en pleine discussion à ce sujet.

Tu veux qu'on appelle My Major Company pour leur mettre la pression ?
(Elle rit) Non mais, t'en fais pas, je suis sûre que ça va pouvoir se faire. Plus sérieusement tu sais, c'est un label qui écoute vraiment ses artistes. Ils sont vraiment une famille pour moi et prennent en considération mes remarques et mes envies. (ndr : Le clip fut mis en ligne 2 jours après)

À quand le prochain album ?
Je suis prête à le faire assez rapidement. J'ai composé beaucoup d'instrus et je dois à présent me poser pour écrire les textes. À la fin de cette tournée, je me sens moins fatiguée que pour la précédente. J'ai appris à m'économiser, à mieux gérer, à moins tout prendre en affect. Mes chansons sont tellement intimes, à tel point que je ne peux pas les écouter. C'est presque absurde qu'elles se retrouvent publiques. C'est dur de faire ce boulot là parce que tu mets tellement d'affect dans tout. Tu y mets tout ton coeur, c'est plein d'énergie et c'est beau mais en même temps très fatigant. Toutefois, le public, les gens m'en rendent à tel point que je ne vois pas comment je pourrais faire ce métier autrement qu'en tout donnant.





Le public attend sagement assis sur de grands fauteuils recouverts de velours rouge. Soudain, il est plongé dans le noir. Quelques doux accords de guitares se font entendre, les musiciens s'installent. Les lumières se rallument plus douces. Comme éclairée par de petites lucioles, Irma apparaît, un grand sourire aux lèvres. Elle salue son public qui a déjà des étoiles plein les yeux. Agile, elle reprend "Catch the Wind". Électrique sur "hear me out", elle laisse le micro à son public sur "I know". Elle transforme sa musique pour en faire des morceaux soul, electro, funk, raï, folk... Improvise divinement quelques pas de danse. Le rythme rempli la salle de concert d'énergie et l'on se retrouve, quelques moments d'euphorie durant, sur la place d'un marché à Marrakech grâce à Nicolas Liena, qui manie la darbouka incroyablement bien. C'est en fait un exercice difficile de décrire réellement ce que l'on ressent lorsqu'on vient voir Irma sur scène. Elle est à la fois énergisante et apaisante. Sa musique est un baume pour le coeur. Elle est sur scène ce qu'elle est dans la vie : une femme pleine de joie, entière et chaleureuse qui aime les gens. Qui aime la musique. Qui aime et qui donne sans compter l'énergie investie. Elle maîtrise son art qui est en fait multiple en faisant preuve d'une humilité extraordinaire. Irma, une artiste accomplie et une femme pleine d'humanité.


Propos recueillis par Emilie Costanziello, qui a également pris les photos illustrant l'article...

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